Nouvelles de l'environnement

Une étude met en lumière les insaisissables gorilles camerounais et les menaces qui les encerclent

  • La forêt d’Ebo dans le sud-ouest du Cameroun abrite une population rare et énigmatique de gorilles de l’Ouest.
  • Une nouvelle étude analyse comment les gorilles utilisent la forêt, et conclut qu’ils habitent principalement une surface de seulement 2 200 hectares sur les 200 000 hectares de zone boisée et qu’ils semblent passer la majorité de leur temps dans de petites parcelles de prairie plutôt que dans la forêt.
  • Les spécialistes disent qu’ils espèrent que ces découvertes aideront à guider les efforts de conservation pour l’espèce en danger critique.
  • Bien qu’ils ne soient pas directement cibles de la chasse, les gorilles font face à de nombreuses menaces, notamment la récolte de produits forestiers, un projet de construction de route, et les effets secondaires de la chasse d’autres espèces qui se partagent leur habitat.

Des coups de feu, une prairie et une minuscule population de gorilles en danger critique qui coexistent avec les populations humaines environnantes dans le sud-ouest du Cameroun : une nouvelle étude analyse un ensemble complexe de facteurs pour comprendre comment continuer à préserver les gorilles de la forêt d’Ebo pour les générations futures.

La dernière fois que les gorilles d’Ebo ont été comptés en 2010, on a estimé qu’il n’en restait que 25. Certains chercheurs pensent qu’ils pourraient même représenter une troisième sous-espèce de gorille de l’Ouest, dont deux autres sous-espèces : le gorille des plaines de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla) et le gorille de la rivière Cross (Gorilla gorilla diehli) se trouvent au Cameroun.

L’environnement forestier du gorille d’Ebo est menacé par la chasse, le commerce de la viande de brousse, et la perte d’habitat.

Une découverte fondamentale de cette étude est que ces gorilles restent fidèles à une zone relativement petite de 2 200 hectares à l’intérieur des 200 000 hectares de la forêt d’Ebo.

L’étude a également permis d’identifier qu’à l’intérieur de ce territoire de 2 200 hectares qui contient une riche diversité de forêt mature et secondaire et de marécages, les gorilles utilisent principalement de petites zones de prairie. Cette découverte a d’abord surpris le chercheur principal : Daniel Mfossa.

Daniel Mfossa, chercheur principal de l’étude, sur le terrain en train de ranger des échantillons de plantes pour identification. Image © EFRP/SDZWA.

« Je pensais que la forêt mature avec sa haute couverture en arbres à fruits et autres plantes dont les gorilles se nourrissent serait utilisée davantage proportionnellement », a-t-il dit à Mongabay.

Mais cette préférence est logique, a-t-il ajouté. Les zones de prairies, parfois provoquées par la chute d’arbres ou de branches, sont riches en plantes des familles de la marante (Marantaceae) et du gingembre (Zingiberaceae). Les gorilles mangent ces plantes et les utilisent comme matériaux pour leurs nids.

L’étude, financée par la San Diego Zoo Wildlife Alliance, est publiée dans la revue African Journal of Ecology.

Il y a des similitudes entre le comportement de recherche de nourriture des gorilles d’Ebo et le comportement des gorilles que l’on trouve près du Parc national d’Odzala-Kokoua en République du Congo, a dit Robin Morrison, une chercheuse postdoctorante du Dian Fossey Gorilla Fund qui n’a pas participé à l’étude de la forêt d’Ebo.

« Les gorilles dépendent d’une variété de types d’habitat différents pour différentes activités », a-t-elle expliqué. « Ce qui fait que les zones présentant une mosaïque de types d’habitat différents comme dans la zone étudiée [la forêt d’Ebo] semblent être particulièrement importantes pour les gorilles ».

Selon elle, l’étude est précieuse.

The research team and other staff planning a survey.
L’équipe de recherche et d’autres agents en train de planifier une reconnaissance. Image © EFRP/SDZWA.

« Être en mesure de dire, “voici une espèce charismatique et en danger critique qui utilise cette forêt exactement à ces endroits” rend plus difficile de justifier des choses comme l’exploitation forestière dans la zone », a dit Morrison.

Actuellement, il n’y a pas vraiment d’exploitation forestière dans la zone d’étude des gorilles. Mais, il y a d’autres menaces, notamment la récolte de l’écorce des fruitiers du Cameroun (Garcinia lucida) pour la médecine et un projet majeur de construction de route qui a le soutien de certains villages.

