- La littérature peut-elle sauver le bassin du Congo ? Écocritique postcoloniale et activisme littéraire environnemental, tel est le titre de la thèse de doctorat de Kenneth Toah Nsah sur l’avenir des forêts du bassin du Congo.
- Soutenue en mars dernier à l’université d’Aarhus au Danemark, trois de ses chapitres ont été publiés dans la revue Ecozon en 2020 dans un ouvrage collectif aux éditions Lexington Books (USA) et dans la revue Orbis Litterarum une année plus tôt.
- L’auteur Kenneth Toah Nsah, chercheur camerounais, a reçu la récompense Skolebestyrene Charlotte & Kristian Seierkildes Legat pour sa publication sur la littérature associée à l’action pro-environnementale.
Sa thèse de doctorat intitulée « La littérature peut-elle sauver le bassin du Congo ? Écocritique postcoloniale et activisme littéraire environnemental » aborde la littérature à partir de sa dimension fonctionnelle, ou utilitaire.
« Je propose aux auteurs, avec l’appui des gouvernements et des acteurs ou décideurs relatifs, des nouveaux contrats d’édition permettant d’avoir ces livres coédités en Occident et dans les pays d’origine des auteurs et dans d’autres pays africains, surtout ceux du bassin du Congo, en même temps », suggère-t-il dans une série de recommandations visant à réellement reconnaitre la littérature comme un outil de protection de l’environnement.
Les recherches de Kenneth Toah Nsah soutiennent que les textes littéraires ont le potentiel de contribuer à la protection de l’environnement et à l’atténuation du changement climatique dans le bassin du Congo.
Notons que le bassin du Congo est considéré comme le deuxième poumon de l’humanité après l’Amazonie et que la littérature trouve logiquement sa place dans sa protection.
La thèse postule qu’en sus des solutions et innovations politiques, scientifiques et technologiques pertinentes, la littérature constitue un moyen important pour répondre aux préoccupations climatiques et écologiques dans le bassin du Congo et au-delà.
« Largement située dans le champ de recherche des humanités environnementales (HE), la thèse s’appuie principalement sur l’écocritique postcoloniale et l’activisme littéraire environnemental pour analyser une gamme de textes littéraires », indique le chercheur.
Par ailleurs, selon Kenneth Toah Nsah, les pièces de théâtre, les romans, et les poèmes écrits en anglais et en français par dix écrivains africains de cinq des six principaux pays du bassin du Congo seraient des outils incontournables dans la lutte contre la désertification et l’abattage des arbres dans le bassin du Congo.
« Leur travail examine également les textes littéraires sélectionnés au vu de leur utilisation dans les débats, les politiques et les pratiques sur le changement climatique et l’environnement ou l’écologie dans le bassin du Congo », ajoute-t-il.
Ce jeune chercheur de 33 ans évoque les considérations théoriques et contextuelles qui éclairent l’analyse textuelle, notamment « l’écocritique postcoloniale, l’activisme environnemental, l’esthétique fonctionnelle des littératures africaines et le théâtre environnemental ».
L’activisme littéraire environnemental
« L’activisme littéraire est un autre moyen sûr pour lutter contre le changement climatique dans le bassin du Congo », souligne le chercheur camerounais.
La capacité de la littérature à représenter la complexité, à mettre en lumière diverses formes d’injustice est l’une des grandes qualités de l’usage de la littérature dans la protection de l’environnement. En outre, selon l’auteur, la sensibilisation aux enjeux écologiques et à l’éducation de divers publics complète l’effort entrepris dans la lutte pour la protection du bassin du Congo.
Les textes lus ou prononcés par des hommes politiques ou autres personnes d’influence peuvent contribuer aux transformations vers la durabilité, tant au niveau politique qu’individuel en faveur de l’environnement.
Les sciences comme la chimie, la biologie, la génétique et d’autres encore constituent des éléments importants dans la conservation de la nature et sa protection. Par conséquent, l’auteur estime que la littérature doit pouvoir jouer un rôle important dans cette lutte.
