Nouvelles de l'environnement

Alors que les populations augmentent, comment les villes affrontent-elles leur besoin croissant en eau ?

  • Les villes du monde entier connaissent une expansion rapide qui risque d’entrer en collision avec les effets du changement climatique, ce qui pose des défis sans précédents aux autorités municipales et gouvernementales, alors qu’elles s’efforcent de continuer de fournir aux habitants un accès à une eau potable et suffisante.
  • De plus en plus d’appels sont lancés pour reconcevoir la façon dont nous aménageons et dont nous nous servons des bassins hydrauliques urbains. La planification de l’approvisionnement en eau, de son transport, de son utilisation et de sa réutilisation sont un élément clé de ce processus. L’une de ces approches est la conception urbaine sensible à l’eau (WSUD). Elle consiste à repenser entièrement le rôle et l’utilisation de l’eau dans les zones urbaines.
  • La WSUD inclut le cycle de l’eau et prend en compte l’ensemble du bassin hydraulique où se trouvent les villes. Elle utilise des infrastructures vertes telles que les chaussées perméables, les toits verts et les jardins de pluie qui réduisent les pertes en eaux pluviales. Une conception consciente permet de recycler l’eau à plusieurs reprises à des fins diverses et de diminuer les déchets.
  • Certaines villes sont déjà en train de modifier leur mode de développement afin d'être plus résilientes aux extrêmes climatiques à venir, avec à leur tête, Singapour et Le Cap. Le futur stress hydrique peut être surmonté, mais il faut commencer à travailler dès maintenant avant que les catastrophes climatiques, notamment les méga-sécheresses et les inondations, ne se produisent.

“Apocalyptique”. C’est ainsi que Charlene Pepler décrit le quotidien au Cap, en Afrique du Sud, lorsqu’en 2018 la métropole se dirigeait vers le Jour Zéro.
Après une sécheresse record, la ville de plus de 4 millions d’habitants était sur le point de couper les robinets : Le Jour Zéro désignait ce moment où les barrages fournissant l’eau de la cité devaient descendre à moins de 13,5 % de leur capacité, ce qui aurait forcé l’arrêt de l’approvisionnement municipal.

“Des vidéos circulaient, nous montrant comment nous devions faire la queue pour obtenir de l’eau dans des endroits surveillés par des militaires armés de fusils. C’était effrayant”, se souvient Pepler, une citoyenne du Cap qui travaille comme guide touristique et dont le gagne-pain consiste donc à mettre sa ville en valeur, afin d’attirer les touristes.

Grâce à la pluie et aux réductions volontaires de consommation d’eau, le Jour Zéro a été évité de justesse. Mais il a constitué un sinistre rappel des défis sans précédent auxquels sont confrontées les villes en expansion du monde, qui tentent de garantir une eau sûre et suffisante à leurs habitants, dans un contexte d’augmentation du chaos climatique et d’incertitude accrue quant aux précipitations.

À la suite d’une sécheresse record de trois ans, la ville du Cap s’est retrouvée, en 2018, à deux doigts de fermer les robinets à ses habitants, au moment de ce que l’on a appelé le Jour Zéro. Photo de Petro Kotzé.

Les énormes défis d’un avenir marqué par l’insécurité de l’eau

Bien que plus de la moitié des quelque 8 milliards d’habitants de la planète vit aujourd’hui dans des zones urbaines, ce sera le cas de 68 % d’entre eux d’ici 2050, ce qui signifie que les enseignements tirés de l’expérience du Cap et d’autres villes doivent être appliqués sans attendre, pour éviter les catastrophes.

Au cours des 20 dernières années, des progrès ont été réalisés pour améliorer les niveaux de vie et permettre à des milliards de personnes d’accéder à des services d’eau potable gérés en toute sécurité. Mais au cours de cette même période, le nombre d’habitants des villes ne disposant pas d’eau potable a encore augmenté de plus de 50 %. Pire encore : selon le rapport sur les progrès de développement durable réalisés en 2021, visant à garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous d’ici à 2030 (ODD 6), la production d’électricité et l’utilisation domestique seront les principaux moteurs d’une augmentation mondiale de 55 % de la demande en eau d’ici à 2050.

Au cours des prochaines décennies, le changement climatique entraînera des modifications inattendues de la répartition temporelle et spatiale des ressources en eau. Avec l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, la fréquence et l’intensité des catastrophes liées à l’eau, y compris les sécheresses et les inondations, devraient augmenter de manière significative, avec des impacts dans les pays développés et en développement.

La ville du Cap, en Afrique du Sud, telle qu’elle est aujourd’hui. Le monde s’urbanise à un rythme rapide et, selon les prévisions, 68 % de la population mondiale vivra dans des zones urbaines d’ici 2050. Dans le même temps, la demande en eau augmente, ce qui contribue à des défis complexes et sans précédent pour les villes. Photo de Petro Kotzé.

