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Une étude lève le voile sur le commerce en ligne des oiseaux d’Afrique de l’Ouest et tire la sonnette d’alarme

  • Des chercheurs ont conduit une étude sur le commerce en ligne des oiseaux sauvages d'Afrique de l'Ouest, afin de combler les lacunes dans les données relatives au trafic d'espèces qui proviennent de cette région du monde.
  • L'étude a révélé que 83 espèces d'oiseaux sauvages d'Afrique de l'Ouest font l'objet d'un commerce en ligne, dont trois espèces protégées par l'annexe I de la CITES, hautement prohibitive, et que de nombreux acheteurs proviennent d'Asie du Sud et du Moyen-Orient.
  • En général, il y a peu de données sur les oiseaux sauvages d'Afrique de l'Ouest et les chercheurs affirment qu’il est difficile en conséquence d'évaluer si le commerce de certaines espèces est durable.
  • Les scientifiques s'inquiètent également de la propagation de maladies suite à la publication d’images de plusieurs espèces d'oiseaux confinés ensemble dans de petites cages.

Son plumage vert vif et sa panoplie de vocalisations en font l’un des oiseaux les plus recherchés dans le commerce des animaux de compagnie. Pour répondre à la constante demande de perruches à collier, les commerçants les capturent dans leur aire de répartition d’origine, dans certaines régions d’Afrique et d’Asie, pour les vendre à des acheteurs dans le monde entier.

La perruche à collier (Psittacula krameri) fait l’objet d’un tel trafic, qu’en 1976, les pays ayant ratifié la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), ont décidé de l’inscrire à l’annexe III de ladite convention, afin de surveiller et de réglementer son commerce. Mais en 2007, la CITES a retiré la perruche à collier ainsi que 115 autres espèces d’oiseaux sauvages d’Afrique de l’Ouest de cette liste ; selon les experts, probablement parce qu’en 2005, l’Union européenne a interdit l’importation d’oiseaux capturés à l’état sauvage. Si l’interdiction de l’Union européenne a permis de limiter une partie du commerce, les experts affirment qu’au Moyen-Orient et en Asie du Sud, les ventes ne cessent d’augmenter et que l’absence de réglementation de la CITES a rendu difficile leur contrôle, notamment en ce qui concerne les oiseaux d’Afrique de l’Ouest.

« Nous savons que le commerce non durable des oiseaux sauvages de la région a provoqué l’effondrement des populations de certaines espèces, mais pour la plupart d’entre elles, il n’y a aucun suivi des populations qui vivent en liberté », a déclaré par courriel à Mongabay, Rowan Martin, un expert en oiseaux sauvages qui travaille au Centre d’excellence de l’Institut FitzPatrick d’ornithologie africaine et au World Parrot Trust. « Nous ne savons tout simplement pas si le commerce de ces espèces est un tant soit peu durable et la convention CITES ne prévoit aucune obligation de surveiller les populations sauvages ni même de rendre compte du nombre d’oiseaux exportés ».

Rose-ringed parakeet in cages
Son plumage vert vif et sa panoplie de vocalisations font de la Perruche à collier (Psittacula krameri) l’un des oiseaux les plus recherchés dans le commerce des animaux de compagnie. Image reproduite avec l’autorisation du World Parrot Trust.

« Matière à un examen plus approfondi »

Une nouvelle étude publiée dans Bird Conservation International, cosignée par Martin et des chercheurs de l’université d’Exeter, de l’université NOVA de Lisbonne, du WildCRU de l’université d’Oxford et du Oxford Martin Program on Wildlife Trade, jette un éclairage nouveau sur le commerce des oiseaux sauvages d’Afrique de l’Ouest. En analysant 427 messages sur une « plateforme populaire de réseau social », les chercheurs ont découvert que 83 espèces d’oiseaux d’Afrique de l’Ouest appartenant à 26 familles aviaires faisaient l’objet d’un commerce en ligne, et qu’une grande partie des engagements commerciaux provenaient d’acheteurs basés en Asie du Sud et au Moyen-Orient.

