Nouvelles de l'environnement

Les métaux de haute technologie, respectueux du climat, polluent la Terre, mais des solutions se font attendre

  • La croissance des technologies énergétiques vertes (en particulier les énergies éolienne, solaire et hydroélectrique, ainsi que les véhicules électriques) est cruciale si nous souhaitons atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat. Mais ces solutions vertes reposent sur des matériaux critiques, dont la production et l'élimination peuvent nuire à l'environnement.
  • L'extraction et le traitement des matériaux critiques nécessitent énormément d'énergie. Les mines utilisent des quantités phénoménales d'eau douce, peuvent entraîner des changements d'affectation des sols à grande échelle et polluent l'air, le sol ainsi que l'eau, menaçant ainsi la biodiversité. Les matériaux critiques peuvent également devenir eux-mêmes des polluants lorsqu'ils sont rejetés sous forme de déchets.
  • Nous savons relativement peu de choses sur ce qu'il advient des matériaux critiques après leur fabrication et leur élimination, mais de nombreux éléments critiques présents en traces ont été détectées dans la pollution atmosphérique urbaine, les cours d'eau et les carottes de glace. Autre sujet de préoccupation : des terres rares ont été détectées dans l'urine de mineurs en Chine.
  • Les technologies minières vertes et les nouvelles méthodes de recyclage peuvent réduire les impacts de la production des matériaux critiques. L'assainissement par les plantes et les microbes peut extraire les matériaux critiques des déchets et des sols contaminés. Mais selon les experts, les solutions clés pourraient être une économie circulaire et des changements au stade de la conception des produits.

Le développement fulgurant des technologies d’énergie renouvelable, notamment les énergies éolienne, solaire et hydroélectrique, et le succès commercial des véhicules hybrides et entièrement électriques, contribuent à nous mettre sur la voie d’une économie à zéro émission de carbone et à atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

Pourtant, ces avancées positives dépendent d’un faible nombre de « matériaux critiques », à savoir des matériaux rares dont l’extraction, la production et l’élimination sont liées à de nombreux problèmes environnementaux, allant de la consommation d’énergie et d’eau à grande échelle à une importante pollution des sols, de l’eau et de l’air.

Ces 30 à 35 matériaux critiques sont essentiels aux ordinateurs, à l’électronique grand public, aux cellules solaires, aux éoliennes, aux voitures électriques, ainsi qu’aux domaines militaire et médical.

Ils comprennent les métaux précieux du groupe du platine, les terres rares comme le néodyme et le scandium, et d’autres métaux tels que le cobalt, le lithium et le tungstène. Ces éléments diversifiés n’ont pas en commun une quelconque chimie, mais plutôt leur nécessité technologique et leur rareté géopolitique. Ils partagent notamment des caractéristiques indispensables telles que la capacité de stocker de l’énergie ou de former des aimants permanents, par exemple. Cette propriété les rend essentiels pour les technologies qui pourraient contribuer à atteindre l’objectif de Paris de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2 degrés Celsius (3,6 degrés Fahrenheit) par rapport au niveau préindustriel.

Mais le recours aux matériaux critiques pour fabriquer des produits de haute technologie respectueux de l’environnement fait courir à ces éléments le risque de contribuer à la transgression des neuf limites planétaires qui définissent les conditions d’habitabilité de la Terre.

Les mines à ciel ouvert, comme cette mine de cuivre et de cobalt en Zambie, nécessitent le défrichage de vastes zones de végétation indigène et le prélèvement d’énormes quantités de sol, tandis que l’extraction des minéraux requiert souvent l’utilisation de produits chimiques corrosifs. La pollution provenant de l’exploitation minière peut s’étendre sur des dizaines de kilomètres à partir du site minier. Image de Murray Hitzman.