Ces effets se font déjà sentir. Le Brésil a été confronté cette année à la pire sécheresse qu’il ait connue depuis 91 ans, et dans certains États, la pluie s’est faite rare jusqu’en septembre. De vastes étendues de l’Ouest des États-Unis ont également connu cette année une sécheresse exceptionnellement grave —que certains ont qualifiée de “méga-sécheresse”— et une crise de l’eau poussée à l’extrême par le changement climatique.

En outre, les pratiques agricoles industrialisées et leur expansion, ainsi que les changements destructeurs dans l’utilisation des sols, allant de la déforestation à la pollution, vont largement perturber les écosystèmes, contribuant encore davantage à la baisse de la qualité et de la disponibilité de l’eau dans les villes.

La proportion de la population mondiale utilisant des services d’eau potable gérés de manière sûre en 2020, avec seulement 138 pays disposant de données suffisantes sur l’accessibilité, la disponibilité et la qualité de l’eau. Quelque 1,6 milliard de personnes a obtenu l’accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre depuis 2000, mais 2 milliards de personnes (26 % de la population) en sont toujours privées. Il est important de noter que le nombre d’habitants des villes n’ayant pas accès à l’eau potable a augmenté de plus de 50 % depuis 2000. Source : U.N.-Water Summary Progress Update 2021 – SDG 6.

La recherche de solutions pour les eaux urbaines

Dans le passé, les gouvernements qui tentaient de répondre à la demande croissante en eau des villes, agrandissaient généralement les infrastructures d’eau existantes. Mais aujourd’hui, dans de nombreuses zones urbanisées, les sources d’eau de surface et d’eau souterraine disponibles ont déjà été entièrement utilisées, voire épuisées.

Au lieu de chercher plus loin, ou de creuser plus profond, des appels de plus en plus forts sont lancés pour trouver des réponses durables dans les zones urbaines et leurs bassins hydrauliques, via de nouvelles stratégies de gestions.

“Nous sommes convaincus que c’est là que se trouvent les solutions”, déclare Kirsty Carden, directrice par intérim du Future Water Institute (FWI) de l’université du Cap. Cet institut de recherche transdisciplinaire s’intéresse aux problèmes de pénurie d’eau en Afrique du Sud et est l’une des rares organisations au monde à se concentrer sur la conception urbaine sensible à l’eau (WSUD). Cette approche, qui implique une ré-imagination complète du rôle et de l’utilisation de l’eau dans les zones urbaines, est déjà appliquée à des degrés divers dans des villes du monde entier avec des résultats prometteurs.

Les villes perturbent gravement le cycle de l’eau. Un exemple : avec l’augmentation des surfaces imperméables, y compris les bâtiments et les rues, les précipitations ne peuvent pas réapprovisionner les nappes phréatiques, mais s’écoulent rapidement ou constituent un risque d’inondation. Les débordements d’eau sont ainsi de plus en plus probables, car le changement climatique entraîne des phénomènes météorologiques extrêmes. Photo de Petro Kotzé.

Conception urbaine sensible à l’eau

La structure et la population d’une ville perturbent gravement le cycle de l’eau à l’échelle planétaire et régionale. La gestion de l’eau au niveau d’une mégapole est traditionnellement réalisée via une sorte de prouesse technique consistant à extraire une grande quantité d’eau des sources de surface et souterraines, à la traiter et à l’acheminer sur de longues distances pour l’utiliser, avant de la traiter à nouveau et de la rejeter.

Parallèlement, avec l’augmentation des surfaces imperméables en milieu urbain (routes, parkings et bâtiments), l’eau de pluie qui ne peut plus s’infiltrer dans le sous-sol constitue un risque d’inondation. En conséquence, les systèmes d’évacuation la transportent hors de la ville, souvent par le biais de déversoirs d’eau de pluie et d’égouts combinés (CSO), avec des polluants ramassés en chemin. Lors de leur construction, ces systèmes gigantesques mais vétustes tenaient rarement compte de la durabilité environnementale ou des impacts sur le bassin hydraulique de la ville, tant en amont où l’eau est stockée et extraite, qu’en aval où elle est rejetée.

La WSUD englobe en revanche le cycle de l’eau et y intègre les villes. Le concept, développé en Australie au début des années 90, concernait à l’origine les systèmes durables de drainage des eaux pluviales. En tant qu’alternative aux systèmes traditionnels d’évacuation des eaux pluviales, la WSUD s’appuie fortement sur des solutions de gestion respectueuses de la nature. Les toits verts, les jardins de pluie, les chaussées perméables et les bandes de végétation sont des exemples d’infrastructures “vertes” appliquées à proximité du lieu de production des eaux pluviales. À plus grande échelle, les zones humides artificielles et les bassins de rétention (de grandes dépressions de surface qui stockent les eaux de ruissellement) peuvent servir à diminuer le volume et la vitesse du ruissellement et à conduire l’eau pour qu’elle s’infiltre sous terre et recharge la nappe phréatique.

Une bioswale créée pour recueillir les eaux de ruissellement avant qu’elles ne se déversent dans la crique de Cerrito, en Californie. Image de TJ Gehling via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Les avantages de la WSUD vont bien au-delà de la gestion des eaux pluviales et des inondations. Moins de polluants sont transportés par le réseau d’eaux pluviales, ce qui améliore la qualité des zones aquatiques de loisirs, tandis que les plantes rafraîchissent les villes, améliorent la qualité de l’air, augmentent la biodiversité et créent des espaces de vie urbains agréables.

