Nouvelles de l'environnement

Pêche industrielle à Madagascar : le vent du changement apporte de l’espoir… et des questions

  • À Madagascar, la vente aux enchères de droits de pêche dans des zones côtières a suscité l’inquiétude des membres de la société civile. Selon eux, le procédé était opaque et ouvre la porte à une mauvaise gestion de l’environnement.
  • Deux entreprises à capitaux chinois ont remporté près de la moitié des droits de pêche. L’une d’entre elles a même fait venir des navires qui avaient fait l’objet d’une arrestation pour pêche illégale en Afrique de l’Ouest en 2020. La seconde, qui opérait déjà à Madagascar, aurait enfreint les régulations des pêches du pays dans le courant de l’année dernière.
  • Les observateurs ont toutefois salué d’autres aspects de la refonte de la gestion de la pêche à Madagascar en 2021.
  • C’est le cas par exemple de la création d’un ministère de la Pêche et de l’Économie bleue, de la nomination à sa tête d’un scientifique issu de la société civile et de l’adhésion de l’État à la FiTI, une initiative internationale pour la transparence de la pêche.

Cet article est le dernier d’une série en trois parties sur la pêche industrielle dans les eaux malgaches. La première partie s’est concentrée sur la pêche hauturière et la deuxième partie a abordé la création d’une zone de pêche exclusive destinée aux pêcheurs artisanaux.

Le début de l’année 2021 a été étonnamment calme : en mars et avril, période qui correspond habituellement au pic de la saison de la pêche à la crevette à Madagascar, les chalutiers sont restés à quai. Pour la première fois depuis des décennies, le gouvernement faisait bouger les choses. L’appel d’offres pour le droit de chalutage des crevettes et autres fruits de mer dans les eaux côtières a été rouvert. En apparence, toutes les entreprises qui se disputaient les droits de pêche étaient malgaches, mais la plupart avaient en fait des sociétés mères étrangères.

Le processus d’appel d’offres a soulevé un certain nombre de préoccupations parmi les défenseurs de l’environnement et les membres de la société civile. Il a mis fin à un système de gestion considéré comme modérément efficace, et il n’était ni transparent ni inclusif pour les pêcheurs artisanaux. Les résultats n’avaient pas été annoncés publiquement et leur parution a eu pour effet de renforcer l’inquiétude. En effet, deux entreprises à capitaux chinois ont remporté près de la moitié des droits de pêche. En outre, l’une d’entre elles a fait venir des navires qui avaient été arrêtés en 2020 pour avoir pêché illégalement dans les eaux d’Afrique de l’Ouest.

Les membres de la société civile ont déclaré qu’ils ne s’opposent pas aux opérations chinoises à Madagascar en elles-mêmes. Ce qui les inquiète vraiment, c’est que le rapprochement avec la Chine, qui se voit aussi dans les zones de pêche au large, indique un potentiel manque d’engagement en matière de durabilité et de transparence de la part de l’État malgache. Les flottes chinoises de pêche lointaine sont connues pour leur tendance à la pêche illégale et non durable, souvent rendue possible par d’importantes subventions gouvernementales.

Le nouveau système de gestion intervient au milieu d’une vague d’autres changements dans le secteur de la pêche à Madagascar, dont certains ont été applaudis par les défenseurs de l’environnement. C’est le cas par exemple de la nomination d’un membre éminent de la société civile au poste de ministre de la Pêche. Selon Ketakandriana Rafitoson, directrice générale de Transparency International Initiative Madagascar, c’est une période aux enjeux particulièrement élevés pour le pays. En effet, la possibilité de rendre le secteur de la pêche plus équitable, durable et transparent est plus que jamais à portée de main, mais il n’y a aucune garantie que ce changement pourra s’opérer.

Le chalutier Cap-Saint Augustin pêchant au large de Nosy Faly. Photographie par Mongabay.