« Nous avons été surpris de voir que les pays d’Asie du Sud occupent une place aussi importante dans les d’échanges commerciaux avec les vendeurs d’Afrique de l’Ouest », écrit Martin. Il ajoute que ces résultats l’ont incité, ainsi que ses collègues, à lancer une ienquête avec la BBC, ce qui les a conduits à découvrir comment « les importateurs subvertissent les systèmes du commerce légal des oiseaux pour importer des espèces menacées et protégées » telles que les perroquets gris d’Afrique (Psittacus erithacus).

L’auteur principal, Alisa Davies, du World Parrot Trust et de l’Université d’Exeter, explique que les messages publiés sur les médias sociaux suscitent également des inquiétudes quant à la propagation de maladies, après que des photos ont montré différentes espèces d’oiseaux confinées à l’étroit.

« Il y a matière à un examen plus approfondi », a déclaré Davies à Mongabay. « Nous sommes préoccupés par le fait que certaines espèces apparaissent en quantités assez élevées, alors qu’elles sont des reproducteurs plus lents comme les turacos … et nous sommes également préoccupés par le risque de maladies infectieuses étant donné que beaucoup d’oiseaux sont confinés, et que plusieurs espèces le sont dans les mêmes enclos, ce qui crée des conditions où vous pourriez avoir des croisements de maladies entre différentes espèces ».

« De nombreux pays dans le monde ont récemment mis en place des mesures strictes en réponse aux épidémies de grippe aviaire hautement pathogène et il est incroyable qu’ailleurs le commerce d’oiseaux sauvages se fasse encore à cette échelle », a déclaré Martin. « Les avantages économiques l’emportent-ils donc sur les risques ? »

Selon l’étude, le commerce des oiseaux sauvages donne également lieu à des problèmes de bien-être animal et a transformé les oiseaux en espèces envahissantes dans d’autres parties du monde. Par exemple, la perruche à collier a maintenant établi de nouvelles populations dans 35 pays d’Europe, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient et d’Afrique du Sud.

African gray parrots
Perroquets gris d’Afrique (Psittacus erithacus) capturés en Afrique de l’Ouest pour le commerce. Image reproduite avec l’autorisation du World Parrot Trust.

« L’histoire n’est pas bonne »

Les chercheurs n’ont pas donné le nom de la plateforme de média social utilisée dans leur étude, mais il est bien établi que les oiseaux sauvages et autres animaux sont régulièrement vendus et achetés sur des plateformes telles que Facebook, Instagram, TikTok et Whatsapp.

L’étude a révélé que les espèces les plus couramment échangées en ligne sont les perruches à collier, les perroquets youyou (Poicephalus senegalus) et les serins du Mozambique (Crithagra mozambica). Cependant, les chercheurs ont également identifié neuf espèces répertoriées par la CITES, dont trois protégées par l’annexe I, très restrictive, et qui interdit presque tout commerce. Les espèces protégées en vertu de l’annexe I de la CITES comprennent le perroquet jaco et le perroquet timneh (Psittacus timneh), tous deux figurant sur la liste rouge de l’UICN, ainsi que la grue couronnée (Balearica pavonina), classée comme vulnérable.

Selon Davies, si le commerce d’espèces menacées comme les perroquets jaco est illégal, la plupart des autres activités commerciales analysées dans l’étude sont pour leur part légales. Cependant, selon les chercheurs, il est difficile de déterminer si le commerce d’une espèce est durable étant donné le manque de données sur les oiseaux sauvages en Afrique de l’Ouest.

« Très peu de recherches ornithologiques sont menées en Afrique de l’Ouest, mais lorsque des données existent, les résultats ne sont pas bons », a déclaré Martin. « Par exemple, les populations de perroquets Timneh et de perroquets jaco se sont effondrées, ce qui a conduit à leur inscription sur la liste rouge de l’UICN des espèces menacées. L’aire de répartition du chardonneret, un petit oiseau chanteur commun, a diminué de 57 % en seulement 26 ans. Plusieurs des espèces qui semblent faire l’objet d’un commerce important sont des espèces forestières de grande taille, comme les calaos et les turacos, qui se reproduisent lentement. Il est peu probable qu’elles puissent résister à un commerce élevé, notamment en raison des autres menaces auxquelles elles sont confrontées du fait de la chasse et de la disparition des forêts ».

Some of the smaller birds for trade.
Certains des plus petits oiseaux capturés pour le commerce. Si les espèces les plus courantes commercialisées sont les perruches à collier, les perroquets youyou et les serins du Mozambique, les chercheurs ont également identifié neuf espèces inscrites à la CITES, dont les perroquets jaco, les perroquets de Timneh et les grues couronnées. Image reproduite avec l’autorisation du World Parrot Trust.

