Nouvelles de l'environnement

Les États-Unis imposent des sanctions économiques à un belge et ses entreprises pour trafic illégal d’or

Une vue d'une mine à ciel ouvert au Nord Kivu/RDC. Image de Global Witness.

Une vue d'une mine à ciel ouvert au Nord Kivu/RDC. Image de Global Witness.

  • La République Démocratique du Congo (RDC) attire depuis plusieurs années des activités illicites dans le secteur minier. L’économie du pays se range parmi les plus pauvres au monde, malgré son potentiel minier énorme.
  • Des journalistes belges ont suivi Alain Goetz, homme d’affaires belge. Celui-ci est accusé d’avoir initié un commerce d’or en installant une raffinerie en Ouganda. Celle-ci aurait reçu de l’or venu des zones de conflits en RDC.
  • Ce n’est pas la première fois que des sanctions soient prises contre certains hommes d’affaires. Bien que les choses ne semblent pas s’améliorer dans le bassin du Congo, les États Unis trouvent que sanctionner des hommes d’affaires comme Alain Goetz est un signal fort contre le financement des groupes armés à travers l’achat de l’or ou d’autres minerais qu’ils vendent illégalement pour se procurer en armes.
  • Bien avant, d’autres sanctions avaient visé des hommes d’affaires impliqués dans le commerce illicite des animaux en RDC ou sur tout le continent. Des sujets congolais avaient été frappés par des sanctions américaines, tandis qu’un tribunal correctionnel de Bruxelles avait, lui aussi infligé des peines lourdes et amendes aux trafiquants illicites des restes d’animaux venus d’Afrique.

Alain Goetz est le nom de l’homme d’affaires belge que Washington a sanctionné en mars dernier pour son commerce de l’or venu surtout de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce minerai provient, selon Washington, des zones sous le contrôle des bandes armées – une source de conflits à l’est de la RDC.

La RDC comprend au moins 60% du bassin du Congo. Elle est aussi le pays le plus riche en minerais tels que le cobalt, l’or, le cuivre, le nickel, l’uranium, le plomb, le zinc, l’étain, le manganèse et bien d’autres minerais. Ces ressources se trouvent dans un  pays quatre fois plus vaste que la France, ayant comme superficie 2 345 409 km2.   

Avec des années de conflits armés à l’est de la RDC, certains des sites miniers se sont retrouvés entre les mains des groupes armés qui les exploitent et vendent leur butin à l’étranger, finançant ainsi l’un des conflits les plus meurtriers de la planète.

« [Le] Département du Trésor des États-Unis a sanctionné Alain Goetz, l’African Gold Refinery en Ouganda et un réseau d’entreprises impliquées dans le mouvement illicite d’or évalué à des centaines de millions de dollars par an à partir de la (RDC) » lit-on dans un communiqué diffusé en mars dernier par le Département du Trésor des États-Unis.

Alimentation de la guerre dans la Région des Grands Lacs et au Congo

La République Démocratique du Congo est refuge de plus de 130 groupes armés dont des groupes venant des pays voisins notamment le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda.

Il y a quelques mois, le président burundais Evariste Ndayishimiye a, devant les Nations Unies, fustigé la présence des groupes armés à l’est de la République Démocratique du Congo, dont RED Tabara, qui, dans un passé récent a mené des attaques à la frontière avec le Burundi depuis la RDC. Pour lui, ce groupe est une organisation terroriste, de même taille que l’ADF, un autre groupe opérant à l’est de la RDC.

Ainsi, les chefs d’Etats des pays de l’Afrique de l’Est veulent en découdre avec ces groupes, dont certains sont liés avec le commerce illégal des minerais.

Il y a quelques jours à Nairobi, la capitale kényane, un sommet des chefs d’états de l’Afrique de l’Est s’est tenu avec comme agenda : Création d’une armée commune pour faire face aux groupes armés qui sévissent dans cette partie de l’est du Congo.

Cette initiative, saluée par le président congolais Felix Tshisekedi, a été lancée par le président Kenyan Uhuru Kenyatta. Le pays fait face à une centaine de groupes armés et dont la plupart sont liés au trafic illicite des minerais notamment le coltan, le diamant et l’or.

« Notre action démontre l’engagement des États-Unis à perturber le commerce illégal de minerais et à encourager la transparence du secteur minier », ajoute le communiqué du Département du Trésor Américain.

Selon le communiqué, plus de 90 % de l’or de la RDC est passé en contrebande vers des États de la région, dont l’Ouganda et le Rwanda, où il est ensuite souvent raffiné et exporté vers les marchés internationaux, en particulier les Émirats Arabes Unis.

