Nouvelles de l'environnement

RDC : Le projet d’exploitation du gaz dans le lac Kivu divise

Un groupe d'expertsdes nations unies pour l'environnement ont conduit une missionen RDC/Photo de Ricky Martin/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

  • Le Ministre congolais des Hydrocarbures Didier Budimbu a annoncé que son Gouvernement a autorisé l’exploitation du pétrole dans au moins 27 blocs et 3 sites gaziers dans le lac Kivu.
  • Au total 3 domaines sont concernés par cette exploitation dans le lac Kivu, situé entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, des voisins qui, actuellement s’accusent de déstabiliser l’un l’autre.
  • D’une superficie de 2700 km2, le lac Kivu, situé entre les deux pays voisins, est aussi connu comme étant un lac dangereux suite à ses énormes quantités de gaz toxiques et asphyxiants, notamment le sulfure d’hydrogène, le gaz carbonique et le méthane.
  • Les experts disent que le processus est accéléré pour des raisons inconnues et demandent au Gouvernement de respecter les étapes.

En octobre dernier, le Ministre des Hydrocarbures de la République Démocratique du Congo (RDC) a annoncé que la décision de l’exploitation du pétrole dans les 27 blocs de même que l’exploitation du gaz dans 3 blocs gaziers du lac Kivu était irréversible.

S’exprimant devant un parterre de participants dans un évènement dénommé « Africa Oil Week », le Ministre des Hydrocarbures, d’une humeur rassurante, a évoqué que le processus d’octroi des permis sera transparent et sans corruption.

« Je tiens à rassurer tout le monde que, avec l’agrément du Président de la République (…)  nous avons décidé de lutter contre la corruption et de lutter contre les antivaleurs pour que le processus soit transparent », selon une partie de la vidéo postée sur le compte Twitter du Ministère des Hydrocarbures de la République Démocratique du Congo.

Selon Didier Budimbu, le Gouvernement a même lancé des appels d’offre pour l’exploitation du pétrole et du gaz et le tout, promet-il, va se faire dans une « grande, grande transparence », selon son expression.

Didier Budimbu a invité par ailleurs des investisseurs étrangers ou locaux de venir investir dans ces projets, soulignant que toute personne qui viendra investir dans  ces projets y tirera son compte.

Mettant l’accent particulier sur les blocs gaziers du lac Kivu, le Ministre des Hydrocarbures de la République Démocratique du Congo Didier Budimbu a rassuré qu’au plus tard le 30 octobre 2022, le Gouvernement aura signé le premier contrat. Jusqu’au 29 janvier, estime Budimbu, le Gouvernement congolais va continuer à recevoir des investisseurs qui veulent investir dans le domaine gazier du lac Kivu.

 

Un paysageau milieu du bassinduCongo en RDC. Vue aérienne du Congo/Photo de Greenpeace
Un paysageau milieu du bassinduCongo en RDC. Vue aérienne du Congo/Photo de Greenpeace

Des sociétés américaines se bousculent, inquiétude des défenseurs de l’environnement

Le Gouvernement congolais avait annoncé au 10 octobre qu’au moins 8 sociétés toutes d’origine américaine avaient été sélectionnées et remplissaient les conditions.

Cependant, des organisations de la société civile se sont  montrées inquiètes par rapport à cette décision d’ouvrir les grandes forêts et réserves de la RDC aux multinationales, ce qui pourrait causer un grand préjudice aux forets dont l’utilité est purement mondiale.

En effet, les forêts du bassin du Congo de la République Démocratique du Congo constituent à elles seules 60% de l’ensemble des forêts du même bassin, alors que tout le bassin couvre une superficie de 4.000.000 de km2 et s’étend sur une dizaine de pays. Il est donc le deuxième poumon de l’humanité après l’Amazone en Amérique latine. Pour les activistes, protéger le bassin du Congo doit mettre l’accent sur la RD Congo qui a plus de 60% dudit bassin.

Greenpeace, l’une de ces organisations, a sorti un communiqué pour dénoncer  la rapidité avec laquelle le processus est mené.

« La loi prévoit un long processus d’évaluation et de vérification après la réception des premières manifestations d’intérêt et le dépôt des offres. Exécuter correctement ces exigences en seulement deux semaines est une mission impossible », déclare Irène Wabiwa, responsable internationale de la campagne pour les forêts du Bassin du Congo chez Greenpeace Afrique, citée dans un communiqué rendu public par cette même organisation.

Selon le communiqué, neuf sociétés ont soumissionné pour les droits d’exploration du gaz fossile dans le lac Kivu en République Démocratique du Congo (RDC). Sur cette liste, raconte le communiqué, on y trouve  la société américaine Symbion Power cotée en bourse mais sans expérience dans ce genre de travaux.