Simon Brusland, expert en oiseaux au Silent Forest Group et membre de l’Autorité de la liste rouge des oiseaux de la CSE de l’UICN, qui n’a pas participé à cette étude, a qualifié d’ « impressionnants et inspirants » les efforts des chercheurs pour donner un aperçu du commerce des oiseaux sauvages en Afrique de l’Ouest.

« Dans le passé, nous ne voyions les oiseaux qu’à leur arrivée à destination, sur de nouveaux marchés de consommation dans le monde entier et en particulier en Asie », a déclaré Brusland à Mongabay dans un courriel, « mais nous avons encore relativement peu de connaissances sur la dynamique des oiseaux qui quittent l’Afrique de l’Ouest. Les chiffres sont évidemment préoccupants, mais ce n’est pas une grande surprise ».

Selon Brusland, d’autres études ont montré que le commerce en ligne d’oiseaux individuels pouvait atteindre des « chiffres intolérables » et qu’une grande partie d’une population peut être affectée par ces activités commerciales.

« Dans le cas de l’Afrique de l’Ouest, le commerce international en grand volume [se] déroule depuis des décennies et nous n’avons presque aucun détail sur la façon dont il affecte les populations sauvages, mais il est très difficile d’imaginer qu’il soit durable », a-t-il écrit. « Je pense que nous avons besoin de plus de détails sur la façon dont le commerce affecte les populations locales et que davantage d’évaluations complètes des espèces dans tous les pays sont nécessaires. Je crains que de telles évaluations ne jettent un nouvel éclairage sur de nombreuses espèces et qu’elles ne les placent dans une autre catégorie de la Liste rouge ».

Birds from West Africa captured for trade.
Oiseaux d’Afrique de l’Ouest capturés pour le commerce. Des études ont montré que le commerce en ligne des oiseaux peut atteindre des « chiffres intolérables » et qu’une grande partie d’une population peut être affectée par ces activités commerciales. Image reproduite avec l’autorisation du World Parrot Trust.

Lutter contre le commerce

D’après Martin, les régulateurs devraient en faire davantage pour « encourager et contraindre les plateformes à prendre des mesures significatives » de lutte contre le commerce d’espèces sauvages en ligne.

« Bien que de nombreuses plateformes aient des normes communautaires strictes, celles-ci ne sont souvent pas systématiquement ou activement appliquées », a-t-il ajouté.

Selon Davies, il faut aussi « examiner attentivement » si certaines espèces doivent être réinscrites à l’annexe III de la CITES.

« S’il existe des preuves fondées sur ce volume de commerce, et sur d’autres informations, alors il pourrait être judicieux de réinscrire ces espèces à l’annexe III afin que nous puissions comprendre ce qui se passe », a-t-elle déclaré.

Bien que le commerce des oiseaux sauvages d’Afrique de l’Ouest soit un problème permanent, Martin se dit encouragé par le déclin des activités commerciales publiques suite à l’inscription des perroquets gris d’Afrique et des perroquets Timneh à l’annexe I de la CITES.

« La poursuite du commerce des oiseaux sauvages dépendra de la manière dont les pays, les plateformes et les organismes de réglementation décideront de relever le défi ».

 
Image de la bannière : L’étude a révélé que 83 espèces d’oiseaux sauvages d’Afrique de l’Ouest font l’objet d’un commerce en ligne. Image reproduite avec l’autorisation du World Parrot Trust.

Citations:

Davies, A., Nuno, A., Hinsley, A., & Martin, R. O. (2022). Live wild bird exports from West Africa: Insights into recent trade from monitoring social media. Bird Conservation International, 1-14. doi:10.1017/s0959270921000551

Davies, A., D’Cruze, N., Senni, C., & Martin, R. O. (2022). Inferring patterns of wildlife trade through monitoring social media: Shifting dynamics of trade in wild-sourced African grey parrots following major regulatory changes. Global Ecology and Conservation, 33, e01964. doi:10.1016/j.gecco.2021.e01964

 
Article original: https://news.mongabay.com/2022/06/study-shines-light-and-raises-alarm-over-online-trade-of-west-african-birds/

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