Changement en cours

En avril de l’année dernière, le gouvernement a lancé un appel d’offres pour l’obtention de permis de pêche côtière sur cinq ans, chacun autorisant à un navire de pêcher jusqu’à 90 tonnes métriques de crevettes par an dans un périmètre défini. Il s’agissait du premier changement majeur impulsé par l’État depuis 2000, lorsqu’il avait délivré des droits de pêche sur 20 ans.

Une action qui a provoqué l’inquiétude des défenseurs de l’environnement, qui trouvaient que le système précédent, basé sur le modèle australien, incitait les entreprises de chalutage à mieux gérer leurs zones de pêche respectives. Bien que l’organisation ait été technocratique et que les pêcheurs artisanaux n’aient pas eu voix au chapitre, les défenseurs de l’environnement considèrent qu’elle était quelque peu efficace. Par exemple, l’industrie adaptait son activité à son nombre de prises, réduisant la première proportionnellement au second. Les années précédentes, seule une quarantaine de navires industriels opérait dans les eaux côtières malgaches, contre environ 75 il y a vingt ans (100 en comptant les chalutiers semi-industriels, qui n’opèrent plus). Par conséquent, les captures des navires industriels par unité d’effort se sont stabilisées, ce qui indique que les populations des espèces cibles se sont également équilibrées, bien qu’à un faible niveau. Dans un courriel adressé à Mongabay, Éric Douhéret, directeur général du groupe Réfrigépêche Madagascar, une société de chalutage française établie de longue date sur l’île, a qualifié le système de gestion des 20 dernières années d’« exemplaire et vertueux ».

De plus, en 2021, le gouvernement a mis aux enchères 50 droits de pêche, contre une quarantaine auparavant, ce qui ouvre la voie à une intensification de l’effort de pêche industrielle et à une pression accrue sur les écosystèmes et les stocks de poissons. Cependant, les 50 droits n’ont pas toutes été utilisées cette année, et la saison a commencé tard, de sorte que toute augmentation de l’effort ne s’est pas encore matérialisée.

D’après ce que les membres de la société civile ont rapporté à Mongabay, le gouvernement n’a pas mené le processus d’appel d’offres de manière transparente et inclusive. Guénolé Ravelomahafaly, responsable de la communication de Mihari, un réseau de groupes de pêcheurs artisanaux et d’ONG de soutien, a déclaré à Mongabay qu’il avait été « très surpris » d’en apprendre l’existence dans le journal. Deux autres groupes ont appelé à des réformes. Entre autres, ils demandaient à ce que les fonctionnaires publient une liste des critères qu’ils utiliseraient pour sélectionner les entreprises. Une mesure que les autorités n’ont pas adoptée immédiatement.

Un document d’« appel à propositions » directement diffusé aux compagnies par le gouvernement en parallèle de l’appel d’offres public a également suscité l’inquiétude des membres de la société civile lorsqu’il leur est parvenu. Il indiquait en effet que le paiement des droits de pêche pouvait se faire en espèces, une pratique qui facilite la corruption, car les transactions ainsi effectuées sont plus difficiles à retracer.

Des pêcheurs artisanaux ont installé un filet près du rivage sur Nosy Faly alors qu’un chalutier industriel pêche plus loin au large. Photographie par Mongabay.

Un nouveau gros poisson ?

La vente des droits de pêche a précipité un remaniement partiel du casting des entreprises qui pêchent dans les eaux côtières malgaches. Pendant des décennies, le secteur a été dominé par le Groupement des aquaculteurs et des pêcheurs de crevettes à Madagascar (GAPCM), un groupe industriel composé d’une poignée de compagnies de chalutage enregistrées à Madagascar, mais dont les capitaux proviennent de l’étranger. Certaines d’entre elles chalutent les côtes de Madagascar depuis un demi-siècle. C’est le cas par exemple de Pêcheries de Nossi Be, une entreprise appartenant à Unima, dont les propriétaires ont fait l’objet d’une enquête dans le cadre des Panama Papers. De nombreuses sociétés du GAPCM, la vieille garde, ont remporté de nouveaux contrats lors de la vente en avril 2021 et ont recommencé à pêcher le 10 mai, après avoir manqué la pêche de mars et d’avril.