Cartes des sites miniers en RDC: La plupart des sites miniers sont concentrés à l’est et au sud du pays où des conflits ont aussi fait rage ces derniers décennies. Photos issue du recueil cadastral minier de la RDC

« Le commerce de l’or est un facteur majeur de conflit »

À l’est de cet immense pays, il y a aussi des groupes armés qui sèment la désolation y compris les génocidaires rwandais qui se sont enfouis depuis 1994. Selon les Nations Unies, il y aurait plus de 130 groupes armés à l’est de la RDC. Le nord Kivu et le Sud Kivu sont ici des bastions de ces groupes armés souvent cités dans ce commerce et quelques fois accusés pour d’autres crimes.

Un réseau de groupes armés, de contrebandiers et d’entreprises génèrent des revenus illicites de l’industrie de l’or, se lamente Washington. Par ailleurs, le travail forcé, la contrebande ou extorquassions des paiements sont monnaie courante dans cette zone.

« L’or du conflit fournit la plus grande source de revenus aux groupes armés dans l’est de la RDC où ils contrôlent les mines et exploitent les mineurs », a déclaré le sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier, Brian E. Nelson.

Encore des accusations

« Alain Goetz et son réseau ont contribué au conflit armé en recevant de l’or de la RDC sans remettre en cause son origine ».

Selon Washington,  « les marchés mondiaux de l’or, à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, doivent s’engager dans un approvisionnement responsable et faire preuve de diligence raisonnable dans la chaîne d’approvisionnement ».

Bien que l’African Gold Refinery (AGR) et Alain Goetz n’aient pas répondu à nos appels pour son commentaire, De Standaard, un journal belge a suivi l’homme d’affaires depuis 2012 et nous livre certains détails sur ses travaux en Ouganda ou en République Démocratique du Congo.

À la découverte d’Alain Goetz

Alain Goetz est né en Belgique. Il connaît, de même que son père, presque toute la région des Grands Lacs, notamment le Burundi, la République Démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda. Il connaît aussi les Emirats Arabes Unies où lui et ses entreprises vendent de l’or raffiné soit à Kampala soit à Kigali.

Ayant bénéficié du soutien du Gouvernement Ougandais, Goetz a installé la raffinerie d’or à Entebe en 2014, non loin de la résidence du président. Depuis, selon le journal belge De Standaard qui a conduit des enquêtes, la quantité d’or exportée a augmenté de plus de 105 000% en quatre ans, passant de 11 kg à 11,6 tonnes d’or exporté.

Cependant, des enquêteurs de De Standaard ont découvert qu’une partie de  l’or était plutôt lié à des groupes armés opérant à l’est de la République Démocratique du Congo. Par ailleurs, le traçage des origines de l’or que son entreprise recevait des mains des trafiquants de la RDC n’était pas rassurant. Des reporters avaient constaté des ventes sans contrôle à la frontière des deux pays de l’or et d’autres marchandises.

En plus de la réception des quantités d’or des zones de conflits notamment en RDC, l’homme d’affaires belge est accusé de recevoir de l’or venu des sites où travaillent des enfants de moins de 18 ans. Les enquêteurs témoignent aussi avoir vu certains de ces travailleurs mineures lors de la descente en RDC. Même en Ouganda, les reporters de De Standaard ont vu des enfants travaillant dans des mines d’or, notamment dans les régions de Karamoja, Mubende et Busia.

La présence des enfants est aussi signalée sur certains sites d’exploitation de l’or. Ces enfants -qui se succédaient dans des tunnels à la recherche de l’or souvent d’ailleurs, faisant usage des produits chimiques à la fois bannis et dangereux, comme le mercure- travaillent dans des sites dont une partie de la production est vendue en Ouganda.

Dans des conversations avec le millionnaire belge, les journalistes du tabloïde belge disent avoir entendu l’homme d’affaires se plaindre comme quoi le « business de l’or était mauvais » bien qu’il le disait lui-même.

Soulagement et alerte chez les défenseurs

Si des groupes armés fourmillent toujours dans cette partie de l’est du Congo, il y en a certains qui sont plus représentatifs que les autres.

Les groupes armés, notamment les Mai-Mai Yakutumba et Raia Mutomboki qui sont impliqués dans ce commerce, opèrent dans des zones où se trouvent des sites aurifères.

Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique Centrale cité par DW éclaire que les entreprises de Goetz sont accusées « d’acheter et de raffiner de l’or » qui vient de la RD Congo sans vérifier l’origine.

Par ailleurs, selon l’expert de la sous-région, les critères de la traçabilité et de la certification sont rarement respectés par l’homme d’affaires et ses entreprises.

Contacté par téléphone et par mail, African Gold Reffinery n’a pas répondu. Le courriel disponible sur le site web n’a aussi pas été fonctionnel.

 

Image de bannière: Une vue d’une mine à ciel ouvert au Nord Kivu/RDC. Image de Global Witness

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