- Plus de 14 ans après la découverte des champs de diamants de Marange, l’un des plus grands projets d’extraction de diamants, les habitants et locaux déplacés vivant près des mines vivent toujours dans la pauvreté.
- Le gouvernement et les entreprises minières avaient promis des maisons, l’électricité, l’eau, des emplois, des services sociaux et des indemnisations, mais les habitants et les organisations de la société civile disent qu’ils n’ont toujours pas obtenu de nombreuses choses qui leur avaient été promises depuis le dernier article de Mongabay sur le projet en 2016.
- Les rivières, dont dépendent les habitants pour leur bétail, leurs potagers et le lavage, sont polluées et chargées de sédiment par les mineurs artisanaux qui cherchent des revenus et des occasions supplémentaires pour échapper à la pauvreté.
- Avant, au Zimbabwe, les entreprises étrangères devaient donner la majorité de leurs actions à des locaux ou verser de l’argent dans des fonds de dépôt communautaires. Toutefois, cette promesse n’a pas été tenue puisque l’actuel président, Emmerson Mnangagwa, a révoqué la loi.
Plus de 14 ans après avoir été forcés de quitter leurs villages ancestraux pour laisser la place aux activités d’exploitation minière dans l’un des plus grands projets de production de diamants, les habitants de Arda Transau dans l’est du Zimbabwe vivent encore dans une extrême pauvreté. Sur le terrain de 567 kilomètres de large de champs et de mines diamantifères, connu sous le nom de Marange, où au moins 76 millions de carats de diamants ont été vendus depuis 2010, les promesses du gouvernement pour des logements et des indemnisations n’ont toujours pas été réglées.
Après que des pierres précieuses ont été découvertes dans la région orientale de Mutare en 2006, en plus de l’arrivée des entreprises étrangères, plus de 35 000 personnes se sont installées dans la zone pour creuser et chercher des diamants à la batée (un récipient peu profond destiné à laver des sables contenant des pierres ou des métaux précieux) ou acheter et vendre les pierres précieuses. Mais en novembre 2008, suscitant la polémique, le gouvernement zimbabwéen a pris le contrôle des champs miniers et déployé l’armée dans les zones des champs diamantifères de Mutare et Chiadzwa.
Au cours de l’opération Hakudzokwi, qui visait à mettre fin à l’exploitation artisanale jugée illégale, plus de 200 personnes ont été tuées lorsque des hélicoptères militaires ont ouvert le feu sur des chercheurs de diamants à la batée depuis les airs. Des personnes ont ensuite été « enterrées dans des fosses communes creusées avec des bulldozers », selon des témoignages recueillis par des organisations de défenses des droits humains.
En 2009, près de 1 500 familles ont été forcées de quitter la zone et de se déplacer à Arda Transau à 40 kilomètres dans de nouvelles maisons construites par Anjin Mining Investments, un partenariat entre une société chinoise, Anhui Foreign Economic Construction Group (AFECС), et une entreprise d’investissement de l’armée zimbabwéenne, Matt Bronze.
Le gouvernement et Anjin Mining Investments ont promis aux familles des emplois dans les mines, des logements avec trois chambres, l’électricité, l’eau courante, des routes goudronnées, un demi-hectare de terrain avec des systèmes d’irrigation, des écoles, une clinique, des graines, des engrais et des livraisons alimentaires tous les trois mois. Les familles, qui étaient auparavant des fermiers dépendant des terres pour leur bétail, devaient également recevoir de l’aide pour commencer l’élevage de porcs.
Toutefois, peu de temps après leur installation, les murs de leurs nouveaux logements à Arda Transau ont commencé à se fissurer.
L’approvisionnement en eau est devenu irrégulier, les systèmes d’irrigation ne se sont pas concrétisés et les familles ont reçu 1 000 dollars d’indemnité de réinstallation, un montant que de nombreuses personnes déplacées disent trop faible pour les biens, logements, terres et style de vie qu’elles ont perdus.
Douze ans plus tard, la situation a considérablement empiré, a dit James Mupfumi, directeur du Centre for Research and Development (CRD, centre de recherche et de développement) à Mongabay.
« Ces maisons étaient un projet réalisé dans la précipitation par l’entreprise qui n’a pas impliqué le service des travaux publics qui inspecte les maisons pour s’assurer qu’elles respectent les normes », a dit Mupfumi. « Des écoles ont été construites comme promis, mais elles n’étaient pas suffisamment grandes pour tous les enfants qui ont été déplacés ici. »
Mongabay a contacté l’entreprise Anjin Mining Investments Pty (Ltd), le ministère des Mines et du Développement minier, et l’entreprise Zimbabwe Consolidated Diamond Company pour obtenir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
L’exploitation minière a encore lieu dans des villages, comme Matereke et Nyakuni, où des gens vivent encore, et sur certaines fermes privées après que le déplacement de tous les habitants de la zone de Marange se soit avéré trop difficile. Les 26 000 personnes qui vivent encore dans la zone d’exploitation minière de diamants sont aujourd’hui soumises à des dispositions d’urgence en vertu du Protected Places and Areas Act (Loi sur les lieux et sites protégés).