Il y avait toutefois un nouveau venu, qui a obtenu huit droits de pêche : Mada Fishery, une société liée à la Chine. Elle possède désormais des droits de pêche le long des côtes centre-ouest et sud-ouest jusqu’en 2025. Ses bateaux n’ont pas pêché en 2021, mais le chalutage pourrait bien débuter à l’ouverture de la saison en mars.

Trois des huit navires (Gorde 105, Gorde 106 et Gorde 107) ont un passé récent assez troublant. Ils ont en effet été arrêtés en novembre 2020 par les autorités gambiennes pour avoir pêché illégalement dans une zone restreinte, réservée aux pêcheurs artisanaux. Deux d’entre eux avaient « doublé » leurs filets afin de réduire la taille des mailles, ce qui constitue une violation des réglementations gambiennes.

Le trajet des huit navires vers Madagascar a également fait l’objet d’un examen minutieux. Les autorités des Seychelles les ont détenus pendant plusieurs jours en mai pour possession de documents suspects après qu’ils ont jeté l’ancre dans les eaux du pays sans autorisation. Selon un rapport de presse, quatre d’entre eux ne présentaient pas d’identification conforme. Une fois relâchés, les bateaux se sont rendus à Toamasina, une ville portuaire à l’est de Madagascar, où ils sont restés à quai pendant la majeure partie de l’année.

Un chalutier pêchant au large de Nosy Faly, au nord-ouest de Madagascar. Photographie par Mongabay.

Il est difficile de déterminer qui dirige et tire profit de Mada Fishery. La structure de propriété de la société est en effet moins transparente encore que celle des GAPCM, ce qui introduit un nouveau niveau d’opacité dans le secteur. D’après un registre d’immatriculation local, Mada Fishery est une entreprise fondée à Toamasina en janvier 2021 avec un capital initial d’environ 50 000 $. Le registre ne fournissait malheureusement pas de coordonnées et le ministère de la Pêche a refusé de partager la moindre information sur la firme avec Mongabay.

Les huit navires de Mada Fishery ont tous été récemment déclarés auprès de sociétés et de ports chinois. Des données obtenues par Mongabay indiquent également que quatre navires Gorde, dont les trois mentionnés ci-dessus, ont été enregistrés au port de Shidao, dans le nord-est de la Chine.

Les documents de la société spécifient que les quatre autres bateaux armés par Mada Fishery, Lu Qing Xin Yuang Yu 005 à 008, appartiennent en fait à Qingdao Kaihang Fisheries Co Ltd. (QKF), une société basée à Qingdao, dans la province du Shandong, en Chine. Ces informations nous sont parvenues grâce à C4ADS, une organisation à but non lucratif établie à Washington qui est notamment à l’origine de la plateforme Triton, dédiée à la transparence des pêches. Toujours selon la trace documentaire suivie par C4ADS, QKF est elle-même détenue à 100 % par Changhaï County Kaijun Aquatic Products Co., Ltd., une société basée à Dalian. QKF n’a pas souhaité émettre de commentaires et a refusé de confirmer si elle est bien propriétaire de Mada Fishery ou de ses huit navires.

En fin de compte, la relation entre QKF et Mada Fishery reste floue, reproduisant un modèle courant dans le secteur mondial de la pêche industrielle : des réseaux complexes lient les entreprises entre elles et brouillent les pistes quant à l’identité de leurs propriétaires finaux. Les autorités et les observateurs éprouvent alors des difficultés à tenir quiconque pour responsable en cas de mauvais comportement.

Effort de pêche apparent de navires industriels appartenant à plusieurs entreprises, dans une zone entre le cap Saint-André et la ville de Mahajanga, dans le nord-ouest de Madagascar, entre le 1er juillet et le 1er décembre 2021. La majeure partie de l’activité enregistrée dans la zone restreinte de 2 nautiques visible sur la carte est le fait de Zova 4 et Zova 5, des bateaux rattachés à Somapeche, une société chinoise basée à Madagascar. Selon une analyse Global Fishing Watch, quatre autres navires de Somapeche ont également pêché à proximité du rivage dans cette zone. Leurs efforts de pêche ne sont toutefois pas visibles sur la carte, car ils ont transmis de fausses positions au moyen de leur système d’identification automatique (AIS), une pratique qui peut être involontaire ou intentionnelle qualifiée d’« AIS menteur ». La ligne rouge est la démarcation non officielle de la limite de 2 nautiques, telle qu’estimée par GFW à l’aide des données Open Street Map. Aucune délimitation officielle de la zone n’a été rendue publique par le gouvernement malgache. Carte reproduite avec l’autorisation de GFW.

