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L’affaire Catoca : « Il reste le courage politique, l’engagement du pays », dit le député Guy Mafuta Kabongo

Les lacs ou cours d'eau sont souvent contaminés par des dechets dans le bassin du Congo/Photo de Greenpeace

Les lacs ou cours d'eau sont souvent contaminés par des dechets dans le bassin du Congo/Photo de Greenpeace

  • En juillet 2021, les effluents d’une mine de diamants angolaise se sont déversés en quantité massive dans le bassin de la rivière Kasaï qui s’étend à travers l’Angola et la République démocratique du Congo (RDC).
  • Un rapport indépendant, publié en septembre 2022, a révélé des lourdes conséquences qui continuent de se faire ressentir sur les communautés tributaires des ressources des rivières.
  • Une année plus tard, Guy Mafuta Kabongo, en sa qualité du député élu de la province du Kasaï, use des prérogatives parlementaires afin que justice soit rendue aux populations affectées.

En juillet 2021, la rupture d’une digue de résidus d’une mine diamantaire en Angola a provoqué une mortalité massive parmi la vie aquatique des rivières Lova, Tshikapa et Kasaï.

Douze personnes sont décédées après avoir consommé l’eau contaminée. Un rapport d’un institut de recherche indépendant, l’IPIS (l’International Peace Information Service), indique que la pollution de la mine de Catoca a eu un impact négatif sur les communautés tributaires des ressources des rivières, qui risque de se faire ressentir pendant plusieurs années en Angola et en République démocratique du Congo (RDC).

Une année plus tard, Guy Mafuta Kabongo, en sa qualité du député élu de la province du Kasaï, use des prérogatives parlementaires afin que justice soit rendue aux populations affectées, grâce notamment aux moyens diplomatique, judiciaire, et politique. À son avis, les congolais doivent savoir qu’est-ce que le gouvernement fait par rapport à ce dossier. Il a parlé récemment avec Sylvain-Gauthier Kabemba pour Mongabay.

Les réponses de la RDC et de l’Angola ne sont guère mieux, indique un rapport

Mongabay : Catoca a déclaré que le barrage de résidus ne contenait que des roches naturelles et de l’argile, mais des scientifiques de l’Université de Lubumbashi travaillant avec leurs homologues belges ont testé l’eau de manière indépendante et ont trouvé du fer, du nickel et des traces d’uranium : le gouvernement congolais n’a publié que les résultats préliminaires : pourquoi les résultats complets n’ont pas été publiés ?

Guy Mafuta Kabongo : Au fait, moi j’ai toujours, de bout-en-bout, critiqué et condamné la mollesse avec laquelle le gouvernement a traité cette question. J’ai pris part à plusieurs réunions, notamment à la commission mixte entre le Congo et l’Angola. J’ai pris part aux cotés de la vice-première ministre en charge de l’environnement à une réunion stratégique – mais, j’ai senti dans le chef du gouvernement congolais, cette peur, à créer une énième affaire contre l’Angola. Mais, [moi-même, ndlr] je me demande qu’il y ait des victimes congolaises qui sont là et c’est un préjudice qui est continu.

Effectivement, la société angolaise [Catoca Mining] ne peut que dire ça pour ne pas endosser la responsabilité. Mais, la science est exacte. Les recherches et les études opérées par les scientifiques de l’Université de Lubumbashi en appui avec certains scientifiques belges ont attesté qu’il y avait du fer à des proportions inquiétantes qui peut engendrer ce qu’on a vécu là – également, le gouvernement a produit un rapport dans lequel les études et analyses faites sur les sédiments attestent la présence du fer et du nickel à des proportions très élevées, ce qui justifie tout ça.
Du point de vue scientifique, nous savons prouver que c’est par le fait de la société Catoca Mining qu’il y a eu ces dégâts-là. Il reste le courage politique, l’engagement du pays à poursuivre ou à amener à bon port ce dossier.

Et d’ailleurs, je vous apprends que la société Catoca Mining, du côté angolais, a eu à indemniser quelques victimes, pourquoi ne pas le faire au Congo ? C’est tout le problème.

Mongabay : Selon les témoins, des pécheurs (et/ou chercheurs), quels sont les effets de la pollution sur la pèche et la faune dans le bassin du Kasai ?