Cette loi permet au gouvernement de déclarer qu’un site est un « lieu protégé » soumis à des pouvoirs d’exception. L’armée est présente dans les villages et demande des laissez-passer ou des permis aux gens afin qu’ils prouvent qu’ils sont autorisés à être là. L’armée ou toute personne autorisée par le gouvernement a le pouvoir de chercher et de détenir des personnes, ainsi que de les expulser de la zone. Des signalements faisant état de brutalités et d’abus sexuels par certains soldats et officiers de police ont ébranlé ces villages.
Le passage à une vie plus pauvre
Des familles ont laissé derrière elles cinq hectares de pâturages communaux près de rivières et de baobabs dont elles utilisaient les fibres pour fabriquer des tapis qu’elles vendaient, et ont été contraintes de vivre dans de petites maisons sur des parcelles individuelles sèches et arides qui ne peuvent pas se prêter à la culture ou à l’élevage de bétail. Leurs logements d’origine avaient 8 à 12 pièces et des rondavelles (huttes traditionnelles) pour accueillir de grandes familles et des proches.
Selon Newman Chiadzwa, président du Chiadzwa Community Development Trust (CCDT), la valeur des propriétés que les villageois ont été forcés d’abandonner variait de 60 000 dollars à 200 000 dollars en fonction de leur taille.
« Les gens n’ont jamais été indemnisés à ces niveaux », a dit Chiadzwa à Mongabay.
Dans les villages, les grands-parents, les parents et leurs enfants mariés vivaient ensemble. Mais lorsque les familles ont été forcées de déménager à Arda Transau, de nombreux jeunes couples mariés n’ont pas reçu leurs propres maisons et ont dû s’entasser dans les petites unités de leurs parents plus âgés. Certains de ces couples ont ensuite occupé des maisons laissées vacantes par l’entreprise d’État, Marange Resources, mais ne sont pas propriétaires et sont régulièrement menacés d’expulsion, a dit à Mongabay Proud Nyakunu, le responsable juridique du syndicat des travailleurs Zimbabwe Allied and Diamond Workers Union (ZIDAWU) basé à Marange.
« Les mines ont manqué à leurs promesses. Nos maisons qui ont 10 ans sont tellement délabrées qu’elles ont l’air d’avoir 100 ans », a-t-il dit.
Selon Lloyd Sesemani, un habitant d’Arda Transau et un gestionnaire de programmes de l’organisation communautaire, Zivai Community Empowerment Trust (ZICET), les habitants n’ont pas d’espace pour faire paître leurs animaux.
« Nous sommes forcés de vivre une vie citadine, d’acheter les tomates, les oignons et les céréales, alors que nous étions habitués à un mode de vie rural », a dit Sesemani.
La communauté vient de terres communales où les habitants pouvaient élever du bétail et produire des récoltes. Le sol de Marange est fertile et il y avait de nombreux moyens de subsistance, ajoute Mupfumi. « Ils étaient en paix sur leurs terres communales, parce qu’il y avait des forêts, des fruits, ces terres étaient une source de vie bien meilleure que ce qu’ils ont maintenant. »
Du fait que les maisons construites par Anjin n’ont jamais été électrifiées, les habitants déplacés ont utilisé du bois de chauffe ce qui a entraîné une déforestation massive dans la zone pour du bois de chauffe, a dit Nyakunu.
ZIDAWU a commencé un projet pour arrêter la déforestation en faisant découvrir à la communauté des cuisinières « Tsotso » économes en bois qui réduisent l’utilisation de bois de chauffe de 60 à 70 %. Mais sans financement, le projet avance lentement, a dit Nyakunu.
Une rivière voisine, l’Odzi, qui sert à la communauté de source d’eau pour le lavage et le jardinage à petite échelle est polluée par « l’extraction artisanale galopante » dans les environs par des habitants du coin cherchant à augmenter leurs revenus et à échapper à la pauvreté. Le résultat est le lavage des sols dans la rivière et l’ensablement de la rivière.
« Les communautés utilisent l’eau de la rivière pour arroser leurs potagers. Les gens pêchaient le long de la rivière, mais aujourd’hui nous avons des familles qui ont perdu des troupeaux entiers à cause de l’eau polluée qui est déversée dans la rivière », a dit à Mongabay Farai Maguwu, le directeur du Centre pour la gouvernance des ressources naturelles.