 

Itinéraires de deux chalutiers industriels, Jonobe 2 (en bleu) et Menabe 8 (en violet), dans une zone au nord-est de la ville de Mahajanga entre le 1er juillet et le 1er décembre 2021. Une analyse GFW a corrigé les positions en prenant en compte les fausses informations de l’AIS « menteur » et a identifié un effort de pêche apparent à 2 nautiques ou moins du littoral. Il est donc possible que les deux navires aient enfreint la réglementation visant à protéger les intérêts des pêcheurs artisanaux. Somapeche, une société chinoise basée à Madagascar, possède et arme les deux navires, ainsi que d’autres qui ont pêché près du rivage le long d’autres segments de la côte. La ligne rouge est la démarcation non officielle de la limite de 2 nautiques, telle qu’estimée par GFW à l’aide des données Open Street Map. Aucune délimitation officielle de la zone n’a été rendue publique par le gouvernement malgache. Cliquez sur la carte pour visiter l’outil interactif sur le site web de GFW. Carte reproduite avec l’autorisation de GFW.

Une autre société chinoise à l’historique douteux

Les bateaux chinois chalutaient les eaux malgaches depuis plus de dix ans, bien longtemps avant l’entrée en scène de Mada Fishery donc. Depuis 2009, la China National Fisheries Company Overseas Fishing Co., une entreprise publique chinoise, est actionnaire majoritaire de Somapeche, membre du GAPCM. Somapeche a remporté 14 droits de pêche de pêche au cours du processus d’appel d’offres de l’an dernier, soit plus que les autres sociétés rattachées au groupe Réfrigépêche Madagascar.

D’après les données de Global Fishing Watch, une plateforme à but non lucratif qui suit les navires dans le monde, au cours des mois précédents, les bateaux de Somapeche ont régulièrement pêché à moins de 2 nautiques (3,7 km) de la côte ouest de Madagascar. Ce qui constitue une violation évidente d’une nouvelle réglementation visant à créer une zone de pêche réservée aux pêcheurs artisanaux. Selon les données, au moins huit bâtiments de Somapeche auraient enfreint la règle, soit plus que toute autre entreprise de chalutage. La plupart d’entre eux ont également fourni des positions erronées au travers de leur système d’identification automatique (AIS), donnant l’impression qu’ils se trouvent plus au sud, près de l’Antarctique. Cette pratique, connue sous le nom d’« AIS menteur », peut être involontaire, mais les bateaux l’utilisent souvent pour masquer des activités de pêche illégale.

Deux salariés malgaches de Somapeche ont rapporté à Mongabay que les conditions de travail de l’entreprise étaient dures, avec des heures de travail extrêmement longues. En outre, la rémunération, qui dépend en partie de la quantité de prises, n’était pas proportionnelle : généralement 500 000 ariarys (environ 112 €) par mois, même si elle peut parfois atteindre le double.

« Le salaire que nous recevons n’est pas en adéquation avec le fait que nous travaillons 24 heures sur 24 ou avec les captures que nous faisons », a expliqué l’un des employés à Mongabay, précisant que son salaire n’avait pas augmenté depuis 2015 et qu’il avait du mal à payer les frais de scolarité de ses enfants. « Notre salaire n’est pas suffisant pour vivre… J’ai l’impression de travailler pour rien », a-t-il ajouté.

Selon un rapport de crédit, Somapeche, qui emploie 1 200 personnes et est basée dans la ville de Mahajanga, exporte des crevettes vers l’Europe de l’Ouest et d’autres marchés à revenu élevé sous la marque « Fresh Frozen Shrimp, Product of Madagascar ».