Guy Mafuta Kabongo : Il y a eu beaucoup de mort des poissons. [Les pécheurs] ont passé un temps où ils ne pouvaient plus pécher. Parce que le gouvernement, d’ailleurs, au niveau de la province [du Kasaï, ndlr], avait interdit la consommation de ces poissons-là. Les corps des poissons morts flottaient sur la rivière. La pèche était vraiment perturbée pendant un long moment…

Mongabay : L’aide déposée à Tshikapa par le gouvernement, à quoi consistait-elle exactement ? – son contenu s’il vous plait, et où l’on en est avec ?

Guy Mafuta Kabongo : L’aide contenait des bassins [gros récipient ménager], des récipients pour conserver l’eau. Il y a eu quelques vivres-frais : les poulets… le riz. Bref, les aliments.

Mongabay : Quelles précautions sont encore en place pour les personnes vivant près des rivières Kasaï et Tshikapa ?

Guy Mafuta Kabongo : Il n’y a rien, du côté congolais. Je vous apprends que même « l’aide » qui était apportée par le gouvernement a été déposée dans la ville. Mais les victimes sont dans les villages le long de la rivière [Kasaï]. Et moi-même, j’ai dû consacrer quelques mois de mes émoluments pour acheminer l’aide au niveau de différents centres où certains patients étaient amenés, et quand bien même qu’elles [les victimes] allaient là-bas, elles payaient, ce n’était pas gratuit [la prise en charge médicale des victimes]. Donc, c’est une organisation qui ne dit pas son nom.

Mongabay : Honorable, vous confirmez que l’aide destinée aux victimes n’avait-elle pas été acheminée à la destination ?

Guy Mafuta Kabongo : La vice-première ministre [de l’environnement] a déposé l’aide dans la ville de Tshikapa, mais les victimes sont le long de la rivière et, c’est au-delà de 500 km que la population était touchée. Déposer l’aide dans la ville seulement, ce n’est pas atteindre l’objectif.
J’ai toujours condamné qu’on ait une mission gouvernementale mastodonte de quatre ministres, mais vous n’avez pas prévu, dans le budget, la logistique pour acheminer l’aide ; ça n’a pas de sens.

Mongabay : Qu’en est-il de l’action en responsabilité civile initiée récemment par vous-même contre Catoca ?

Guy Mafuta Kabongo : J’ai initié une action, il se pose un problème de droit. Un problème de gestion des cours et tribunaux. Vous savez en droit, quand il y a une composition qui a connu de problème, c’est la même composition qui doit statuer. Dans l’espèce, le jour de statuer, un des juges a pris ses vacances à Kinshasa, au motif qu’il était éprouvé – et quand on a entendu deux semaines, trois semaines… Quand il est rentré, un autre membre de la composition va déserter, jusqu’aujourd’hui. Donc, on a une composition qui ne peut pas rendre la sentence, il faut recommencer l’action (en justice). Pour recommencer l’action, la saisine doit respecter trois mois, parce que la personne ciblée [Catoca Mining] est en dehors du territoire national.
Par exemple, pour que la première action soit en état, j’ai dépensé pas moins de $15000. C’est-à-dire, il fallait d’abord identifier les victimes, c’était presqu’un recensement : il fallait envoyer des équipes, faire des formulaires et autres, jusqu’à payer les frais et être assigné – nous avons attendu trois mois.
Il faut reprendre à zéro, c’est aussi des frais supplémentaires, alors que les victimes n’ont aucun appui jusque-là. Tout ça, à mon propre compte.

Mongabay  : N’avez-vous pas contacté le gouvernement à ce niveau-là ?

Guy Mafuta Kabongo : Je suis en contact avec le gouvernement. La vice-première ministre de l’environnement, je ne sais même pas si elle l’entend de quelle oreille… [Début d’octobre], j’ai audience avec le ministre de la coopération internationale, Didier Mazenga Mukanzu, qui va me recevoir pour la même question.
Nous avons une commission mixte Angola–RDC. Je vois le ministre Mazenga pour qu’il inscrive cette question dans cette commission mixte. Vous savez, on dit « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Moi, je suis dans cette logique-là : j’ouvre la voie diplomatique, j’ouvre la voie judiciaire, j’ouvre la voie parlementaire et aussi la voie politique. Celle qui peut apporter un soulagement à notre population sera privilégiée.

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