L’extraction des minéraux consomme des quantités phénoménales d’eau douce et peut polluer le sol, l’eau et l’air, tandis que les vastes mines à ciel ouvert entraînent des changements d’affectation des sols à grande échelle, provoquent la déforestation et menacent la biodiversité. L’extraction, le traitement et le transport des minéraux utilisent énormément d’énergie, générant des émissions de gaz à effet de serre. Enfin, les matériaux critiques eux-mêmes peuvent devenir des polluants lorsqu’ils sont rejetés dans l’environnement sous forme d’émissions ou de déchets.

Dans l’urgence de la lutte contre le changement climatique, les risques que présentent les matériaux critiques sont peu abordés à l’heure actuelle. Pourtant, il est vital pour l’avenir durable de la planète que leur production soit véritablement écologique et qu’ils soient recyclés dans le cadre d’une économie circulaire.

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Définir le problème des matériaux critiques

Même si la plupart des matériaux critiques ne sont pas rares, on les retrouve très peu dans les grands gisements, ils ne sont donc pas à la portée de la plupart des organismes vivants. En les extrayant, les utilisant et les jetant à grande échelle, nous les introduisons dans de nouveaux environnements, dont les conséquences sont inconnues. C’est l’une des raisons pour lesquelles les scientifiques s’intéressent de plus en plus à ces éléments en tant que nouvelles entités chimiques et polluants potentiellement dangereux.

La production et la diffusion mondiales de toutes les nouvelles entités chimiques, chacune présentant différentes menaces potentielles pour l’environnement, dépassent déjà la capacité mondiale d’évaluation et de surveillance sûres, ce qui nous place en dehors de l’espace sécurisé de la Terre pour cette limite planétaire mal comprise.

Mais même ainsi, la mise en œuvre des technologies vertes doit s’accélérer considérablement pour que les objectifs de l’accord de Paris soient atteints. D’ici 2050, la flotte de véhicules électriques doit passer d’environ 1,2 million de voitures à plus de 950 millions. La capacité de production d’énergie solaire doit passer de 220 gigawatts (GW) à plus de 7000 GW. La capacité totale des batteries rechargeables, dont les installations solaires et les voitures électriques ont besoin, doit passer de 0,5 gigawattheure (GWh) à plus de 12 000 GWh.

Par conséquent, la demande pour les matériaux critiques tels que le cobalt, le lithium, le néodyme et le dysprosium va exploser. Actuellement, le marché de ces substances augmente de 5 % par an. D’ici 2050, la demande pour le le cobalt, le lithium, le néodyme et le dysprosium va exploser. Actuellement, le marché de ces substances augmente de 5 % par an. D’ici 2050, la demande pour le lithium et le cobalt pourrait augmenter jusqu’à 500 %, ce qui nécessiterait l’extraction de 3 milliards de tonnes de minéraux. Les terres rares utilisées pour les éoliennes pourraient voir leur demande multipliée par 26.

Les éoliennes utilisent des aimants permanents fabriqués à partir de terres rares, telles que le néodyme et le dysprosium, pour augmenter l’efficacité de la production d’énergie. La majorité de ces matériaux critiques sont exploités en Chine, avec une réglementation environnementale minimale. Cependant, la demande pour ces éléments devrait être multipliée par 26 d’ici 2050. Image de Geoff J Mckay via Flickr (CC BY 2.0).

Les activités minières doivent se développer pour répondre à ce besoin, engendrant des impacts très lourds sur le monde naturel. L’extraction des matériaux critiques exige souvent de défricher les forêts, de retirer des quantités massives de sol et de roche, et d’utiliser des acides polluant l’eau pour isoler les éléments précieux. Les effets dévastateurs sont multipliés lorsque les minerais sont situés dans des régions tropicales riches en biodiversité, comme c’est le cas en Amazonie vénézuélienne ou en République démocratique du Congo, où l’exploitation du coltan par des milices armées a fait courir un grand risque au gorille des plaines orientales (Gorilla beringei graueri), une espèce en danger critique.

