Nouvelles de l'environnement

Le refuge de la “licorne africaine”, menacé par l’exploitation minière, le braconnage et la déforestation

  • En République démocratique du Congo (RDC), la réserve de faune à okapis abrite quelque 470 espèces de mammifères et d'oiseaux, dont environ 20 % des derniers okapis (Okapia johnstoni) en voie de disparition dans le monde; animaux qui sont apparentés aux girafes.
  • Bien que la réserve de faune à okapis ait pu échapper à une grande partie de la destruction environnementale qui touche les zones alentour, des données satellitaires montrent que la déforestation a augmenté dans la réserve ces dernières années.
  • Des images satellites montrent l'expansion de ce qui semble être des exploitations aurifères depuis la deuxième moitié de l’année 2021.
  • Les défenseurs de l’environnement affirment que l'exploitation minière illégale attire de plus en plus de personnes dans la réserve, ce qui a pour effet d'accroître le braconnage et la déforestation.

Située dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), près des frontières avec l’Ouganda et le Sud-Soudan, la réserve de faune à okapis s’étend sur quelque 14 000 kilomètres carrés de forêt tropicale. C’est en 1996 que le gouvernement de la RDC a créé cette réserve, également reconnue par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comme un site du patrimoine mondial en raison de la diversité des espèces végétales et animales qu’elle abrite; certaines ne se trouvant nulle part ailleurs que dans cette région de la RDC.

Plus que toute autre zone de forêts en Afrique, la réserve de faune à okapis protège plus de 100 espèces de mammifères et 370 espèces d’oiseaux, dont 17 espèces connues de primates. La réserve est également le lieu d’habitation des peuples indigènes Efe et Mbuti.

Mais le résident le plus célèbre de la réserve est sans doute l’énigmatique okapi (Okapia johnstoni), qui lui a donné son nom. Doté d’une tête de girafe et de rayures de zèbre, l’okapi était encore inconnu du monde scientifique jusqu’au 20e siècle et ne se trouve que dans la partie nord-est de la RDC. Également appelé “licorne africaine” ou girafe des forêts, l’espèce est classée comme menacée par l’UICN, tandis que la réserve de faune à okapis abrite jusqu’à 20 % des 30 000 okapis sauvages restants.

The okapi's closest living relative is the giraffe. Like giraffes, okapi have long tongues, often more than a foot in length. Image by Rhett A. Butler/Mongabay.
Le plus proche parent vivant de l’okapi est la girafe. Comme les girafes, les okapis ont de longues langues, qui mesurent souvent plus de 30 centimètres de long. Image de Rhett A. Butler/Mongabay.

La réserve couvre aussi environ un cinquième de la forêt tropicale de l’Ituri, un écosystème qui a peu changé au cours des 11 000 dernières années, au point que les écologistes le considèrent comme un “Pleistocene refugium”, soit une aire où les espèces ont survécu aux périodes glaciaires – dans les faits, une sorte de portail pour remonter le temps jusqu’aux périodes anciennes.

Mais la forêt tropicale de l’Ituri, immuable depuis des millénaires, se trouve de plus en plus menacée par les activités humaines. Selon des données satellitaires de l’Université du Maryland visualisées sur Global Forest Watch, la province de l’Ituri en RDC a perdu près de 7 % de sa couverture forestière primaire entre 2002 et 2020. Le taux de déforestation dans la province semble augmenter, la majorité de la perte de forêt primaire (près de 60%) s’étant produite entre 2016 et 2020.

Image from Global Forest Watch.
Image de Global Forest Watch.

Grâce aux nombreuses mesures de protection et à son éloignement, la réserve de faune à okapis a échappé à la déforestation subie par le reste de la province de l’Ituri, du moins en comparaison. Mais la pression humaine qui affecte toujours la réserve semble augmenter.

En 1997, un an après la création officielle de la réserve de faune à okapis, l’UNESCO l’a ajoutée à sa liste du patrimoine mondial en péril en raison du braconnage, de l’exploitation minière et du pillage des installations du parc. La réserve est l’un des quatre sites de ce type en RDC, avec les parcs nationaux du Virunga, de la Garamba et du Kahuzi-Biega.

C’est au cours des 25 dernières années que la situation semble s’être détériorée. En 2012, des braconniers ont assassiné sept personnes dans la réserve, dont deux gardes forestiers, et abattu plus d’une douzaine d’okapis captifs. Les gardes forestiers étaient employés par l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) qui, avec Wildlife Conservation Society et Okapi Conservation Project, gère les activités de surveillance et de protection dans la réserve.

