Nouvelles de l'environnement

Élément d’Afrique : Garder le platine sous terre et les mineurs hors des mines

  • Le ministre des Ressources minières d’Afrique du Sud a approuvé l’ouverture d’une mine de platine dans la réserve de biosphère de Vhembe. Cette décision a été prise malgré les objections des 500 membres d’une communauté agricole dont les foyers se trouvent au-dessus des gisements.
  • En République démocratique du Congo, plus de 250 enfants retournent travailler dans les mines de cobalt après la fin d’un programme gouvernemental visant à encourager leurs parents à les scolariser.
  • Au contraire, dans le comté de Makueni, au Kenya, des réglementations locales strictes interdisent aux mineurs et aux personnes ayant un casier judiciaire de travailler dans l’industrie d’extraction de sable.
  • Élément d’Afrique est le bulletin bihebdomadaire de Mongabay qui rassemble de courts articles sur le secteur des matières premières en Afrique.

L’Afrique du Sud approuve l’ouverture d’une mine de platine malgré les inquiétudes de la communauté

GA-NGWEPE, Afrique du Sud — Le ministre sud-africain des Ressources minérales et de l’Énergie a approuvé l’ouverture d’une mine de platine dans la réserve de biosphère de Vhembe, sous les foyers d’environ 500 ruraux de Ga-Ngwepe, dans la province du Limpopo. Le 13 octobre, le ministre Gwede Mantashe a rejeté l’appel de la communauté agricole d’Early Dawn, qui s’opposait à l’attribution en 2018 d’une licence d’exploitation minière à Waterberg JV Resources (Pty) ltd.

« Ce qui est triste c’est que la majorité des personnes qui vont être relogées sont des femmes et des enfants. Nous sommes littéralement livrés à nous-mêmes », explique Mamedi Ngoepe, le chef de la communauté, à Mongabay.

Le ministre a également écarté l’appel de la communauté au motif qu’elle n’avait pas démontré son droit à la terre de manière satisfaisante. Selon lui, offrir une part de 26 % de la mine aux Sud-Africains historiquement défavorisés serait une compensation équitable pour la perte de leur mode de vie actuel. Toutefois, il semblerait que cette part du projet d’extraction de platine n’ait pas été allouée à la communauté. Elle serait revenue à une petite entreprise détenue par le vice-président de la société canadienne Platinum Group Minerals, l’actionnaire majoritaire de Waterberg.

Pour M Ngoepe, il est peu probable que l’exploitation minière soit autorisée où que ce soit dans la réserve de biosphère de Vhembe. Elle s’étend sur 460 000 hectares de forêt, de prairie et de savane et comprend une partie du parc national Kruger, la forêt sacrée de Thathe Vondo et la région de l’ancien royaume de Mapungubwe, un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La réserve abrite des centaines d’espèces différentes d’insectes, de reptiles, d’oiseaux et de mammifères. Vhembe et ses zones tampons sont aussi le foyer de plus de 1,5 million de personnes qui sont, pour beaucoup, des agriculteurs comme les résidents d’Early Dawn.

La communauté, qui vit ici depuis les années 1940, cherche maintenant des avocats pour déposer un recours juridique contre la licence de Waterberg, au motif que les explosions souterraines endommageront leurs maisons et les obligeront à quitter leurs terres.

Mapungubwe's baobab landscape.
Baobabs du paysage culturel de Mapungubwe. La réserve de biosphère de Vhembe est une vaste étendue de forêt, de prairie et de savane qui comprend une partie du parc national Kruger, la forêt sacrée de Thathe Vondo, l’ancien royaume de Mapungubwe, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, ainsi que des villes importantes et des communautés comme Early Dawn. Image de Martin Heigan depuis Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Jusqu’à présent, Waterberg JV Resources n’a pas respecté les réglementations environnementales sur le site. Une enquête gouvernementale a en effet révélé que peu après l’obtention de sa licence d’exploration, la société opérait sans permis d’utilisation de l’eau. Elle a parallèlement extrait du sable et foré des puits de captage qui, d’après la communauté, ont causé l’assèchement de leur propre approvisionnement en eau.

Le consortium minier n’a toujours pas obtenu de permis d’utilisation de l’eau et la communauté prévoit de s’y opposer également.

Ni Platinum Group Minerals ni le ministère des Ressources minières et de l’Énergie n’ont répondu aux sollicitations de Mongabay.


Kipushi, RDC : L’école ne retient pas les enfants sortis des mines de cobalt

Plus de 250 enfants ont repris le chemin des mines de cobalt à Kipushi, au sud-est de la République Démocratique du Congo au terme d’une initiative censée offrir une alternative au travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement du cobalt.

Ces enfants dont l’âge varie entre 7 et 14 ans ont été scolarisés avec l’aide d’organisations étrangères. D’après le site Mines.cd, sur 2 834 identifiés dans les mines autour de Kipushi, 500 ont intégré l’école en 2021. À la rentrée 2022-2023 en septembre 2022, seulement 213 ont repris l’école. Les autres sont rentrés dans les mines, indique la même source.

Productrice de 70 % du cobalt mondial, à travers la Chine qui en en a importé 89,6 % en 2020 d’après la même source, la RDC figure parmi les pays où les enfants travaillent dans les mines. Il y aurait 44 000 enfants, à travers le pays : dont le Katanga où 15 à 30 % de cobalt viennent de l’artisanat, et dans les Kivu notamment.