La source principale d’eau propre, un puits de forage dans le village, a subi des coupures de courant fréquentes et a été jugée impropre à la consommation humaine par les autorités sanitaires. En avril 2020, la Haute Cour de justice a statué que ZETDC (l’entreprise zimbabwéenne de transmission et de distribution de l’électricité) doit fournir suffisamment d’électricité pour alimenter le puits de forage, même si Anjin Mining Investments n’a pas payé. Toutefois, l’alimentation du puits de forage a encore été coupée en mars de cette année.
« La mine cherche un coupable, si vous leur posez des questions sur l’eau, [Anjin Mining Investments] rejette la faute et dit qu’ils ont déjà payé le gouvernement pour ça et qu’ils ne sont là que pour les affaires », explique Nyakunu.
Toujours en attente d’une indemnisation
L’indemnisation a été une question très contestée au cours des années. La Loi sur l’indigénisation et l’autonomisation économique de 2010 stipule que toutes les entreprises étrangères ayant plus de 500 000 dollars d’actifs doivent vendre ou transférer 51 % de leurs parts aux Zimbabwéens afin de redonner le contrôle aux populations locales. Dans le cadre du transfert de 51 % aux Zimbabwéens, les entreprises à capitaux étrangers pouvaient donner 10 % en actions à des fonds de dépôt communautaires.
Les cinq entreprises qui contrôlaient la concession à ce moment-là : Marange Resources, Anjin Mining Investments, Jinan Mining, l’entreprise privée sud-africaine Mbada Diamonds, et l’entreprise privée libanaise Diamond Mining Corporation avaient promis de virer 10 millions de dollars chacune dans un fonds de dépôt communautaire.
Toutefois, selon un rapport parlementaire de 2016, Mbada Diamonds et Marange Resources sont les seuls à avoir viré de l’argent dans le fonds de dépôt, avec seulement 400 000 $ versés. Il y a deux ans, la presse locale a publié qu’une partie de cet argent a été dépensé pour des indemnités à des membres du conseil et des frais de déplacement.
En 2020, les familles déplacées ont dit à la presse locale qu’ils ne savaient pas où l’argent était allé, car seule une nouvelle clôture a été construite dans la zone.
En 2016, le président de l’époque, Robert Mugabe a déclaré que les entreprises de diamants à capitaux étrangers devraient fusionner avec la Zimbabwe Consolidated Diamond Company (ZCDC), donner 51 % de leurs actions ou quitter le pays. Les entreprises avaient rapidement quitté le Zimbabwe et Anjin Investments était parti après avoir perdu un procès contre cette nouvelle décision devant la Haute Cour. Mais, après avoir réussi un coup d’État contre Mugabe en 2017, Emmerson Mnangagwa est devenu président sept mois plus tard et a abrogé cette décision, ramenant Anjin Investments à Marange en 2020 et leur accordant une nouvelle concession d’extraction de diamants.
Dans le même temps, seuls 5 millions de dollars ont été versés au fonds de dépôt pour construire des puits de forage et de nouvelles salles de classe, qui n’ont jamais été terminés.
Toutefois, selon le Centre de recherche et développement, cet argent a à nouveau été englouti par la corruption.
« Il y a 87 circonscriptions qui sont affectées par l’exploitation minière dans la région de Mutare. Une seule de ces circonscriptions a 15 écoles, l’argent ne représentait donc pratiquement rien », a dit Mupfumi à Mongabay. « Il y avait aussi de la corruption et beaucoup de projets qui ont été démarrés n’ont pas été terminés. On peut dire que l’argent n’a fait aucune différence. »
Le CRD plaide pour que les personnes déplacées reçoivent une concession dans les champs de diamants qui pourrait convenir à l’extraction artisanale, afin qu’elles puissent l’exploiter collectivement et partager les profits. Mais le gouvernement n’est pas d’accord actuellement avec l’octroi de cette concession.
En ce moment, près de 9 000 mineurs non officiels paient des pots-de-vin aux forces de sécurité de l’État pour creuser dans la zone, a dit Mupfumi.
« Il y a des flux financiers illicites qui sont orchestrés par les barons des diamants et les forces de sécurité de l’État. Les abus des forces de sécurité de l’État se poursuivent », a dit Mupfumi. « Ils savent que les populations de Marange vivent dans une extrême pauvreté, ils savent que leurs membres sont impliqués dans les abus. Ce n’est pas un secret. »
Image de bannière : Alice Gama regarde une fissure qui est apparue dans le mur de sa maison à Arda Transau, une zone près des champs de diamants de Chiadzwa au Zimbabwe Image fournie par Linda Mujuru, GPJ Zimbabwe. Image fournie par Chenjerai.
Écoute en lien du podcast de Mongabay : Nous vous présentons deux histoires qui illustrent des moyens novateurs qu’utilisent les défenseurs de l’environnement pour contrer les impacts de l’exploitation minière. Écoutez ici (en anglais):
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2022/10/broken-houses-and-promises-residents-still-in-poverty-near-massive-diamond-project/