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RD Congo : Suspension de contrats d’exploitation forestière après un accablant rapport de l’Inspection Générale des Finances

Verifying legality of timber at a wood depot near Kinshasa, Democratic Republic of Congo, in May 2013. Image by Flore de Preneuf / World Bank (CC BY-NC-ND 2.0)

Verifying legality of timber at a wood depot near Kinshasa, Democratic Republic of Congo, in May 2013. Image by Flore de Preneuf / World Bank (CC BY-NC-ND 2.0)

  • La concrétisation d’un accord de 500 millions de dollars par des bailleurs de fonds et le gouvernement congolais conclut en novembre dernier.
  • Mais l’audit évoque la non-application du Code forestier pendant 18 ans et plusieurs violations d’un moratoire sur de nouveaux concessions.
  • De son côté, l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), en tant que bailleur de fonds n’a pas encore réagi.

La publication d’un audit sur la légalité et le contrôle des contrats forestiers en République Démocratique du Congo est le premier pas de la concrétisation d’un accord de 500 millions de dollars conclu par des bailleurs de fonds et le gouvernement congolais en novembre dernier. Attendu pour fin 2021, le rapport est finalement publié début avril. Il évoque une incurie dans la gestion des ressources forestières dans le pays.

Dès la publication de ce document, la ministre congolaise de l’environnement, Ève Bazaïba, dit avoir fait suspendre les contrats illégaux qui ne respectent ni les communautés ni la biodiversité, mais la société civile juge la mesure insuffisante et appelle le président Felix Tshisekedi à ouvrir une enquête judiciaire sur les responsables du pillage de la forêt congolaise.

Selon la ministre de l’environnement, la sortie du rapport est retardée pour des raisons administratives selon Bazaïba qui estime avoir fait pression sur l’Inspection Générale des Finances (IGF) afin que ce rapport soit non seulement finalisé mais publié à bonne date pour faire avancer son travail dans le cadre de la gestion rationnelle des ressources forestières.

La publication du rapport est considérée comme le premier jalon vers la concrétisation de l’accord de 500 millions de dollars entre des bailleurs de fonds et le gouvernement de la République Démocratique du Congo en marge de la COP26 qui s’est tenu en novembre 2021 à Glasgow en Écosse.

Le document de l’IGF évoque, entre autres, une violation du moratoire par l’administration forestière et la non-application du Code forestier du 29 août 2002 pendant 18 ans.

Concrètement, au moins 18 titres illégaux ont été attribués en violation du moratoire de 2002, comprenant la totalité de ceux revendus par le forestier et général Gabriel Amisi, sous sanctions américaine et européenne, à des partenaires chinois.

Truck loaded with log approaching a timber staging area near Soulie Dolisie, DRC. Image by jbdodane via Flickr (CC BY-NC 2.0)
La ministre de l’environnement indique avoir déjà fait suspendre tous les contrats forestiers illégaux qui sont épinglés dans le rapport. Image par jbdodane via Flickr (CC BY-NC 2.0)

Les inspecteurs de l’IGF estiment qu’avec ces seuls titres, plus de 3 millions de dollars de redevances de superficie manquent à l’appel et il convient, ajoutent-ils, de procéder à leur recouvrement par voies de droit. Les constatations des enquêteurs de l’IGF font également état d’une absence du dépôt de cautionnement par certains forestiers, relevant d’une application « sentimentale et arbitraire » de la loi. Ils ajoutent que le gré-à-gré entretenu par plusieurs ministres pour l’attribution des titres est la preuve du plaisir qu’ils prennent à privilégier le favoritisme au détriment du respect des lois en vigueur dans le pays.

« Avec toute la gangrène qu’expose cet audit, c’est de la folie de lever le moratoire sur les nouveaux titres forestiers, et pourtant c’est ce que la RDC et ses bailleurs s’apprêtent à faire. Ce qu’il nous faut est un plan de protection permanente des forêts, c’est vital pour des milliers de communautés locales et des Peuples autochtones », a déclaré Irène Wabiwa Betoko, cheffe de campagne forêt pour Greenpeace Afrique.

Pour plusieurs organisations de la société civile et de défense de l’environnement dont Greenpeace, la publication de l’audit est embarrassante pour le ministère ainsi que pour l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI) car il évoque de nombreuses autres concessions qui méritent d’être suspendues. Nos tentatives pour avoir un commentaire du CAFI sur l’audit sont restées vaines.

Interpellée par Mongabay sur ces défaillances impliquant plusieurs cadres du pays, la ministre Bazaïba parle « d’œuvre humaine » et assure que des mesures appropriées ont été prises pour gérer ces disfonctionnements. La ministre indique avoir déjà fait suspendre tous les contrats illégaux qui sont épinglés dans le rapport.

« Je suis en train de mettre en place une commission qui va examiner les dossiers au cas par cas », a déclaré Bazaïba. La commission vérifiera s’il y a des erreurs faisant qu’une entreprise quelconque est indexée par l’audit, explique-t-elle, là où les documents appréciés par les membres de la commission viennent confirmer les résultats de l’IGF, « nous serons obligés de retirer purement et simplement les contrats déjà attribués », assure Bazaïba.

Ces mesures sont insuffisantes selon les défenseurs de l’environnement en l’occurrence Greenpeace qui invite le président Tshisekedi à ouvrir une enquête judiciaire sur les responsables du pillage de la forêt congolaise. A la question de savoir comment les bailleurs réagissent à ces données, la ministre Bazaïba déclare qu’il est dans l’intérêt de tous d’agir pour la protection du bassin du Congo.

« Il est de notoriété publique que le potentiel environnemental du bassin du Congo constitue la réponse face aux changements du climat », estime-t-elle.

Une promesse de 1,5 milliard de dollars pour le bassin du Congo, un bon début, mais pas assez, selon les experts

Image de bannière : Vérification de la légalité du bois dans un dépôt de bois près de Kinshasa, RD Congo, en mai 2013. Image par Flore de Preneuf / Banque mondiale (CC BY-NC-ND 2.0)

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