Nouvelles de l'environnement

RDC : Des attaques contre les chinois de l’industrie extractive

des familles qui travaillent dans des mauvaises conditions dans les mines au Cameroun/ Christophe Nyemeck Beat

des familles qui travaillent dans des mauvaises conditions dans les mines au Cameroun/ Christophe Nyemeck Beat

  • Des chinois travaillant dans les différents sites d’extraction en RDC sont ciblés ces derniers jours par des attaques. Ils sont soit kidnappés soit assassinés par les militaires ou par les groupes armés qui sévissent dans cette région.
  • En novembre de cette année, le tribunal militaire basé à Bunia, chef-lieu de la province d’Ituri, avait saisi l’affaire de l’assassinat de deux chinois qui rentraient d’un site minier. Neuf personnes, dont deux hauts gradés de l’armée, ont requis une peine de mort.
  • Mais, les habitants de l’Ituri protestent contre les entreprises chinoises pour des dégâts environnementaux causés dans la région et le pillage des ressources naturelles. Ils dénoncent également les mauvais traitements des employés locaux travaillant dans les entreprises chinoises.

Des citoyens chinois opérant dans le secteur minier sont souvent victimes des différentes attaques, des enlèvements et des soulèvements populaires contre leurs activités, soulignent pas mal de sources en RDC.

Ils sont soit tués soit kidnappés par les rebelles anti-gouvernementaux qui les libèrent après paiement des rançons.

Bob Kabamab, professeur à l’université de Liège et coordonnateur de la cellule d’appui politologique en Afrique centrale, précise que cette prise d’otages des mineurs étrangers consiste à réclamer « une rançon » à payer pour leur libération.

Lors d’un forum Chine-Afrique tenu à Dakar en 2021, le gouvernement chinois avait exprimé sa préoccupation sur la menace qui pèse sur ses intérêts et sur des crimes graves que sont les enlèvements et les meurtres de ses citoyens en RDC, selon le patron de la diplomatie de Pékin, Wang Yi.

Il a par ailleurs appelé à la RDC pour la libération des 8 mineurs chinois enlevés et à créer un environnement sécurisé et stable propice à la coopération bilatérale entre les deux nations.

Des protestations populaires en Ituri

En octobre dernier, des habitants de la localité de Kitutu, en Ituri, sont descendu dans les rues, ont brulé les pneus, et ont barré les routes pour exiger le départ des entreprises chinoises, selon Jean Pierre Mukunirwa, responsable d’une coopérative aurifère en Ituri.

Jean Pierre Mukunirwa explique que les habitants accusent les exploitants chinois d’utiliser des produits nocifs et prohibés dans leurs activités, et de maltraiter les employés congolais. Mukunirwa trouve que les entreprises chinoises appauvrissent la population en RDC.

« Nous exigeons des indemnisations, car ils ne font rien à part exploiter et exporter nos minerais », a-t-il ajouté.

Jimmy Munguriek, un autre activiste de la société civile et coordonnateur de la coalition des organisations de la société civile de l’Ituri et de Haut-Uélé, estime que « selon les informations données par ceux qui travaillent avec eux [les exploitants, Ndlr], l’or produit quotidiennement peut atteindre 10 à 15 Kg ». Mais il s’étonne que personne ne déclare « la récolte ».

Les autorités congolaises, à travers l’assemblée locale de la province de l’Ituri, avaient entamé des enquêtes qui ont abouti à des conclusions alarmantes.

Selon Kasilembo Wabatinga, le rapporteur de la commission, les entreprises chinoises jouent un rôle important dans la pollution des rivières et le malheur des populations.

Des chinois accusés de détruire les infrastructures de transport

A part le mauvais traitement réservé au personnel local des sociétés chinoises, les activistes de la société civile, à l’instar de Jean Pierre Mukunirwa, accusent les opérateurs chinois de détruire les infrastructures de transport : routes, ponts et autres.

Selon l’écrivain Alphonse Maindo Monga Ngonga dans Politique Africaine, les entreprises chinoises sont  « responsables de la destruction » des forêts et des infrastructures routières à cause du poids élevé des camions assurant le transport de leurs matériaux.

L’écrivain ajoute que les lois de la RDC ne sont pas respectées, notamment des études d’impact environnemental, le principe d’indemnisation et bien d’autres ; de quoi irriter la population.

