Nouvelles de l'environnement

Au Cameroun, des ONG dénoncent la gestion opaque des revenues aurifères

Des centaines d'orpailleurs à Kembele III

Des centaines d'orpailleurs à Kembele III dans une mine d'or

  • D’après le rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) 2018, au moins 25% du territoire camerounais connait une exploitation minière artisanale et semi-mécanisée.
  • L’absence entre autres des textes d’application d’une loi de décembre 2016 portant code minier ne garantit pas une véritable transparence sur la gestion des ressources minières au Cameroun
  • Le développement de l’activité minière au Cameroun s’articule essentiellement autour de la recherche de l’or et il va à l’encontre de la gestion durable des écosystèmes, de la biodiversité, de l’épanouissement des communautés et même de l’Etat, déplorent les ONG.
  • Les ONG de la protection de l’environnement au Cameroun, notamment le Centre pour l’environnement et le développement (CED), Forêt et développement rural (FODER) et Transparency International Cameroun, ont réalisé des travaux de recherche ces derniers jours.

Selon ces organisations non gouvernementales (ONG), les recherches effectuées ont apporté des éléments de compréhension dans la gestion du secteur minier, en particulier celui de l’or.

Ces travaux sont contenus dans deux rapports : Il s’agit de « CAMEROUN l’or, secteur miné » dont le sous-titre est « la mine artisanale semi-mécanisée au Cameroun 2022 ». Ce travail a été rendu public par le Centre pour l’environnement et le développement (CED) en 2022.

Il y a ensuite   l’ «  Etude sur la cartographie des déficits d’intégrité dans la chaine de valeur linière au Cameroun » publiée par Claude Hyepdo Simo et Justin Chekoua en 2020. Les enquêtes concernent les données de plus de dix ans.

Les régions les plus touchées par l’exploitation de l’or au Cameroun sont notamment l’Est, l’Adamaoua, le  Nord et le Centre.

Cette période a permis à chacune des ONG d’identifier l’or et le diamant comme étant les ressources minières les plus sollicitées et de dresser une carte de la gestion des mines dans deux régions classées en fonction de la production qui est artisanale ou semi-mécanisées. Il s’agit notamment de la région de l’Est avec 73% et celle de l’Adamaoua à 25% de la production de l’or mécanisée.

Le métal précieux recherché

Le rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) 2018 indique qu’au cours de la dite année 2018, 114 permis de recherche sur 161, soit 70,80%, concernent l’or.

Ceci s’explique par la recherche du profit au détriment de l’environnement, de la biodiversité, des communautés riveraines et même de la République. Selon les enquêteurs du Centre pour l’environnement et le développement, ceci profite aux entreprises qui ont des permis. Ils qualifient cela de « malédiction de l’or » dans leur publication « Cameroun l’or, secteur miné : la mine artisanale semi-mécanisée au Cameroun  ».

Le Cameroun utilise l’once, l’unité de masse supérieure au gramme, dans la vente de l’or destinée à l’exportation.

« L’once équivaut à 28,3495 g […] la valeur d’une once d’or sur les 10 dernières années est de 1,307 euros soit 856,085 FCFA », présente le rapport « Cameroun l’or, secteur miné : la mine artisanale semi-mécanisée au Cameroun 2022 ».

 

Incohérence entre les statistiques nationales et les statistiques internationales

Le secteur minier au Cameroun est le plus renfermé, selon le Dr Marc Anselme Kamga, manager environnemental, expert en gestion durable des terres et des ressources naturelles, et par ailleurs chercheur au CED. Il arrive des fois où certains chiffres sont rendus publics par les autorités en charge de la gestion de la mine au Cameroun, selon la même personne citée plus haut. Le rapport ITIE 2018, par exemple, sur les questions d’impact sur l’environnement, reste sans données réelles sur les conséquences de l’activité minière en générale et l’exploitation de l’or en particulier sur l’environnement, les personnes, la biodiversité et les écosystèmes.

