Nouvelles de l'environnement

Le parcours et les rêves de Dignité Bwiza, protectrice de l’environnement

Maitre Dignité Bwiza, avocate de la cause environnementale en RDC

Maitre Dignité Bwiza, avocate de la cause environnementale en RDC

  • Me Dignité Bwiza exerce au barreau de l’Ituri et de la Tshopo, provinces de la République démocratique du Congo. Elle dirige Heshimia Mazingira, premier bureau d’études d’impact environnemental et social de la RDC. Heshimia Mazingira a vu le jour en février 2019 et est présent dans quatre régions de la RDC.
  • Me Bwiza exerce aussi à l’étranger à titre d’avocate membre du barreau de Bruxelles et de coordonnatrice pour l’Afrique au Barreau pénal international. Elle est aussi inscrite sur la liste des conseillers de la Cour pénale internationale.
  • L’un des grands rêves de Me Bwiza est de « traduire les termes techniques et complexes de la protection de l’environnement en français, lingala, kikongo et swahili simple pour que tout Congolais puisse participer à la protection de l’environnement chaque jour ».

Le combat pour l’environnement consiste à faire de la protection de l’environnement « l’affaire de tous » grâce à la traduction des termes environnementaux spécialisés en mots simples, selon Me Bwiza. Ayant remarqué la difficulté d’accéder à la justice chez un grand nombre de Congolais, notamment en ce qui concerne les crimes liés à l’environnement, MBwiza a rendu les lois faciles à comprendre. C’est ainsi qu’un dictionnaire des termes juridiques et environnementaux a été écrit et publié.

La République démocratique du Congo, où elle vit, est riche sur le plan de la biodiversité. Elle y a mis sur pied une association, Heshimia Mazingira qui, en swahili, signifie « respecte l’environnement ». Il s’agit d’un bureau d’études d’impact environnemental et social, selon ses termes.

 Une femme aux qualités exceptionnelles

MBwiza fait plusieurs choses. Son occupation principale est aujourd’hui uniquement liée au droit de l’environnement en RDC, plus particulièrement au droit des affaires. Elle exerce dans ce pays qui couvre plus de 60 % du bassin du Congo.

Auparavant, MBwiza a travaillé en droit pénal international et humanitaire. Elle a ainsi presté à la Cour pénale internationale en tant qu’avocate de la défense. Son ambition intellectuelle l’a aussi amenée à enseigner le droit pénal international à l’université de Tarragone, en Espagne, à représenter le Barreau pénal international comme point focal Afrique et à pratiquer nombre d’autres activités à caractère scientifique.         

Les plantes comme point de départ

À la question de savoir à quel moment elle s’est sentie happée par l’environnement jusqu’à vouloir fonder un organisme qui en prend la défense, elle raconte qu’il n’y a pas eu de moment précis.

« Il n’y a pas eu de moment clé où elle je me suis dit (…) voilà, je vais faire de l’environnement mon combat (…). C’est quelque chose qui a grandi avec le temps. Pour autant que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par la nature et la verdure, (c’est) sans doute hérité de ma mère qui aimait le jardinage.

Il y avait des plantes partout dans la maison, se rappelle-t-elle, et ma mère tenait à ce qu’on respecte ses plantes, qu’on les arrose et qu’on les mette au soleil. Je n’ai jamais voulu définir ou donner un nom spécifique à cet attrait (…) ».

En 2005, une association est née

La première action concrète de MBwiza en matière de protection de l’environnement a eu lieu en 2005.

Alors étudiante, elle crée avec des amis une association pour la protection de l’environnement dans la région des Grands Lacs. Les intérêts de cet organisme étaient centrés sur les droits de la femme et la protection de l’environnement.

L’existence de cette association, comme la rosée, a cependant été courte. L’entreprise a pris fin à la fin des études de l’avocate. Chacun a poursuivi son chemin et MBwiza a même quitté son pays pour aller travailler à la Cour pénale internationale.

De retour en République démocratique du Congo en 2019, elle prend la résolution de consacrer 80 % de ses activités professionnelles au droit de l’environnement.

Une colère positive contre certaines entreprises

De retour en RDC en 2019, elle raconte à quel point elle a trouvé que les terres et forêts de ses aïeux étaient malmenées.

« À l’aide d’analyses préliminaires, j’ai constaté que plusieurs entreprises opérationnelles en RDC ne respectaient pas les exigences environnementales imposées par le Congo », explique-t-elle.

Non seulement l’expertise et les services-conseils faisaient défaut, mais certaines autorités administratives congolaises n’effectuaient pas le suivi technique nécessaire.

« J’ai donc décidé de répondre à ces deux besoins en offrant une expertise technique dans le secteur de l’environnement grâce à un bureau d’études spécialisé en évaluations environnementales. » C’est ainsi que l’organisme est né.

 Objectifs de l’organisme

Heshimia Mazingira entend apporter un appui technique environnemental aux projets exécutés en RDC. Ainsi, lorsqu’une entreprise, une ONG (nationale ou internationale) ou une agence de l’État congolais prévoit d’exécuter un projet qui figure sur la liste des « installations classées patrimoines de l’UNESCO », elle doit consulter un bureau d’études environnementales (comme Heshimia Mazingira, ndlr) pour obtenir une étude environnementale. Il s’agit d’études qui évaluent l’impact des projets sur l’environnement et qui proposent des mesures pour le réduire. Elles servent notamment à éviter les problèmes causés par l’exploitation anarchique des forêts et des mines.

Depuis sa création, Heshimia Mazingira a implanté cinq bureaux en Ituri, à Lubumbashi, à Goma ainsi qu’à Kolwezi, en RDC. En plus de ses activités, l’organisme s’est assigné un objectif social : rendre accessibles les informations liées à la protection de l’environnement à toutes les couches sociales congolaises.

L’équipe a donc traduit les termes environnementaux spécialisés en termes faciles à comprendre et à utiliser.

« À ce jour, nous avons mené plusieurs activités sociales que nous avons-nous-mêmes financées partout où nous avons un bureau. Par exemple, en Ituri, nous avons formé des jeunes de la rue à la transformation de pneus usés en chaussures. Les jeunes vendent ces chaussures. À Lubumbashi nous avons enseigné à de jeunes universitaires à créer des pépinières qui leur assurent maintenant un revenu. À Goma, nous formons des jeunes sur le droit international et nous les encadrons. Ces jeunes appartiennent à des associations environnementales. »

« Heshimia Mazingira souhaite traduire les termes spécialisés et complexes de la protection de l’environnement en français, lingala, kikongo, swahili pour que tous les Congolais puissent participer à la protection de l’environnement au quotidien », conclut l’avocate et activiste.

Ce qui se fait sans eux se fait contre eux

MBwiza trouve que dans chaque chose qui se fait, en ce qui concerne les forêts, usines, exploitations et autres, une communauté à la base devrait être associée.

« Je pense que les échecs que nous connaissons dans le secteur de la protection de l’environnement en RDC sont dus au fait que les solutions environnementales proposées à ce jour sont formulées par des scientifiques, des politiques et des théoriciens. Elles excluent l’avis et l’expertise des Congolais des territoires reculés victimes de braconnage et d’exploitation forestière inadéquate », insiste-t-elle.

La protection de l’environnement revêtira une forme concrète lorsqu’elle cessera d’être un combat et un sujet que s’approprient les intellectuels et lorsqu’elle intéressera les agriculteurs congolais, selon elle.

 

Photo de Dignité Bwiza, prise par Cédric Yumba/Heshimia Mazingira

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