Children working in the cobalt mines.
Des enfants travaillant dans une mine de cobalt dans le territoire de Kailo, en RDC. Des milliers d’enfants âgés de 7 à 14 ans ne vont pas à l’école pour travailler dans les mines de la RDC. Image de Julien Harneis depuis Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).

D’après deux responsables d’associations locales contactées par Mines.cd, les parents ne parviendraient pas à bien nourrir les écoliers. Ces derniers ont ainsi choisi de trouver eux-mêmes des ressources pour leurs familles.

Ces fuites rappellent qu’en plus de la scolarisation, des conditions socio-économiques stables dans les foyers sont importantes pour maintenir les enfants à l’école et loin des mines, estiment deux acteurs de la société civile constatés par Mongabay.

Shanick Ilunga, coordinatrice de l’ONG Aile du cœur, dit à Mongabay que cette fuite d’écoliers dévoile là un défi majeur des familles défavorisées qui envoient leurs enfants à l’école. Si les conditions économiques s’améliorent, les enfants vont rester à l’école, selon elle. « Vous avez des parents sans travail, leur niveau de vie chute. C’est vraiment difficile qu’ils empêchent les enfants d’aller dans des sites miniers. Il faut donc prendre en compte beaucoup de paramètres », explique Shanick Ilunga.

Pour Bernard Kakulu, membre de l’association pour les droits humanitaires (ADH), la gratuité de l’enseignement primaire mise en œuvre depuis 2019 par le président Tshisekedi ne suffit pas pour que l’enfant en difficulté reste à l’école. Il faut des programmes parascolaires alléchants, il dit. « C’est vrai que le problème de minerval [les frais d’études] est résolu. Mais quand l’enfant a des problèmes pour se nourrir, il ne va pas rester à l’école. Avant, il y avait un problème de cantine scolaire. Ce système maintenait beaucoup d’enfants à l’école », explique Bernard Kakulu.

Depuis 2017, le gouvernement congolais a adopté une politique nationale de sortie des enfants des mines. Dans les environs de Lubumbashi, ainsi qu’à Kolwezi, les deux importants pôles miniers de la région, les enfants reviennent malgré tout dans les mines, faute d’alternatives durables à leur sortie.

Récemment, le département américain du travail vient de mettre les batteries lithium-ion sur la liste des produits impliquant le travail des enfants, indique Mines.cd, dans une autre information.


Des réglementations strictes gardent les enfants kényans hors des carrières de sable

COMTÉ DE MAKUENI, Kenya — À travers le Kenya, on peut voir des enfants travailler dans des carrières de sable peu réglementées, souvent hors de portée des autorités. Cependant, à l’est du pays, dans le comté de Makueni, les autorités locales agissent pour tenir les mineurs à l’écart de cette activité dangereuse.

Mohamed Daghar, coordinateur régional pour l’Afrique de l’Est de l’organisme de surveillance du crime organisé ENACT Africa, a enquêté sur l’impact de la réglementation de l’extraction du sable dans le comté de Makueni.

Selon lui, le travail des enfants pose des problèmes similaires en Ouganda, où de jeunes garçons en canoës draguent le sable des rivières et des lacs, et en Tanzanie, où les enfants sont souvent employés comme main-d’œuvre pour extraire le sable des puits.

« Même l’implication des enfants a été largement limitée par les interventions générales du comté de Makueni dans le secteur de l’extraction du sable », a-t-il expliqué lors d’un entretien téléphonique avec Mongabay. « Ils ont utilisé plusieurs méthodes. Par exemple, s’ils apercevaient des enfants près des sites d’extraction, les corps d’inspection du comté de Makueni les en chassaient. Ils ont également inscrit les jeunes de plus de 18 ans à des coopératives d’épargne et de crédit liées au sable afin de les organiser et de freiner l’infiltration par les cartels et organisations criminelles. »

People harvesting sand.
Extraction de sable à Tala, au Kenya : partout dans le pays, des enfants travaillent dans des carrières de sable peu réglementées comme celle-ci. Image de Quitworkbaninja depuis Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

D’après Patricia Kombo, une jeune militante écologiste du comté, avant que les réglementations ne soient adoptées en 2015, il était courant de voir des enfants autour et dans les sites d’extraction de sable. Mais cette année, Makueni a fixé l’âge minimum d’emploi à 18 ans et a établi une Autorité de conservation et d’utilisation du sable afin de superviser le secteur. Le comté a également créé un fonds qui redistribue 5 % des revenus des permis d’exploitation et des amendes collectées aux communautés d’accueil.

« La loi bannissant le travail des enfants a véritablement transformé les communautés », affirme Mme Kombo par téléphone. « Dans le passé, les carrières de sable étaient des foyers de criminalité où l’on trouvait beaucoup de jeunes qui ont abandonné les études. C’étaient des repaires de la drogue et de petits délits. L’interdiction a réduit l’extraction illégale le long des rivières et fait en sorte que les élèves restent sur les bancs de l’école. »

Conformément à la Constitution kényane de 2010, les gouvernements des comtés sont responsables de la législation sur l’exploitation minière. Toutefois, à ce jour, Makueni est le seul à avoir mis en place une réglementation et une infrastructure administrative à cet effet.


Anna Majavu, Didier Makal et Dominic Kirui ont contribué à la rédaction de cet article.

Image de bannière : Une mine de cobalt en République démocratique du Congo. Image d’Afrewatch/IIED depuis Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

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