Pourtant au moins 23 décès d’orpailleurs sont enregistrés dans les sites d’exploitation de l’or, selon les statistiques fournies par l’organisation Forêts et développement local (FODER). En plus plusieurs observateurs indépendants comme les ONG remarquent que les chiffres communiqués par l’Etat du Cameroun sur les exportations de l’or ne sont pas identiques aux chiffres communiqués par les instances internationales sur les exportations pendant la même période.

D’après le Cadre d’appui à l’artisanal minier (CAPAM) en 2018, le volume d’or est de 133,81 kg d’or d’une valeur de 2 475,55 millions de Franc CFA.  Pourtant les données autours de la même année 2018 indiquent que les pays de l’Emirats Arabes Unis importaient l’or du Cameroun à hauteur de 11,7 tonnes, soit 575 milliards de FCFA.

Dans le rapport conjointement rédigé par le Foder et Transparency International Cameroun en 2020, ils regrettent qu’« il n’existe aucun moyen de certification de l’or prélevé auprès des exploitants, seule la déclaration du cadre d’appui et de la promotion de l’artisanal minier fait foi ».

Le manque à gagner de l’Etat du Cameroun dans les exploitations minières pourrait s’estimer à plusieurs  centaines de milliards de FCFA, selon les organisations.

« Il y a beaucoup de disfonctionnement qui engendre d’importantes pertes dans les importations des minerais au Cameroun ; c’est la raison principale pour laquelle à mon avis l’Etat a créé la Sonamine dont la mission est de réduire au maximum les pertes dans l’importation des minerais et surtout celui de l’or », explique Francis Simeu, responsable des questions liées au secteur extractif de Transparency International Cameroun, joint par téléphone.

 Corruption, trafic d’influence plombent la gestion de l’or au Cameroun

La corruption, le trafic d’influence commencent au niveau local et évoluent pour atteindre la présidence de la République selon l’Etude sur « la cartographie des déficits d’intégrité dans la chaine de valeur minière au Cameroun ».

Des agents de l’Etat qui acceptent de s’exprimer le font sous anonymat comme ce cadre du ministère des mines :

« Beaucoup d’opacité […] d’après la loi, la procédure d’attribution d’une autorisation d’exploitation doit commencer auprès des représentants de notre ministère [des mines] au niveau local où toutes les vérifications doivent être faites au préalable […] c’est ce qui explique ces exploitations ».

Des orpailleurs dans une mine d'or à Kembele III au Cameroun. Photo de Marc Arselne Kamga, Chercheur au Centre de pour l'environnement le développement CED
Des orpailleurs dans une mine d’or à Kembele III au Cameroun. Photo de Marc Arselne Kamga, Chercheur au Centre de pour l’environnement le développement CED

Les impacts environnementaux et sociaux négatifs

Les exploitations minières artisanales et semi-mécanisées à l’état actuel portent de sérieux coups à l’environnement, selon le Dr Marc A. Kamga.

La gestion des mines d’or au Cameroun ne respecte pas dans l’ensemble les études d’impact environnemental et social. Elle piétine les lois sur la mine, l’environnement, la forêt et la faune ; c’est la recherche des gains puisque le rapport ITIE cité plus haut est muet sur le nombre de décès dans les trous des mines des populations riveraines ou encore les expropriations, la pollution des cours d’eaux au mercure et au cyanure….

Les pertes en vie humaines sont importantes ; environ 205 personnes sont mortes entre 2015 et 2022 dans les exploitations minières dans les régions de l’Est et de l’Adamaoua, comptabilise le Foder.

Les tensions générées par les exploitations de l’or au Cameroun, loin d’être orientées vers le développement, semblent plutôt être une «  malédiction ».

 

 

Photo de bannière: Des centaines d’orpailleurs à Kembele III dans une mine d’or dans une mine d’or.  Photo de Marc Arselne Kamga, Chercheur au Centre de pour l’environnement le développement CED

 

 

 

 

 

 

 

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