China National Fisheries Company Overseas Fishing Co. possède plus de 75 % de Somapeche et est elle-même détenue à 100 % par China National Agricultural Development Group Corporation (CNADC), une entreprise publique basée à Beijing. Somapeche et la China National Fisheries Company Overseas Fishing Co. n’ont pas répondu aux sollicitations concernant les faits présentés dans cet article.

Un chalutier industriel de la société Réfrigépêche Ouest pêche dans le détroit entre Nosy Faly et Nosy Be. Photographie par Mongabay.

Un peu d’aide de la part de deux gouvernements

Avec moins de prises par unité d’effort qu’au cours des décennies passées, le chalutage dans les eaux malgaches n’est plus la manne commerciale qu’il était. Certaines entreprises ont même orienté leurs ressources vers l’élevage de crevettes. Mais alors, qu’est-ce qui maintient les chalutiers à flot ? La réponse n’est pas facile à trouver, considérant que les registres financiers des sociétés malgaches ne sont pas publics. Il existe cependant des preuves indiquant que les aides du gouvernement améliorent les résultats du chalutage.

Le carburant fait partie des coûts majeurs des compagnies de pêche industrielle, et son prix a un impact sur leur activité. Un fait d’autant plus vrai pour les chalutiers, puisque remorquer les équipements nécessite plus d’énergie. Tous les pays du monde financent le carburant des entreprises du secteur pêche, et Madagascar ne fait pas exception. Selon un représentant de l’Observatoire économique de la Pêche interrogé par Mongabay, les chalutiers autorisés à pêcher dans les eaux malgaches ne paient que le coût du carburant utilisé au large. D’autre part, ils ne sont pas soumis aux taxes et redevances sur le carburant. D’après le site internet du régulateur pétrolier de Madagascar et un rapport de la Banque mondiale de 2019, ces taxes et redevances représentent environ un quart du prix du diesel à la pompe.

En outre, le gouvernement malgache n’est pas le seul à apporter son aide : Somapeche a également reçu des subventions de l’État chinois. Un rapport d’évaluation des actifs de l’entreprise de 2014 montre qu’à l’époque, Somapeche touchait des primes à l’essence et était aussi supposée percevoir plus de 2,5 millions de dollars par an entre 2014 et 2020. Il n’est toutefois pas certain que les projections se sont réalisées, car la Chine a rendu ses aides moins transparentes depuis 2014. Selon de nouvelles informations d’Oceana, une ONG de protection des océans basée à Washington, la Chine n’assure plus le suivi public des subventions au carburant octroyées aux flottes de pêche lointaine.

De même, on ne sait pas si Somapeche reçoit actuellement des subventions de l’État chinois. En revanche, il est certain que sa société mère, China National Fisheries Corporation Overseas Fishery Co., perçoit des subventions conséquentes. Au niveau international, les pays ont établi un accord visant à mettre fin aux subventions de pêche « nuisibles » sous la supervision de l’Organisation mondiale du commerce, mais les progrès ont été lents. La Chine est en tête de liste des pays qui financent le plus la pêche dans le monde.

« Ces subventions donnent aux navires chinois un avantage injuste sur les pêcheurs artisanaux », a déclaré Tess Geers, directrice de recherche senior chez Oceana, dans un courriel adressé à Mongabay. Elle explique également que sans l’aide du gouvernement, une grande partie de la pêche industrielle ne serait pas rentable. « Les subventions peuvent entraîner une surexploitation, car elles masquent la baisse de rentabilité. »

Diagramme en barres montrant les aides accordées au secteur de la pêche par les cinq pays qui subventionnent le plus et l’UE. Les aides destinées à « accroître la capacité » sont généralement considérées comme néfastes, car elles provoquent souvent une surpêche. Image reproduite avec l’autorisation de U. Rashid Sumaila (Sumaila et al. 2019).

Un espoir retrouvé

2021 a été une année mitigée pour les observateurs de la société civile du domaine de la pêche à Madagascar. S’ils ont critiqué certaines mesures gouvernementales, ils en ont loué d’autres.

