Nouvelles de l'environnement

La suspension des sociétés minières non enregistrées en RDC : Une illusion ?

Photographie de bannière (capture d’écran): Projet de construction de route dans le bassin du Congo financé par une société chinoise. Photographie reproduite avec l’autorisation de William Laurance.

Photographie de bannière (capture d’écran): Projet de construction de route dans le bassin du Congo financé par une société chinoise. Photographie reproduite avec l’autorisation de William Laurance.

  • La République démocratique du Congo est le plus vaste pays dont la taille fait plus de 2,345 millions de km2. Il regorge de beaucoup de minéraux convoités par des sociétés variées du monde entier, notamment du secteur de la construction automobile, de l’électronique et de l’électromécanique.
  • Les entreprises chinoises sont souvent accusées d’employer des méthodes non conventionnelles pour exploiter l’or et d’autres métaux précieux en République démocratique du Congo. Pékin, un allié de Kinshasa, s’est désolidarisé ces derniers jours des entreprises minières chinoises qui ne respectent pas l’environnement.
  • La vice-ministre de l’Environnement et du Développement Eve Bazaiba a récemment suspendu les activités d’exploitation d’une entreprise chinoise impliquée dans la pollution d’un grand affluent du fleuve Congo. Ces efforts semblent toutefois insuffisants dans un pays où des milliers d’entreprises travailleraient illégalement.

La vice ministre l’Environnement et du Développement Ève Bazaiba a fait interrompre il y a quelques jours les travaux d’une entreprise chinoise accusée de travailler sans autorisation.

Tout a commencé par la pollution de la rivière Aruwimi en République démocratique du Congo par une entreprise chinoise, la Xiang Jiang Mining, en 2021.

En août dernier, l’entreprise chinoise avait été accusée par la société civile de polluer les eaux de la rivière Aruwimi dans le secteur de Mungandjo situé dans le territoire de Basoko.

À cette époque, des images avaient inondé la Toile montrant les eaux de la rivière Aruwimi colorées par suite du déversement de substances rejetées par l’entreprise Xiang Jiang Mining et polluée par des sables déposés dans cette même rivière.

La rivière Aruwimi, aussi appelée la Lohale, est un affluent important du fleuve Congo au nord et au nord-est de ce grand pays dont la superficie est 77 fois plus grande que celle de la Belgique qui l’a jadis colonisé.

Avec comme débit 2200/Seconde, l’Aruwimi est l’un des grands affluents du fleuve Congo. Elle s’étend sur plus de 1 200 km.

Selon Ève Bazaiba,  Xiang Jiang Mining utilise au moins sept dragues robotisées sans en avoir l’autorisation.

« Nous avons constaté que la pollution de la rivière Aruwimi est réelle », déplore-t-elle avant d’ajouter que la situation s’est détériorée en raison de l’usage non autorisé de dragues robotisées.

Par voie de conséquence, même la navigation sur cet affluent du fleuve Congo s’est détériorée parce que l’entreprise « entrepose du sable partout ».

Problèmes de santé

Selon l’activiste congolais Jean-François Mombia, des citoyens subissent  les conséquences désastreuses des déversements.

« Des poissons morts flottent sur la rivière et, malheureusement, les gens les consomment ».

L’activiste déplore l’augmentation des cas de diarrhée dans cette région affectée par la pollution en raison de la consommation de ces poissons.

Par ailleurs, il dénonce le fait que Xiang Jiang Mining s’emploie à délocaliser au moins 10 000 personnes installées dans les environs de la rivière. Il ajoute que la population qui vit le long de la rivière Aruwimi tire sa subsistance de la pêche dans cette même rivière. Il plaide pour que les familles, pour la plupart autochtones, ne soient pas déplacées par l’entreprise.

La ministre frappe fort

Les organismes de la société civile déplorent les préparatifs vers la délocalisation des habitants vivant non loin de la Xiang Jiang Mining. La vice-ministre de l’Environnement et du Développement Ève Bazaiba a par ailleurs pris des mesures plus ou moins radicales qui ont été saluées par les membres de la société civile congolaise.

Selon elle, Xiang Jiang Mining doit suspendre ses activités d’exploitation de l’or qu’elle qualifie d’ailleurs d’illégales.

Elle annonce que les robots utilisés dans l’exploitation de l’or seront transférés à Lubumbashi dans l’immédiat.

Elle déplore l’absence de permis d’exploitation pour l’entreprise, comme l’exige la loi, et l’absence de permis de séjour ou de travail pour les employés.

Surtout, la ministre pense que, normalement, l’entreprise devrait avoir effectué au préalable des études d’impact environnemental avant de commencer. Or, Xiang Jiang Mining ne s’est jamais donné la peine de réaliser de telles études, déplore le gouvernement. Le gouvernement congolais juge qu’elle a violé les lois congolaises qui régissent le secteur minier. Ses dirigeants ont d’ailleurs décliné toute invitation des médias à commenter.