Par ailleurs, Hilaire Isombya, coordinateur du cadre de concertation de la société civile du territoire Mwenga, a déclaré que « les activités minières avec les sociétés chinoises constituent une source d’insécurités dans la région », appelant le gouverneur de la province à les suspendre.

Place aux attaques meurtrières contre les exploitants chinois

Les attaques contre les mines gérées par les compagnies d’exploitations chinoises et leurs travailleurs sont monnaie courante en RDC, surtout ces derniers mois, selon des sources locales.

Souvent, estiment des sources de la société civile congolais, des militaires assurant la sécurité de la région où se présentent les groupes armés sont  en désaccord avec les exploitants.

D’une part, ces derniers sont accusés de collaborer avec les milices dans les zones minières localisées hors de leur control et de l’autre, ils sont visés par les attaques et les enlèvements des différents groupes armés.

En mars dernier, par exemple, un convoi des chinois qui revenaient d’un site minier d’exploitation de l’or a été attaqué au village Nderemi, faisant deux chinois morts et leur chauffeur congolais blessé, selon des sources locales et des médias.

En novembre 2021, le porte-parole militaire Jules Ngongo avait également signalé cinq morts dont deux ressortissants chinois dans une attaque similaire menée par les présumés miliciens « Coopération pour le Développement du Congo (CODECO) »  contre un site d’exploitation artisanale d’or.

Jean-Robert Toko, membre de la société civile, avait également fait savoir que soixante personnes ont été tuées, 4 chinois pris en otage et un militaire blessé dans une attaque attribuée à cette même milice.

Des arrestations aussi

Malgré l’impunité dont jouissent certains exploitants, d’autres cependant sont tombés dans le filet des autorités en Ituri au nord-est du Congo.

Neuf ressortissants chinois accusés d’exploiter illégalement des minerais depuis plus d’une décennie avaient été arrêtés à Mambasa (Ituri), selon des sources officielles.

Le ministre des mines de la province d’Ituri Déogratias Ombalia ne mâche pas les mots.

« Ce sont des pilleurs de nos ressources ; ils n’ont aucun document de l’administration minière ; ils ne déclarent même pas la production », raconte-t-il.

Les militaires condamnés aussi

Dans cette « guerre » contre les entreprises chinoises, les militaires congolais tombent aussi dans les filets.

Accusés d’avoir trempé dans l’embuscade qui a couté la vie à des exploitants chinois, deux officiers supérieurs de l’armée en Ituri sont reconnus coupables tandis que huit autres ont été radiés de l’armée.

Ils avaient organisé une attaque contre le convoi des exploitants en mars 2022, dans le territoire d’Irumu, en Ituri, où un convoi des exploitants chinois avait été attaqué par des hommes identifiés plus tard comme étant de l’armée régulière congolaise.

Les auteurs ont été reconnus coupables de quatre chefs d’accusation dont l’association de malfaiteurs et le meurtre pour faciliter le vol. Le tribunal militaire avait annoncé que deux officiers supérieurs de grade de colonel avaient organisé et planifié l’attaque dans le but de voler 4 lingots d’or et 6000 dollars en possession des victimes.

Le tribunal a également mentionné que tous les condamnés devront payer conjointement à titre des dommages et intérêts aux familles des victimes une somme de 50.000 dollars et restituer l’or et l’argent volés.

Réagissant à la presse, le porte-parole des opérations militaire en Ituri J. Ngongo a indiqué que  « la décision doit servir d’exemple aux autres brebis galeuses au sein des forces armées », comparant certains militaires qui agissent de la sorte aux brebis égarés qui ne suivent pas des règles.

Des intouchables

Le porte-parole des opérations militaires en Ituri J. Ngongo n’y va pas par quatre chemins.

Il a invité plutôt la justice militaire d’enquêter sur d’autres officiers supérieurs de grade de général qui  trempent souvent dans des dossiers d’assassinat dans le secteur minier.

L’ingérence armée dans les mines artisanales prend surtout la forme d’un racket de protection, a constaté Mark Dummett, responsable du programme entreprise, sécurité et droits humains à Amnesty International, lors de sa visite de travail en RDC.

Les groupes armés qui ne sont pas confiés à la sécurisation des sites miniers chinois les extorquent en échange d’une rançon pour leur libération une fois kidnappés, reconnait le cadre d’Amnesty International.

Cependant, ces rackets de protection contribuent au climat général d’insécurité qui règne dans l’est de la RDC, conclut Mark Dummett.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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