Le gouvernement a notamment créé la zone d’accès exclusif pour les pêcheurs artisanaux. Bien que le respect de la règle semble sporadique, les experts considèrent qu’il s’agit d’un élément substantiel de la réglementation. Le réseau des pêcheurs de Mihari a salué le décret dans un communiqué de presse, et G. Ravelomahafaly, le responsable de la communication du groupe, a affirmé à Mongabay que c’était un grand pas en avant.

« Je pense que le gouvernement a fait cela parce qu’il est plus conscient de l’importance des populations locales », a-t-il déclaré, en faisant référence aux pêcheurs artisanaux. À noter que Mihari plaide pour la création d’une telle zone depuis des années.

G. Ravelomahafaly et divers membres de la société civile se sont également réjouis d’un autre changement récent dans l’organisation de l’Administration. En août, le gouvernement a remanié le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, qui s’occupait des questions de pêche depuis deux ans et demi, pour constituer une institution spécialisée : le ministère de la Pêche et de l’Économie bleue. En outre, le gouvernement a nommé Paubert Mahatante, chercheur et responsable de la plateforme régionale des acteurs non étatiques d’Afrique australe dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture (SANSAFA), un groupe de la société civile, à la tête du nouveau ministère. Une décision d’autant plus marquante qu’il est rare qu’un membre de la société civile obtienne un siège au sein du cabinet malgache.

Paubert T. Mahatante, scientifique et responsable de SANSAFA. Photographie reproduite depuis Twitter.

Peu de temps après l’entrée en fonction de P. Mahatante, Madagascar a rejoint la FiTI, une initiative mondiale pour la transparence des pêches, suscitant les éloges des ONG de protection de l’environnement. Si Madagascar achève le processus, le gouvernement devra rendre ses accords de pêche accessibles au public, une démarche réclamée de longue date par les groupes de la société civile, qui ont critiqué l’opacité du secteur.

Le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche n’a pas répondu aux sollicitations de Mongabay concernant l’appel d’offres pour les droits de pêche en 2021. P. Mahatante, l’actuel ministre de la Pêche, a pour sa part décliné tout commentaire sur les décisions de son prédécesseur. Il a également refusé d’apporter tout éclaircissement sur les plans visant à divulguer les accords de pêche. Il s’est contenté de déclarer que le gouvernement s’était engagé à améliorer la gestion de la pêche et qu’il suivrait le processus de la FiTI.

 
Photographie de bannière : De jeunes pêcheurs posent un filet près du rivage sur Nosy Faly alors qu’un chalutier industriel pêche plus au large. Photographie par Mongabay.

Sheryl Lee Tian Tong, rédactrice de Mongabay basée à Singapour, a participé à l’écriture de cet article.

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/12/changes-to-madagascars-trawling-sector-raise-questions-and-hopes/

Correction 22/03/22 : Une version antérieure de cet article utilisait le terme « licence » comme désignant les droits d’exploitation, ou droits de pêche, octroyés par le gouvernement pour une période de cinq ans. Madagascar applique toutefois une distinction : la délivrance d’une licence de pêche est une partie du processus réglementaire dont le rôle est de rendre les droits d’exploitation pleinement applicables. Elle doit par ailleurs être renouvelée chaque année. Nous avons mis l’article à jour afin de rectifier cette erreur.

Mise à jour 22/03/22 : En mai 2021, à la suite d’un appel d’offres au cours duquel les entreprises se disputaient les places disponibles, Mada Fishery a obtenu des droits d’exploitation pour une période de cinq ans pour huit de ses navires. Toutefois, avec la mise en place d’un nouveau ministère, le gouvernement malgache n’a pas délivré de licences pour la saison de pêche 2022. Sur les 47 droits d’exploitation qui avaient été accordés, seules 39 licences ont été délivrées, toutes attribuées à d’autres entreprises, ainsi que le confirme un communiqué du ministère de la Pêche et de l’Économie bleue en date du 12 mars.

Quitter la version mobile