D’une manière générale, le travail de Kenneth Toah Nsah répond à un double objectif : démontrer le rôle que peuvent assurer les textes littéraires (poèmes, romans et pièces de théâtre) dans la préservation du bassin du Congo et reconnaitre et rendre plus visible l’importance climatique et écologique de ce dernier aux échelles locale, nationale et internationale à travers la littérature.
« Bref, la littérature a sa contribution en synergie avec d’autres disciplines et efforts à apporter à la lutte contre le réchauffement climatique », ajoute Kenneth Toah Nsah.
Les œuvres littéraires se présentent donc comme un allié supplémentaire dans la lutte contre la dégradation écologique, la déforestation et la perte de la biodiversité dans le bassin du Congo.
« Toutes les théories sont importantes aujourd’hui pour contribuer à la lutte contre le changement climatique et la dégradation des écosystèmes environnementaux dans le bassin du Congo. »
Vulgarisation de l’ouvrage et implication des jeunes.
Le rôle de la jeunesse dans le bassin du Congo reste important pour assurer la protection de la nature et le préserver.
« Il est important d’investir dans la promotion de la lecture générale, surtout en commençant par les tout-petits, en investissant dans les livres jeunesse par exemple. Il faut également promouvoir les activités littéraires connexes telles que les performances théâtrales et les déclamations poétiques pour permettre aux messages environnementaux dans les textes littéraires de circuler dans ce bassin. »
L’objectif de ce travail scientifique n’étant pas de rester uniquement dans les tiroirs universitaires, l’auteur veut poursuivre son rêve en le diffusant localement et mondialement. Une publication d’une version révisée de cette thèse sous une monographie est l’une des possibilités envisagées. Selon lui, il faut impliquer les jeunes, les adultes, et les décideurs du bassin du Congo et les sensibiliser à l’importance de l’activisme littéraire environnemental.
Pour y parvenir, Kenneth Toah Nsah, auteur de la thèse, offre quelques pistes, en particulier sur les textes littéraires en faveur de l’activisme environnemental, pour les textes déjà publiés en Occident, par exemple :
« Je suggère aussi que les gouvernements et d’autres acteurs ou décideurs majeurs sur les questions climatiques-environnementales dans le bassin du Congo puissent acheter les livres littéraires environnementaux et les distribuer autant que possible, surtout dans les bibliothèques publiques, municipales, scolaires, universitaires, etc… »
« Il faut organiser et encourager les concours littéraires (artistiques) et les concours de lecture dans ce sens […] »
Il compte par ailleurs sur la participation de la presse afin d’entrer en contact avec les décideurs et les acteurs principaux sur les questions climatiques et écologiques dans le bassin du Congo.
Implication des ONG et autres défenseurs de l’environnement
« J’aimerais entrer en contact avec les ministères en charge de l’environnement, des forêts, des eaux, du climat, de l’agriculture et du développement durable dans les pays du bassin du Congo », souligne-t-il.
L’auteur prévoit de contacter plusieurs organisations locales et internationales, des universités de la sous-région et au-delà, et même les Nations Unies pour la vulgarisation de l’ouvrage. L’objectif de l’ouvrage est de contribuer à l’élaboration des stratégies et des projets pouvant encourager le déploiement des textes culturels (littéraires et artistiques) visant à promouvoir la conscience écologique, la communication et la protection environnementales, la justice climatique, es droits des peuples autochtones et locaux et le développement durable dans le bassin du Congo.
Image de bannière : Le fleuve du Congo. Selon des recherches récentes, la dégradation des forêts tropicales en Amazonie et en Asie du Sud-Est pourrait bientôt en faire des émetteurs nets de carbone, laissant le bassin du Congo comme un des derniers puits de carbone tropical terrestre. Image parAhtziri Gonzalez/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).