Nouvelles de l'environnement

Forêts & finance : promesses non tenues, protestations, appels à mettre les peuples des forêts au centre

Un agriculteur dans un champ de manioc

Un agriculteur dans un champ de manioc, Lukolela, République Démocratique du Congo. Image de Ollivier Girard/CIFOR depuis Flickr.

  • Au Libéria, les communautés affectées par l’exploitation forestière ont organisé le 29 septembre un sit-in devant le ministère des finances.
  • À l'approche de la Cop 27, les chercheurs ont recommandé plus d'équité et plus d'implication des paysans dans la gestion des aires protégées et la protection des forêts.
  • Les dirigeants africains invitent les pays riches à honorer leur promesse d’investir 25 milliards de dollars en Afrique d’ici à 2025 pour contribuer à la réalisation de l’objectif mondial d’adaptation climatique.

MONROVIA — Au Libéria, les communautés affectées par l’exploitation forestière ont organisé le 29 septembre un sit-in devant le ministère des finances pour déplorer le non-paiement de leurs indemnités.

La loi nationale de la réforme forestière adoptée en 2006 prévoit 30% des frais de location des terres aux communautés qui ont droit au partage des avantages. Un organe, le National Benefit Sharing Trust (NBFT), a été mis en place pour le recouvrement de ce taux de pourcentage qui revient aux communautés.

Mais malgré les discussions engagées depuis 2019, le gouvernement n’a pas honoré ses engagements, selon les responsables de l’Union nationale du comité de développement de la foresterie communautaire. Dans un communiqué, ils indiquent que le gouvernement n’a payé, en 2021, que 200 000,00 $ américain contre plus de 5 millions de dollars qui revenaient de droit à ces victimes de l’exploitation forestière.

En 2022, seuls environ 100 000, 00 $ sur les 500 000,00 $ alloués en juin sont entrés dans le compte de la National Benefit Sharing Trust.  Même si les 500 000, 00 $ sont payés, cela ne représente que 18% du montant global de 2 746 000, 00 $ alloués aux communautés dans le budget national de 2022, ajoutent les responsables de l’Union dans leur communiqué.

Une femme ramasse des produits dans une forêt
Une femme ramasse des produits dans une forêt au Libéria. Image de Open Government Partnership via Flickr. (CC BY-2.0)

« C’est malheureux et ne représente pas le véritable sens du programme pro-pauvre du gouvernement pour le développement et la prospérité  », regrette Vincent Doe, le président de l’Union nationale du comité de développement de la foresterie communautaire.

Les communautés envisagent d’autres actions légales, dont une pétition devant la présidence et un sit-in lors du prochain Forum du Libéria sur la dépendance aux forêts et au changement climatique pour réclamer l’intégralité des 30% qui leur reviennent de droit selon les textes en vigueur dans le pays.


RD CONGO — Pendant ce temps, à l’approche de la Cop 27 qui aura lieu en Egypte, la ville de Yangambi à Kisangani, au cœur de forêts du bassin du Congo, a accueilli une conférence climatique qui a réuni les scientifiques venus de 26 pays.

Les chercheurs ont recommandé plus d’équité et plus d’implication des paysans dans la gestion des aires protégées et la protection des forêts.

Yangambi, à environ 100 km de Kisangani sur la rive droite du fleuve Congo, se situe au cœur de la forêt équatoriale congolaise. Elle abrite notamment une aire protégée de 235 000 hectares de forêt déclarés Réserve de biosphère en 1976, dans le cadre du Programme sur l’homme et la biosphère de l’UNESCO.

Plus d’une centaine, les scientifiques, venus de 26 pays parmi les signataires de l’Accord de Paris sur le climat, se sont penchés sur la préservation des forêts du bassin du Congo. C’est une vaste région qui couvre 9 pays de l’Afrique dont 62% se trouvent sur le territoire de la RDC.