L’exemple le mieux étudié des impacts de l’exploitation minière des matériaux critiques se retrouve peut-être dans le district minier de Baiyun, en Mongolie-Intérieure, une région autonome de Chine qui produit la moitié des terres rares du monde. Pendant des décennies, la mine de fer à ciel ouvert de Bayan Obo a également extrait du niobium, du lanthane et du néodyme pour les smartphones, les voitures électriques et les éoliennes. Les communautés et les écosystèmes locaux en payent les conséquences.

Chaque tonne métrique de terre rare qui y est extraite exige le défrichage de 300 mètres carrés (3230 pieds carrés) de végétation et de terre arable, et libère 1000 tonnes métriques d’eaux usées contaminées et 2000 tonnes métriques de résidus solides ou liquides.

Le district minier de Baiyun, en Mongolie-Intérieure, vu de l’espace par le satellite Terra de la NASA en 2006. Baiyun produit environ la moitié des terres rares du monde destinées aux technologies allant des smartphones aux éoliennes, entrainant de graves conséquences sur l’environnement et la santé. Image offerte par la NASA.

Les nouveaux polluants

Aujourd’hui, des teneurs importantes en terres rares ont été détectées dans les eaux usées, les rivières et les eaux souterraines à proximité des usines d’extraction et de traitement. Elles ont également été relevées dans les échantillons d’urine de personnes vivant à Bayan Obo, ce qui est inquiétant.

De nombreux matériaux critiques ont des effets toxiques bien connus lorsque leur concentration est élevée, ce qui met en danger les travailleurs qui exploitent, traitent et recyclent ces minéraux. Ces risques sont aggravés par le fait que de nombreuses mines de matériaux critiques se trouvent dans des pays moins développés où les réglementations environnementales et sanitaires sont peu contraignantes. Des centaines de milliers de travailleurs dans le monde sont exposés aux terres rares et cette exposition professionnelle entraîne de nombreux effets possibles sur la santé.

En effet, le coût élevé de l’extraction des matériaux critiques pour l’environnement et la santé humaine est l’un des facteurs qui les rendent géopolitiquement rares. « Les pays développés ont essentiellement externalisé leurs matières premières vers les pays en développement. Cela revient moins cher de les produire là-bas et c’est principalement dû au fait que les réglementations sont généralement plus laxistes », explique Murray Hitzman, directeur de l’Irish Centre for Research in Applied Geosciences (iCRAG) et expert en extraction minérale.

L’exploitation du cobalt en République démocratique du Congo est un excellent exemple des problèmes de droits de l’homme liés aux matériaux critiques. Le cobalt est économiquement parlant très important pour la RDC. En effet, 10 à 12 millions de personnes dépendent directement ou indirectement de son exploitation pour vivre. Cependant, les mineurs de cobalt sont exposés à des conditions dangereuses et nocives dans les mines, et accumulent d’importantes quantités de métaux toxiques dans leur organisme. Un rapport d’Amnesty International de 2016 a révélé que 15 % du cobalt en RDC provient de mines artisanales creusées à la main, où les conditions sont souvent encore plus dangereuses et où le travail des enfants est courant.

La malachite est un minéral qui contient à la fois du cuivre et du cobalt. Celle-ci provient du site minier de Lupoto, en République démocratique du Congo. Le cobalt est un composant principal des batteries lithium-ion ainsi que des superalliages pour les moteurs à réaction. Selon les prévisions, la demande devrait augmenter de 500 % d’ici à 2050. Selon le CDC, le cobalt peut porter atteinte aux yeux, à la peau, au cœur ainsi qu’aux poumons, et son exposition peut provoquer un cancer. Image de Murray Hitzman.

A quel point les matériaux critiques sont-ils dangereux ? Plus de questions que de réponses

Si nous maîtrisons certaines choses sur les matériaux critiques et les risques liés à leur production, nous ignorons ce qu’ils deviennent après leur fabrication et leur élimination. Cela s’explique d’un côté par le fait que leur ascension fulgurante vers une importance mondiale a laissé les scientifiques et les responsables politiques dans l’expectative, et de l’autre par les concentrations de l’ultra-trace dans lesquelles ils sont utilisés, ce qui rend le suivi compliqué.