Une vitesse extraordinaire

Le Ministre des Hydrocarbures de la RDC souhaite signer des accords de partage de l’exploration avec les soumissionnaires retenus avant la fin du mois d’ octobre. Mais selon Greenpeace, ce délai va à l’encontre de la procédure de vérification exigée par la loi de la République Démocratique du Congo.

« Un processus précipité est une invitation ouverte à piller le peuple congolais et les écosystèmes dont il dépend, tout en enrichissant rapidement une élite écocide », lit une section du communiqué de Greenpeace

Par ailleurs, aucune évaluation environnementale stratégique de la décision de mettre aux enchères les droits pétroliers et gaziers n’a été réalisée à ce jour, comme l’exige la loi congolaise, ajoute Greenpeace.

Tshiswaka Masoka Hubert, avocat et directeur général de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH), nuance dans une interview exclusive avec Mongabay sur la problématique.

D’une façon générale, Me Tshiswaka Masoka Hubert dit qu’  «(…) en tant que défenseur des droits humains, y compris l’environnement sain, je recommande à l’État congolais de noter que la promotion du développement économique et la gestion de l’environnement s’inscrivent dans une logique d’interdépendance. Le développement durable doit tenir compte, en amont, des problèmes environnementaux ».

Par ailleurs, il note que  le travail des ONG soit normal surtout en ces temps. Il ajoute :

« Il est normal que les ONG défendent l’environnement, par des alertes préventives ou en portant les problèmes y relatifs à la connaissance des décideurs, aux différents échelons de l’État ».

La Constitution de la RDC entre en jeux

Selon Me Masoka –  qui est aussi professeur de Witwatersrand University  en Afrique du Sud –  l’obligation de l’État de protéger l’environnement s’entend de prévenir la destruction de l’environnement ou de faciliter aux parties touchées de recourir aux mécanismes administratifs ou judiciaires de réparation et compensation.

Ainsi, note l’avocat, en République Démocratique du Congo, l’environnement est protégé par la Constitution et des lois spécifiques.

« Dans l’article 53 de la Constitution de la RDC, l’État congolais énonce clairement son obligation de protéger l’environnement et la santé de tout un chacun, le droit de chaque individu à un environnement sain et le devoir de celui-ci de le défendre », explique-t-il.

« Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations », éclaire l’avocat citant un article de la Constituon de la République Démocratique du Congo.

Masoka met à défi certaines ONG de manière générale. Selon lui,  elles devraient commissionner ou entreprendre des études approfondies sur l’environnement avant d’accuser le Gouvernement.

« Il est remarqué que ceux qui parlent de  sa destruction négligent souvent de donner des faits causaux détaillés, des références scientifiques ou des éléments constitutifs desdites atteintes à l’environnement. Ils en parlent avec légèreté, sans se référer aux experts qui maitrisent ce domaine scientifique ».

La conséquence des insuffisances méthodologiques des rapports, l’absence d’autorité de connaissance, et le manque de rigueur et de qualité scientifique causent du tort aux ONG. Non seulement que leurs rapports n’apportent pas d’informations suffisantes aux décideurs, ils sont souvent classés sans suite.

Mais, selon Greenpeace – qui donne la liste des autres ONGs contre ces exploitations – à part des anomalies procédurales dans l’attribution des blocs, « il est probable que les communautés locales  n’ont pas été consultées sur les blocs gaziers désignés ».

Selon l’ONG, il y a 289,237 personnes vivant dans l’île d’Idjwi au milieu du lac Kivu – dont les autochtones bambous – qui sont menacés parce que leur voix n’a pas été prise en compte par le Gouvernement congolais.

Raoul Monsembula, scientifique et chercheur de l’Université de Kinshasa abonde dans le même sens. Il soutient l’argument selon lequel  même la population vivant dans les environs et sur des terres concernées n’a pas été associée ou consultée.

« Ouvrir le lac à l’exploitation du gaz exige d’abord que les études d’impacts socio-environnementaux soient réalisées et que les résultats soient validés par les services spécialisés. En plus, le gouvernement doit se rassurer du CLIP (Consentement Libre Informé et Préalable) des communautés vivant dans les environs du projet », explique le chercheur.

Un autre problème, non  moins important, est la gouvernance. Selon le chercheur de l’Université de Kinshasa, l’odeur de la corruption dictée notamment par la mauvaise gouvernance qui caractérise certains officiels de l’Etat, se fait sentir.

L’expert recommande d’abord d’évaluer les effets négatifs des gaz qui seront produits sur la santé humaine, sur son alimentation et sur les écosystèmes.

Par ailleurs, explique-t-il, l’exploitation du gaz ne produira pas seulement ce qui est utile pour les cuisines et autres activités quotidiennes mais également des gaz nocifs qui peuvent nuire à la santé humaine et à l’écosystème qui l’entoure.

Sans doute, raconte Raoul Monsembula, la biodiversité des milieux qui subiront la pression de la production gazière sera impactée.

 

 

 

 

 

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