Dans le communiqué final, les participants souhaitent que la recherche permette d’identifier les sols dégradés. Une cartographie précise est nécessaire pour cela. Ils souhaitent aussi de parvenir à mieux comprendre les facteurs climatiques qui influent sur les ressources en eau.

Dans le domaine de la science, la recherche multidisciplinaire et la dotation en équipements et en infrastructures au profit des structures d’appui à la recherche dans les pays des bassins des forêts tropicales, tel que recommandées, ont besoin de financement.

Un agriculteur prépare son champ à côté du village de Lokolama.
Un agriculteur prépare son champ à côté du village de Lokolama, en RDC. Image © Kevin McElvaney / Greenpeace.

Pareil en ce qui concerne l’appel à l’amélioration des conditions de vie des populations voisines des aires protégées et des forêts. À ce propos, les scientifiques proposent d’impliquer ces populations dans la gestion de ces écosystèmes.

Aussi ont-ils insisté sur la valorisation du capital humain, toujours dans cette logique de financement de la protection. Cette fois, les participants cherchent à développer des partenariats dits gagnants-gagnants, orientés vers les activités génératrices de revenus pour les communautés locales, indique le ministère congolais de l’environnement.


ROTTERDAM — Alors que les scientifiques rassemblés à Kisangani appellent à un plus grand rôle des communautés locales dans la protection des forêts, les dirigeants africains invitent les pays riches à honorer leur promesse d’investir 25 milliards de dollars en Afrique d’ici à 2025 pour contribuer à la réalisation de l’objectif mondial d’adaptation climatique.

A une réunion le 5 septembre à Rotterdam, aux Pays-Bas, pour un sommet sur l’adaptation de l’Afrique au changement climatique, Felix Tshisekedi, le président de la République Démocratique du Congo, a réitéré aux « grands pollueurs » la nécessité de respecter leurs engagements face au changement climatique. L’Afrique émet moins de 4% des émissions mondiales de CO2. Mais le continent paye le plus grand tribut au réchauffement climatique.

Lors de la COP26, les pays riches se sont engagés à doubler leur financement collectif pour l’adaptation par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2025. Le montant des financements cumulés approuvés pour l’adaptation est passé à 6,7 milliards de dollars américain en 2021.

Un total de 53 milliards de dollars sont requis pour financer des projets dans les pays africains, selon Patrick Verkooijen, le directeur de Global Center For Adaptation. Mais seuls 11,8 milliards ont été investis par les donateurs internationaux sur le continent entre 2019 et 2020. La moitié de cette somme n’a été accordée qu’à titre de prêt.

Face à l’augmentation des températures, les besoins financiers pour l’adaptation en changement climatique pourraient dépasser les 50 milliards de dollars par an estimés aujourd’hui, ajoute Verkooijen.

« L’Afrique ne vient pas à Rotterdam pour solliciter des dons. Il est plutôt question de mettre les gros pollueurs devant leur responsabilité en insistant sur la nécessité de mobiliser des ressources pour financer l’adaptation de l’Afrique qui pollue moins, mais qui est la première victime du changement climatique à cause de sa vulnérabilité », a affirmé Macky Sall, le président du Sénégal et le président en exercice de l’Union africaine, dans son intervention. M. Sall a aussi souligné l’échec de la communauté internationale à réaliser l’objectif de la COP21 à Paris en 2015, celui de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique à 1,5 degrés Celsius.

Macky Sall parle à Rotterdam. Image de Global Center on Adaptation.
Macky Sall invite les pays riches à honorer leur promesse d’investir 25 milliards de dollars en Afrique d’ici à 2025. Image de Global Center on Adaptation. (Fair use)

Didier Makal à Lubumbashi et Lawon Olalekan à Dakar ont contribué à cet article.


Image de bannière : Un agriculteur dans un champ de manioc, Lukolela, République Démocratique du Congo. Image de Ollivier Girard/CIFOR via Flickr. (CC BY-NC-ND 2.0)

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