Les métaux du groupe du platine (NGP) font exception à la règle. Depuis les années 1970, ils sont couramment utilisés dans le but de réduire les émissions de gaz d’échappement des véhicules. Les NGP sont indispensables aux convertisseurs catalytiques, qui sont nécessaires aux nouveaux véhicules motorisés aux États-Unis, au Canada, dans l’UE et en Australie depuis des dizaines d’années. Ces NGP, qui incluent le palladium, le platine et le rhodium, agissent sur les gaz toxiques tels que le monoxyde de carbone ainsi que l’oxyde d’azote et les éliminent des gaz d’échappement. Mais les voitures modernes à moteur essence émettent désormais des NGP en tant que sous-produit. Ces particules fines se dispersent et peuvent parcourir de grandes distances dans l’atmosphère avant de se déposer sur la terre, où elles peuvent être emportées par l’eau de pluie et se déverser dans les rivières, les estuaires ainsi que les océans.

On trouve désormais une grande concentration de particules du groupe du platine dans l’air en ville, la poussière des routes, le sol et la végétation des bords de route, et même à des endroits éloignés de toute activité humaine. Une étude a constaté une augmentation de concentration de NGP sur la calotte glaciaire du Groenland après 1990, et a conclu que les NGP s’y déposaient à un rythme 600 fois supérieur au niveau de fond.

La plupart des autres matériaux critiques ne sont pas encore autant omniprésents que ceux faisant partie du groupe du platine, et leur parcours dans l’environnement est probablement très différent. Prenons l’exemple de l’électronique grand public, qui contient d’infimes quantités de cobalt, de lithium, de néodyme, d’indium, de niobium et d’autres matériaux critiques, intégrés à d’autres matériaux tels que le silicium et le plastique. Ces matériaux critiques peuvent être libérés sous forme d’aérosol lorsque les déchets sont broyés ou brûlés, ou s’infiltrer dans le sol et les eaux souterraines à partir des décharges. Cependant, rien n’est clair car aucune recherche n’a été effectuée.

Les recherches menées par Brian Berkowitz et Ishai Dror, de l’Institut Weizmann des sciences, en Israël, indiquent que les terres rares piégées dans les déchets électroniques bougent très peu et si elles pénètrent dans le sol, il y a de grandes chances pour qu’elles y restent. Dans les expériences de laboratoire sur le sol, les terres rares « ne sont pas très mobiles, il faut travailler très dur pour les faire bouger », a déclaré Berkowitz. « La bonne nouvelle, c’est qu’elles ne polluent pas vraiment les eaux souterraines, la mauvaise, c’est qu’elles restent à jamais dans le sol. » a-t-il ajouté.

Certaines industries deviendront des sources de pollution par les terres rares plus importantes que d’autres. Le long du Rhin, par exemple, un fleuve allemand autour duquel l’industrialisation est importante, des quantités potentiellement toxiques de gadolinium, de lanthane et de samarium ont été détectées en aval d’une canalisation d’effluents industriels, bien que la source exacte reste incertaine. Une étude réalisée en 2019 a révélé des des taux élevés de terres rares, dont le praséodyme, le néodyme, le dysprosium et l’holmium, dans l’estuaire de la rivière des Perles, en Chine. Cela a été causé en partie par les installations de recyclage de déchets électroniques situées en amont.

Le Rhin, qui traverse l’Allemagne et les Pays-Bas, transporte énormément de gadolinium, de lanthane et de samarium, des terres rares. Actuellement, aucune limite réglementaire n’existe pour les terres rares dissoutes dans les eaux naturelles, mais les chercheurs ont constaté que les concentrations de terres rares en aval d’une canalisation d’effluents étaient nettement supérieures au seuil auquel des effets écotoxiques avaient été constatés auparavant. Image de Daniel Mennerich via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Des terres rares présentes en traces ont été découvertes dans un large éventail d’environnements, dans l’eau potable et dans les aliments Elles pourraient provenir de l’industrie, des déchets électroniques ou d’une autre source.