Même si les gorilles n’en sont pas directement la cible, la chasse d’espèces pour la viande de brousse a également des impacts négatifs. Les coups de fusil entendu par les gorilles alors que les chasseurs visent d’autres animaux peuvent être une source de stress, selon les chercheurs. Ce stress peut avoir un effet sur les capacités des gorilles à se reproduire. Il y a également le risque que les gorilles ou leurs petits se retrouvent pris dans des pièges destinés à d’autres animaux.

Des clubs des amis des gorilles (Gorilla Guardian Clubs) basés dans les communautés environnantes travaillent avec les villageois et les chefs traditionnels pour limiter l’accès et les activités des humains à l’intérieur de la petite enclave des gorilles, des initiatives qui connaissent déjà un certain succès. Une résolution récente, prise conjointement par trois villages voisins, est de « déclarer la zone des gorilles une zone interdite aux humains », a dit Mfossa, qui coordonne les clubs pour le projet de recherche de la forêt d’Ebo (Ebo Forest Research Project, EFRP).

Daniel Mfossa in the field setting a camera trap.
Daniel Mfossa sur le terrain en train d’installer un piège photo. Image © EFRP/SDZWA.
Image d’un gorille mâle adulte et d’un bébé gorille dans la forêt d’Ebo provenant d’un piège photo. Image © EFRP/SDZWA.

Vianny Rodel Nguimdo, environnementaliste et collègue de Mfossa de l’EFRP, qui n’est pas co-auteur de l’étude, a expliqué qu’il est essentiel d’inclure les communautés locales pour trouver des solutions pour la conservation de la biodiversité et des espèces en danger, comme les gorilles d’Ebo.

« Elles ont une bonne maîtrise des forêts et d’autres lieux sauvages, ainsi que des animaux et des arbres qu’on y trouve », a-t-il dit à Mongabay. « Elles ont aussi des solutions durables à la surexploitation des ressources à travers leurs lois traditionnelles. »

Depuis 2015, les pièges photo installés dans la forêt ont capté des images à la fois de bébés gorilles et de femelles enceintes, ce qui suggère que la population de gorilles d’Ebo augmente.

Pour recueillir leurs données sur la distribution de la population isolée d’Ebo, Mfossa et ses collègues ont réalisé des relevés de reconnaissance (des marches au hasard à la recherche de signes de gorilles, comme des matières fécales, des nids ou des empreintes) sur une période de cinq ans, plutôt que des transects linéaires plus systématiques. Ce type de relevés aurait nécessité de couper des chemins à travers la forêt qui auraient aussi pu être utilisés par des chasseurs.

L’équipe a recueilli la plupart de ses preuves indirectement, afin d’éviter d’habituer les gorilles aux humains tant que des chasseurs sont encore actifs dans la zone.

A plant and mushrooms growing on gorilla feces.
Une plante et des champignons poussant sur des excréments de gorille. Image © EFRP/SDZWA.

Martha Robbins, primatologue à l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste en Allemagne, qui n’a pas participé à l’étude, a dit que bien que les relevés de reconnaissance et le manque d’observation directe des gorilles peuvent avoir affecté la qualité des données de l’étude, les résultats étaient tout de même passionnants.

« Cette étude est un autre exemple du fait que des gorilles peuvent exister dans une zone présentant un degré élevé de perturbation humaine », a-t-elle dit.

« La population d’Ebo est unique en raison de son emplacement, il est donc merveilleux de voir que la recherche écologique peut contribuer à leur conservation et aux stratégies de gestion dans un paysage humain. »

 
Image de bannière : Image d’un gorille mâle adulte et d’un bébé gorille dans la forêt d’Ebo provenant d’un piège photo. Image © EFRP/SDZWA.

Citation:

Mfossa, D. M., Abwe, E. E., Whytock, R. C., Morgan, B. J., Huynen, M. C., Beudels‐Jamar, R. C., … Tchouamo, R. I. (2022). Distribution, habitat use and human disturbance of gorillas (Gorilla gorilla) in the Ebo forest, Littoral Region, Cameroon. African Journal of Ecology. doi:10.1111/aje.13052

 
Article original: https://news.mongabay.com/2022/08/study-highlights-elusive-cameroonian-gorillas-and-the-threats-encircling-them/

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