Trop d’entreprises non enregistrées

La République démocratique du Congo doit composer avec la présence de nombreuses entreprises n’ayant pas de permis d’exploitation dont certaines sont chinoises,  locales ou d’ailleurs.

En août dernier, selon des informations diffusées par des médias européens dont Deutsche Welle, six entreprises chinoises ont été forcées de suspendre leurs activités par le gouvernorat provincial du Sud-Kivu, dans la partie est du Congo.

Les activités de BM Global Business, Congo Blueant Mineral, Yellow Water, New Oriental Mineral, Oriental Ressources Congo et Group Christal Services ont toutes été suspendues par suite d’irrégularités.

Elles ont été interrompues après l’alerte lancée par des activistes de la société civile dont Clément Mutewa, responsable d’une association de la jeunesse de la région de Mwenga.

Selon lui, « les entreprises chinoises [suspendues] ne remplissaient pas les conditions requises par le code minier ».

Les six entreprises sont accusées aussi d’utiliser « des produits extrêmement toxiques qui polluent le sol », précise-t-il.

Par ailleurs, elles sont accusées de traiter le personnel congolais différemment du personnel chinois.

La pollution en RDC : un passé qui ne passe pas !

La pollution en République démocratique du Congo est désormais monnaie courante. En août 2021, des membres de la société civile congolaise ont lancé un signal d’alarme au sujet de la pollution des rivières Thsipaka et Kasaï, affluents du fleuve Congo.

La pollution a entraîné la mort d’au moins douze personnes et 4 500 autres ont manifesté des signes de diarrhée chronique. Au moins 95 000 Congolais ont été touchés par le phénomène d’une façon ou d’une autre.

Les relations diplomatiques entre Kinshasa et Luanda ont été troublées par cet incident imputable à une entreprise basée en Angola qui avait pourtant promis d’indemniser les familles touchées.

La colère des activistes et des députés a ébranlé le président congolais. Félix Antoine Tshisekedi a donc demandé, en septembre 2021, d’enquêter sur des concessions et les activités illégales d’entreprises exploitant le minerai au Congo.

Néanmoins, le respect des mesures et décisions imposées par le gouvernement pose problème. La société civile congolaise estime que, la plupart du temps, les interdictions imposées aux entreprises sont trop brèves et que l’injonction du président de la république congolaise n’est pas respectée.

Ève Bazaiba pose un constat semblable. Selon elle, Xiang Jiang Mining n’a pas obtenu de permis d’exploitation parce qu’elle n’a pas fourni tous les documents nécessaires au préalable comme le stipule le code minier congolais en vigueur. Mais au lieux de se conformer à la loi, la ministre et des membres de la société civile estiment que Xiang Jiang Mining a entrepris des activités d’exploitation sans en avoir reçu l’autorisation.

« Le ministre des industries minières et de la géologie avait ordonné la suspension des activités de cette entreprise auparavant mais cette dernière n’avait pas obtempéré », informe la ministre Bazaiba. Elle condamne la poursuite des activités de l’entreprise sans autorisation.

En plus de ces sanctions, Xiang Jiang Mining devra payer des amendes pour n’avoir pas suivi toutes les étapes obligatoires permettant d’exploiter des activités dans ce pays d’Afrique centrale.

Présence d’institutions de l’État

L’assemblée provinciale du Sud-Kivu avait, en 2021, alerté le gouvernorat provincial au sujet de la présence d’éléments de l’armée sur des sites miniers alors que la loi l’interdit.

Une commission formée d’élus provinciaux de cette région avait été formée par suite de pressions menées par des organismes de la société civile. Les résultats de l’enquête de la commission sont inquiétants.

Selon Kasilembo Wabatinga, rapporteur de la commission, ce ne sont pas seulement les ponts, les rivières et d’autres infrastructures qui ont été endommagés. Selon lui, l’image même des institutions congolaises a été souillée.

En effet, des éléments de l’armée congolaise ont été induits en erreur par les entreprises pour assurer la garde des sites miniers alors que la loi l’interdit.

Il déplore, au nom de la commission, la présence de militaires et de policiers dans des sites d’exploitation minière. Par ailleurs, alors que la commission estime à plus de 300 kilogrammes la production d’or au site de Mwenga, dans le Sud-Kivu, les élus s’étonnent que les entreprises menant des activités à cet endroit n’aient enregistré une récolte de seulement un kilogramme.

Photographie de bannière (capture d’écran): Projet de construction de route dans le bassin du Congo financé par une société chinoise. Photographie reproduite avec l’autorisation de William Laurance.

 

 

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