Le mot « trace » est important ici. Mis à part dans les mines et les centres de recyclage, les terres rares sont libérées à des niveaux de concentrations extrêmement faibles, si faibles que les scientifiques ne savent pas encore comment les mesurer avec précision et déterminer leurs impacts. La plupart d’entre elles ne font actuellement l’objet d’aucune surveillance environnementale ni de réglementation, et Dror affirme qu’il n’a pas encore trouvé « de preuve irréfutable de l’existence d’importants contaminants issus de l’utilisation [domestique] des matériaux critiques ». À ces faibles taux, les matériaux critiques ne sont pas susceptibles de provoquer des effets graves sur les plantes et les animaux, mais une exposition à long terme pourrait entraîner des effets chroniques.

Ces effets ne seront peut-être pas visibles de sitôt. « Pour le moment, il y a un manque d’encouragement et de financement » nécessaires à l’étude des effets chroniques de la pollution aux matériaux critiques, a déclaré Sebastien Rauch, professeur d’environnements et de systèmes urbains à l’université de technologie de Chalmers, en Suède. Les recherches importantes sur la toxicité à long terme ne sont tout simplement pas menées.

Cela ne signifie pas que le risque est inexistant. Sous sa forme naturelle, par exemple, le platine est inerte, de sorte que son utilisation dans les convertisseurs catalytiques a longtemps été considérée comme inoffensive. Cependant, de minuscules particules de MGP présentes dans la poussière des routes peuvent se transformer en leurs formes actives et toxiques si elles sont dissoutes dans l’eau de pluie. « Nous savons, par exemple, que le platine se lie à l’ADN, [mais] est-ce important si la concentration est faible ? Nous l’ignorons », a déclaré Rauch.

À très faible concentration, certaines terres rares peuvent même être utiles à la croissance des plantes. En Chine, cette découverte a incité à ajouter des mélanges de terres rares aux engrais. Mais il est également prouvé que les métaux du groupe du platine et les terres rares peuvent se bioaccumuler dans les tissus des organismes vivants et atteindre ainsi des niveaux potentiellement toxiques en cas d’exposition prolongée. Ils peuvent également s’accumuler dans la chaîne alimentaire, où la bioaccumulation pourrait présenter un risque pour les humains ou les superprédateurs.

Plus important encore, nous ne savons pas comment les matériaux critiques interagissent entre eux ou avec d’autres polluants pour produire des effets synergiques. « Je pense qu’il y a plus de questions que de réponses, pour le moment », a déclaré Rauch.

Dans le delta de la rivière des Perles, en Chine, des chercheurs ont identifié du praséodyme, du néodyme, du dysprosium et de l’holmium, à savoir des terres rares, dans des particules en suspension ainsi que dans les tissus d’huîtres vivant dans la rivière. On pense que les particules ont atteint la rivière depuis des centres de recyclage et d’autres sites industriels en amont. Image de Chris sur Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Rendre les chaînes d’approvisionnement des technologies vertes durables

Trouver de nouvelles sources de matériaux critiques est une priorité pour la sécurité nationale des États-Unis et de l’UE, qui cherchent à protéger leurs chaînes d’approvisionnement mondiales contre les perturbations naturelles, socio-économiques et politiques. Mais cette recherche est aussi une occasion d’améliorer les résultats environnementaux. Trouver des sources de matériaux critiques dans des pays moins développés pourrait, par exemple, être un premier pas vers une réglementation plus stricte des industries des technologies vertes et vers la résolution des problèmes de justice environnementale, tout en réduisant l’empreinte du transport mondial.

