Nouvelles de l'environnement

L’Extension du port autonome de Douala au Cameroun dans une zone de mangroves inquiète

Vue partielle du port autonome de Douala, au Cameroun. Photo de Christophe Nyemeck Beat.

Vue partielle du port autonome de Douala, au Cameroun. Photo de Christophe Nyemeck Beat.

  • Vers la fin du mois de mars 2022, le port autonome de Douala a annoncé sur Facebook la construction, exploitation et rénovation de 42 hectares de terminaux mixte vraquier avec 900 mètres linéaire de quai sur la rive droite du fleuve Wouri.
  • Un mois plus tôt l’association « La mangrove » conduite par son président Eugène Yo Manga, le chef de poste de la délégation régionale du Littoral, a fait la découverte macabre du prélèvement abusif de la vase de mangrove. C’est une inquiétude de plus après l’annonce du projet d’extension du port autonome de Douala, un projet qui risque aussi de menacer la mangrove.
  • Les pêcheurs locaux et les transporteurs sont inquiets pour l’avenir de leurs activités sur les eaux du Wouri et dans la vingtaine de localités qu’ils desservent au quotidien.
  • Aucune autorité portuaire de la ville de Douala jusqu’à la date du 13 mai 2022 n’est venu vers les pêcheurs locaux et les transporteurs pour leur dire du projet d’extension de ce port.

Le port autonome Douala  situé sur l’océan Atlantique sur la littorale du Fleuve Wouri représente 95% des échanges dans la zone des pays de la communauté économique de l’Afrique centrale (CEMAC), d’après les chiffres de l’institut national de la statistique du Cameroun. Son apport annuel s’évalue à  1.365 milliards de FCFA soit plus de $ 220.16 millions entre 2016 et 2020, selon les chiffres du gouvernement.

Depuis 2019, l’autorité portuaire de Douala a créé la Régie du terminal à conteneurs et connaît une croissance avec un bénéfice de 12,3 milliards de FCFA $2,03 milliards en 2020, chiffre communiqué lors de la récente réunion du Conseil d’Administration du Port.

Ces chiffres de l’activité du port autonome expliquent en partie son extension au détriment de l’environnement en particulier de la zone humide composée des forêts de mangroves (Rhizophora harrison et Rhizophora racemosa) et aussi des frayères pour la reproduction des espèces halieutiques.

Les associations écologiques comme La Mangrove ou  Cameroun Ecology suivent de très près cette « agression » de la zone humide en prise à des prélèvements illégaux des essences de mangroves. En plus de ce prélèvement, il a aussi la pollution des eaux du Wouri par les matières plastiques et les usines de cimenteries situées dans la même zone.

Cécile Ndjebet, activiste camerounaise considère que l'éxtension du port autonome de Douala pourrait résulter en une catastrophe écologique.
Cécile Ndjebet, activiste camerounaise considère que l’éxtension du port autonome de Douala pourrait résulter en une catastrophe écologique. Photo de Christophe Nyemeck Beat/Mongabay

« Il y a un risque réel pour un projet de cette envergure, avec le peu de mangrove qui existe sur le Wouri, vraiment c’est dangereux », Cécile Ndjebet, lauréate du prix Wangari Maathai Forest Champion 2022, s’indigne.

Dans une récente publication, l’objectif de l’autorité portuaire de Douala est clair, celui de « faire du Port de Douala- Bonabérie un hub maritime incontournable et de référence dans le Golfe de Guinée ».

La mort à petit feux des mangroves

La publication du port en mars mentionne une extension du port autonome de Douala sur 42 hectares avec la construction de terminaux mixtes vraquiers avec 900 mètres de linéaires de quai sur la rive droite du Wouri.

Pour un ancien travailleur du port actuellement en retraite, cela signifie que « le terminal mixte est un terminal dédié à la manutention de plusieurs types de produits ».

Il est vraquier quand c’est le vrac qui y est manutentionné, selon notre source. Il faut aussi préciser qu’il y a le vrac solide et du vrac liquide.

« Un quai d’une longueur de 900 mètres de linéaires de quai c’est la longueur pour 3 ou 4 opérations de manutentions simultanément pour les bateaux respectivement de 300 mètres et 200 mètres », raconte Jean Mbima, ancien travailleur du port.

Ce libellé rendu public par le port autonome de Douala représente  la face visible d’un désastre écologique compte tenu de la volonté de rendre le port autonome de Douala un « hub maritime » avec « la construction de nouvelles infrastructures et superstructures sur le site actuel et à Manoka », selon un activiste écologique de Douala.

Il est évident que ce projet qui est déjà en cours et qui s’étend de 2020 à 2050 aura un impact désastreux dans tout l’estuaire du Wouri, regrette l’activiste Cécile Ndjebet.

Celui-ci est composé essentiellement de mangrove sur plus de 30 kilomètres de longueur et de largeur, ainsi que des zones des frayères pour une superficie totale de 1.200 kilomètres carrés.

Un accord-cadre décrié

Les associations qui militent pour la protection de l’environnement attendent toujours l’étude d’impact environnemental de la part du port autonome de Douala au sujet du projet d’extension publié dans sa page Facebook.

Mais avant cette publication de l’étude, le mois dernier le port autonome de Douala a signé un accord-cadre avec l’observatoire national sur les changements climatiques sur « la gestion des impacts des changements climatiques sur les activités du Port de Douala-Bonabéri ».

Cela signifie, selon les activistes, que le port fonce vers le projet sans tenir compte de l’alerte lancée successivement par les écologistes, les pêcheurs et même les transporteurs.

Aux prélèvements illégaux de la vase de mangrove s’ajoute le projet d’extension du port

Ce prélèvement illégal de vase de mangrove a été décrié par Valentin Mahop, président du syndicat des transporteurs de Manoca qui en a informé Eugène Yo Manga, président de l’association  La Mangrove.

Les dégâts sont assez importants dans le parc national Douala-Edéa dans la partie située dans l’arrondissement de Manoca. Des galléries de prélèvements de vases de mangroves atteignent des superficies de plus de 5 hectares déjà, regrette Eugene Yo Manga.

Des personnes réussissent à prélever la vase de mangrove sous la forme de brique et les stockent dans leurs embarcations. Une fois la nuit tombée, ces derniers acheminent les vases de mangroves vers des potentiels clients. Des villageois de l’île de Dongo, assimilent ces personnes à celles qui coupent la mangrove.

Certains des administratifs qui ont déjà compris l’importance de la protection de la nature  dénoncent un droit d’usage mal compris par les riverains et reconnaissent aussi la difficulté que son ministère a pour arrêter cette activité.

Par ailleurs, l’extension du port de Douala sera faite vers ces mêmes endroits déjà menacés, s’étonne l’ONG qui dit attendre le Président du Cameroun, Paul Biya, pour suspendre ce projet.

 « Jusqu’en mai 2022, nous n’avons pas été associé à aucune discussion avec le port autonome de Douala sur le projet d’extension au sujet de nos activités, c’est-à-dire le transport fluvial et la pêche » réagit Valentin Mahop.

Valentin Mahop essaie d’être confiant malgré les informations selon lesquelles qui courent de la destruction du débarcadère par le port autonome de Douala, ou encore de la cessation de leurs activités qu’ils mènent depuis des décennies.

Des sources de ces activistes disent que le Président serait saisi pour trancher sur cette situation.


Photo de bannière : Vue partielle du port autonome de Douala, au Cameroun. Photo de Christophe Nyemeck Beat.

 

 

 

 

Quitter la version mobile