Okapi Wildlife Reserve is home to more primate species than any other single forested area in Africa, including eastern chimpanzees (Pan troglodytes schweinfurthii). Image by Bernard Dupont via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).
La réserve de faune à okapis abrite plus d’espèces de primates que toute autre zone forestière d’Afrique, y compris les chimpanzés de l’Est (Pan troglodytes schweinfurthii). Image de Bernard Dupont via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).

En 2020, un autre garde forestier de l’ICCN a été tué dans l’exercice de ses fonctions.

“Je suis profondément préoccupée par la recrudescence de la violence sur les sites du patrimoine mondial en République démocratique du Congo, et je veux rendre un hommage particulier à l’immense courage des gardes qui assurent la protection des sites du patrimoine mondial dans des situations qui peuvent être extrêmement difficiles et dangereuses”, a déclaré la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, dans un communiqué de presse non daté. “Nous restons profondément inquiets des menaces qui pèsent sur le personnel de l’ICCN et leurs familles dans la réserve de faune à okapis.”

Outre les menaces pour la sécurité, les données satellitaires de l’Université du Maryland visualisées sur Global Forest Watch montrent des niveaux croissants de perte de forêt dans la réserve, avec plus de déforestation enregistrée en 2020 que pour n’importe quelle année, depuis le début des données de mesures en 2002. Les données préliminaires pour 2021 suggèrent que la perte de forêt a diminué d’environ 4 % l’année dernière, mais qu’elle représente toujours le deuxième plus haut niveau de déforestation dans la réserve depuis 2002.

Satellite data from the University of Maryland show most of Okapi Wildlife Reserve's habitat is still unscathed - but cleared areas in its southern portion are expanding.
Les données satellitaires de l’université du Maryland montrent que la majeure partie de l’habitat de la réserve de faune à okapis est encore indemne, mais les zones défrichées dans sa partie sud sont en expansion.
Image from Global Forest Watch.
Image de Global Forest Watch.

L’imagerie satellitaire de Planet Labs montre qu’une grande partie de la déforestation dans la réserve de faune à okapis, qui s’est produite au cours de la seconde moitié de 2021, a eu lieu le long de la rivière Ituri et porte les marques d’une exploitation aurifère. En juin 2021, l’agence de presse Reuters a signalé la saisie de 31 kilogrammes d’or d’une valeur d’environ 1,9 million de dollars qui avaient été extraits de la réserve.

“Non seulement ces personnes extraient de l’or, mais elles le font également fondre”, a déclaré à Reuters en 2021 le lieutenant Jean de Dieu Musongela, chef du bureau du procureur militaire à Mambasa.

L’extraction de l’or – en particulier l’extraction informelle, non réglementée et illégale – est associée à toute une série de problèmes environnementaux, allant de la disparition des forêts et du braconnage au rejet de substances toxiques dans les cours d’eau. Le mercure, une neurotoxine, est souvent utilisé pour extraire le minerai d’or des sédiments, et s’échappe facilement dans les sources d’eau où il remonte la chaîne alimentaire et présente des dangers pour la faune qui dépend des poissons, ainsi que pour les communautés humaines.

Satellite imagery shows what appears to be mining expansion along the Ituri River in 2021.
L’imagerie satellitaire montre ce qui semble être une expansion minière le long de la rivière Ituri en 2021.

Les défenseurs de l’environnement craignent que l’augmentation de l’activité minière dans la réserve de faune à okapis n’entraîne d’autres pratiques destructrices.

“Les mines attirent des personnes désespérées; dépendent de la viande pour nourrir les mineurs et font l’objet d’extorsions de la part de milices et de l’armée”, a déclaré John Lukas, cofondateur du projet de conservation des okapis, à Mongabay en 2019. “Ensuite, le défrichage de la forêt par les migrants est une menace croissante, de même que l’exploitation forestière dans certaines zones.”

 

Image de bannière d’un okapi, par Steve Wilson via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).

Note de l’éditeur: Cette histoire a été promue par Places to Watch, une initiative de Global Forest Watch (GFW), conçue pour identifier rapidement les pertes de forêts dans le monde et concentrer des recherches plus approfondies sur ces zones. Places to Watch s’appuie sur une combinaison de données satellitaires en temps quasi réel, d’algorithmes et de renseignements sur le terrain pour identifier chaque mois de nouvelles zones en danger. En partenariat avec Mongabay, GFW soutient le journalisme basé sur les données, en fournissant des données et des cartes générées par Places to Watch. Mongabay conserve une indépendance éditoriale totale sur les histoires rapportées à l’aide de ces données.

Article original: https://news.mongabay.com/2022/02/refuge-of-endangered-african-unicorn-threatened-by-mining-poaching-habitat-loss/

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