« A notre connaissance, la RDC est sans aucun doute l’endroit sur la planète où l’on trouve le plus de cobalt. Cela fait 24 ans que je cherche un autre endroit et je ne l’ai pas encore trouvé », a déclaré Hitzman. « Mais y a-t-il du cobalt ailleurs ? Oui, absolument. Et y a-t-il des quantités qui pourraient être exploitées ? Absolument ! »

L’Institut d’études géologiques des États-Unis, en collaboration avec Geoscience Australia ainsi que la Commission géologique du Canada, a récemment lancé un projet de cartographie visant à localiser de nouveaux gisements de matériaux critiques, dont le cobalt. Une étude récente du British Geological Survey a répertorié plus de 500 sites cobaltifères en Europe.

L’océan pourrait également constituer une possible source d’éléments critiques. L’Autorité internationale des fonds marins élabore actuellement des réglementations pour régir l’extraction des minéraux océaniques, mais les scientifiques sont extrêmement divisés sur la question de savoir si la transgression de cette nouvelle limite apportera une nouvelle panacée minière ou provoquera un désastre environnemental. La zone Clarion-Clipperton, dans l’océan Pacifique, est couverte de nodules polymétalliques riches en cobalt et autres métaux précieux, mais elle abrite également des créatures des profondeurs incroyablement rares et des écosystèmes que nous commençons à peine à comprendre.

Les matériaux critiques ne sont produits que sur un nombre limité de sites dans le monde. Les minéraux extraits doivent donc être transportés sur de longues distances vers les fabricants du monde entier. Ce camion à Lubumbashi, en République démocratique du Congo, est chargé de concentré de cuivre, destiné à être transformé en cuivre et en cobalt. Développer des sources de ces minéraux dans les pays industrialisés permettrait de réduire l’empreinte du transport des matériaux critiques. Image de Murray Hitzman.

Remplacer, réutiliser, recycler

Il existe une solution éventuelle pour les matériaux critiques. Pour certaines hautes technologies, ils pourraient être remplacés par des matériaux plus facilement disponibles et extraits d’une manière plus respectueuse de l’environnement. Par exemple, il serait intéressant de remplacer les batteries lithium-ion, présentes aujourd’hui dans tous les appareils, des smartphones aux véhicules électriques, par les batteries sodium-ion. En effet, le sodium est un minéral abondant que l’on peut extraire du sel.

En ce qui concerne les matériaux critiques qui ne peuvent pas être remplacés par des alternatives écologiques abondantes, il existe deux manières d’améliorer la durabilité. La première consiste à diminuer les impacts de l’exploitation minière et la deuxième consiste à réduire la demande d’exploitation minière en récupérant les matériaux critiques à partir des déchets. Etonnamment, les déchets miniers eux-mêmes représentent la source potentielle la plus riche en matériaux critiques, et des techniques d’extraction de ces éléments à partir des résidus sont en cours de développement.

« Une meilleure vigilance sur la gestion des déchets provenant des sites miniers, notamment les résidus issus du traitement des minerais » est nécessaire pour effectuer une transition en douceur vers une économie circulaire à faible émission de carbone, a déclaré Saleem Ali, professeur de l’énergie et de l’environnement à l’Université du Delaware aux États-Unis.

En matière de recyclage, le groupe du platine est en tête. Un quart de l’approvisionnement mondial en NGP provient aujourd’hui de convertisseurs catalytiques recyclés, mais il s’agit là d’une solution de facilité. Les convertisseurs catalytiques contiennent des quantités relativement importantes de platine, de palladium et de rhodium, et sont présents sur toutes les voitures modernes à moteur essence, ce qui rend les opérations de recyclage spécialisées financièrement viables.

Batteries lithium-ion utilisées pour la recherche sur l’intégration au réseau au National Wind Technology Center (NWTC). Selon les prévisions, la demande de batteries lithium-ion devrait dépasser la production mondiale. Image du Département de l’Energie des États-Unis via Flickr.

Les batteries au lithium pourraient également se prêter à un recyclage spécifique même si la technologie n’existe pas encore. Selon les prévisions, la demande de batteries lithium-ion devrait dépasser la production mondiale, alors même que la première génération de véhicules entièrement électriques atteint la fin de la durée de vie de ses batteries. La pression grimpe donc pour “exploiter” ces batteries à plat plutôt que de les envoyer dans des décharges. En 2017, des ONG ainsi que des entreprises privées ont créé la Global Battery Alliance, dans le but d’établir une chaîne de valeur durable des batteries d’ici 2030. D’importantes subventions de l’UE sont actuellement axées sur le développement de technologies de recyclage du lithium-ion.

En revanche, le recyclage des terres rares présentes en traces dans les anciens smartphones et ordinateurs constitue un défi fondamentalement différent et redoutable. Actuellement, « nous ne disposons pas de cette technologie », a déclaré Hitzman. « Le marché ne nous contraints pas à fabriquer des appareils, des dispositifs [et d’autres] choses que nous pouvons démonter. C’est plutôt le contraire, en fait. Nous concevons des choses facilement jetables. »

À l’avenir, l’exploitation minière urbaine, à savoir l’extraction de matières premières telles que les matériaux critiques des décharges urbaines mixtes, pourrait être envisageable. Il s’agit d’ « une idée brillante, mais il y a un hic », a précisé Berkowitz. En effet, les quantités sont généralement trop faibles et trop dispersées pour être économiquement viables. « Nous avons pris des boîtes de cartes mères broyées et les avons soumises à toutes sortes d’acides… et les concentrations extraites sont extrêmement faibles. »

Cependant, deux types de solutions biologiques pourraient exister et attirent l’attention. La biolixiviation, qui utilise les microbes pour extraire les minéraux précieux, et la phytoextraction qui s’appuie sur des plantes capables d’accumuler des métaux dans leurs tissus pour les extraire des déchets ou des terres contaminées. Un jour, ces deux méthodes pourraient permettre d’extraire les précieux matériaux critiques des déchets, en utilisant peu d’énergie et en excluant l’usage de produits chimiques corrosifs. Par exemple, la culture de la fougère Dicranopteris linearis sur des résidus miniers a permis d’extraire 74 % des terres rares. Ces techniques offrent un bon aperçu d’un avenir prometteur pour le recyclage des matériaux critiques.

Bassins d’évaporation du lithium dans le Salar d’Atacama, Chili. Image de la NASA. Traitement de l’image par Rhett A. Butler / Mongabay.
Le lithium est le métal principal des batteries lithium-ion, utilisées dans l’électronique grand public comme les smartphones et, de plus en plus, dans les véhicules électriques. La demande pour le lithium devrait exploser de 500 % au cours des prochaines décennies, avec l’arrivée des voitures électriques. Les plus grandes réserves de lithium se trouvent au Chili, mais l’Australie domine actuellement la production. Image de James St. John sur Flickr (CC BY 2.0).).

L’éco-extraction

De nombreuses nouvelles avancées technologiques rendent l’exploitation minière moins destructrice pour l’environnement. Certaines mines, par exemple, sont désormais en partie alimentées par des énergies renouvelables, ce qui réduit l’impact sur le climat. Il existe également de nouvelles techniques d’extraction qui utilisent moins d’eau et moins de produits chimiques nocifs.

L’exploitation minière “n’aura jamais un impact nul, car le sol est perturbé lors de l’extraction [mais] nous disposons de technologies bien meilleures et plus sures. Et en investissant l’argent nécessaire, vous pouvez extraire en minimisant l’impact”, a expliqué Hitzman. Le problème est que l’éco-extraction peut s’avérer onéreuse et n’est actuellement économiquement viable que pour les gisements minéraux de la plus haute qualité.

Certains pays européens ont mis en place des systèmes de recyclage des déchets électroniques afin d’éviter que les appareils électroniques ne finissent dans des décharges. Les commerçants allemands, par exemple, sont tenus de reprendre les anciens appareils lorsqu’un client en achète un nouveau. De telles politiques de durée de vie des produits, qui rendent les fabricants responsables d’une élimination correcte, peuvent également inciter à améliorer la conception des produits pour faciliter leur recyclage.

Sunday Leonard, responsable de la gestion des programmes pour le Comité consultatif de la recherche scientifique et technique auprès du Fonds pour l’environnement mondial, estime que les hommes politiques devraient convenir d’objectifs communs pour l’utilisation et le recyclage des matériaux critiques à l’échelle mondiale. Les accords internationaux « jouent un rôle important » dans la protection de l’environnement, a ajouté Leonard, mais « à l’exception du Protocole de Montréal, qui a permis d’avancer dans la restauration de la couche d’ozone, les autres accords doivent encore » s’améliorer.

En 2019, la Banque mondiale a lancé son Mécanisme pour une exploitation minière adaptée à l’action climatique, qui vise à aider les pays en développement riches en ressources à profiter pleinement d’une hausse de la demande de produits miniers tout en veillant à ce que la gestion du secteur de l’extraction minimise l’empreinte environnementale et climatique.

Pour atteindre tous ces objectif, Leonard affirme que la communauté internationale devra réunir les parties prenantes des éléments critiques tout au long du cycle de vie afin de cartographier les impacts environnementaux, d’évaluer les besoins en matière de développement des infrastructures et d’explorer d’autres moyens de subsistance. Par exemple, « nous devons créer des filets de protection sociale pour les [mineurs artisanaux] afin qu’ils puissent trouver d’autres moyens de subsistance », a-t-il conseillé.

Les recherches indiquent que les terres rares piégées dans les déchets électroniques bougent très peu et si elles pénètrent dans le sol, il y a de grandes chances pour qu’elles y restent. Image de Fairphone/Closing The Loop via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Une approche systémique du berceau à la tombe

Les éléments critiques se diversifient déjà tellement par leur utilisation et étendue que les experts affirment qu’une approche “systémique” serait le meilleur moyen pour trouver des solutions viables. En effet, ils ont divers impacts environnementaux, économiques et sociaux en raison de l’extraction, du traitement et de l’élimination des déchets.

« Si vous disposez d’une bonne cartographie de tous les impacts, vous pouvez alors réfléchir à la meilleure façon de concevoir votre produit », a précisé M. Leonard. « Bien sûr, il y aura des compromis à faire, mais [l’objectif est] de minimiser les impacts négatifs et de renforcer les impacts positifs. »

Une économie circulaire, à approche systémique du berceau à la tombe, exige très certainement la fin de l’obsolescence programmée, notamment pour l’électronique grand public.

À l’heure actuelle, les fabricants rendent l’ouverture et la réparation des appareils très difficiles aux utilisateurs, ce qui incite les consommateurs à remplacer les smartphones et les ordinateurs bien avant la fin de leur durée de vie. La solution serait une nouvelle conception des produits afin de faciliter l’économie circulaire, en veillant à rallonger la durée de vie des produits et à faciliter leur réparation ainsi que leur décomposition en composants recyclables. La politique du “droit à la réparation”, qui oblige les fabricants à fabriquer des produits réparables, gagne déjà du terrain aux États-Unis et en Europe, mais l’application d’une économie circulaire doit aller plus loin avec les éléments critiques.

Selon Leonard, « nous n’avons pas produit la moitié des voitures électriques dont nous aurons besoin à l’avenir. Nous n’avons pas conçu la moitié des éoliennes dont nous aurons besoin, ni les systèmes de défense, etc. » Dans cette optique, « nous avons l’occasion de nous réunir et de redéfinir la conception ».

Les véhicules électriques et hybrides de la compagnie Dublin Bus conçus par Hyundai. Selon les prévisions, la demande de batteries lithium-ion devrait dépasser la production mondiale, alors même que la première génération de véhicules entièrement électriques atteint la fin de la durée de vie de ses batteries. Image de Cityswift – Irlande via Flickr (CC BY 2.0).

Image de bannière : Un ensemble de panneaux solaires sur le lac Srinakarin dans la province de Kanchanaburi, en Thaïlande. Image d’Uwe Schwarzbach via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

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Article original: https://news.mongabay.com/2022/03/climate-positive-high-tech-metals-are-polluting-earth-but-solutions-await/

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