Et cela permet d’économiser de l’argent : la ville de Toronto, la région métropolitaine la plus peuplée du Canada, a adopté en 2009 un règlement sur les “toits verts” qui exigeait leur construction sur les nouveaux aménagements. Les réalisations du programme publiées en 2018 comprennent le détournement de 11 millions de litres d’eaux pluviales des égouts chaque année, ce qui permet à la ville d’économiser environ 100 000 dollars en gestion des eaux pluviales. En raison principalement d’un besoin réduit de climatisation, environ 1 000 mégawattheures par an d’économies d’énergie sont également réalisés, avec environ 220 tonnes métriques d’émissions de gaz à effet de serre évitées.

Au fil du temps, la WSUD s’est transformée en une vision globale qui concentre l’attention sur l’ensemble du cycle de l’eau en milieu urbain afin de créer une ville résiliente à l’impact d’événements chocs tels que les sécheresses et les inondations, tout en offrant des avantages durables à tous les résidents et à l’environnement.

Une conception consciente permet de recycler et de réutiliser l’eau à plusieurs reprises à des fins diverses, en fonction de sa qualité. Dans le cadre de la WSUD, on ne se débarrasse pas des eaux usées, des eaux grises et des eaux pluviales. Ce sont au contraire des ressources potentielles dans lesquelles on peut puiser, tout comme les eaux souterraines et l’eau de mer dessalée, en plus des options traditionnelles que sont les eaux de surface et les eaux souterraines.

L’un des aspects essentiels de la WSUD est la conservation de l’eau tout au long du parcours d’approvisionnement ; les ressources en eau doivent être protégées et l’eau doit être utilisée aussi efficacement que possible par tous les consommateurs.

La WSUD cherche également à créer une sécurité en eau non seulement dans la zone urbaine où elle est pratiquée, mais sur l’ensemble du bassin hydraulique sur lequel la ville repose. Une telle approche doit tenir compte d’autres utilisations de l’eau qui entrent en concurrence avec les besoins urbains, comme l’agriculture et l’industrie. En considérant et en intégrant tous ces aspects, on réduit la menace de pénurie due à la tension du système.

Conception urbaine sensible à l’eau (WSUD) mise en pratique à Singapour. Image de trevor.patt via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Notre avenir en matière d’eau: Singapour met en pratique la WSUD

L’évolution des zones urbaines résilientes en matière d’eau est passée par différents états, en commençant par le développement historique de systèmes d’approvisionnement en eau propres et suffisantes, ainsi que de systèmes d’égouts et de drainage. Les étapes suivantes ont inclus des considérations relatives à la santé environnementale et aux menaces pour la sécurité de l’approvisionnement en eau.

Plus tard, les services publics urbains ont commencé à exploiter des sources en eau non traditionnelles telles que les eaux usées et les eaux pluviales.

Dans une ville dite “sensible à l’eau”, celle-ci est intégrée comme un élément essentiel de la planification urbaine et l’infrastructure devient adaptative et multifonctionnelle. Les communautés s’associent aux services publics pour fournir les services d’eau, tandis que la gouvernance soutient la responsabilité et la collaboration.

Pourtant, la WSUD n’est pas une solution universelle. En fonction du climat, de l’eau, du statut de développement, etc, la situation de chaque ville est différente, mais ce qui est important, c’est qu’il existe des exemples de WSUD qui fonctionnent, démontrant que les choses peuvent être faites différemment et bien, et ouvrant la voie à un avenir prometteur. Singapour est peut-être le cas le plus connu.

Identifiée par le World Resources Institute en 2015 comme l’un des 33 pays sur 167 les plus susceptibles d’être confrontés à un stress hydrique extrême, la sécurité future de Singapour repose sur une série de solutions conformes aux principes de la résilience à l’eau.

Singapour maximise le rendement de l’eau et est l’une des rares nations sur Terre à récolter de manière substantielle les eaux pluviales urbaines pour les rendre potables. Image par achresis khora via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

La ville-état insulaire souveraine maximise déjà le rendement de l’eau et est l’une des rares nations de la planète à récolter de manière substantielle les eaux pluviales urbaines pour les rendre potables. Bien que l’eau soit encore importée de la Malaisie voisine, la sécurité de l’eau de Singapour dépendra à l’avenir de l’eau recyclée connue sous le nom de NEWater, produite à partir d’eaux usées traitées, y compris les eaux d’égout, et hautement purifiée grâce à des technologies de membrane avancées et à la désinfection aux ultraviolets. Singapour dépendra également de plus en plus du dessalement, avec un nombre d’usines déjà ouvertes depuis 2005. Dans ce système hydroélectrique global et prévoyant, les cours d’eau et les réservoirs servent également d’installations récréatives publiques, tandis que les habitants sont censés jouer un rôle essentiel en réduisant consciencieusement leur consommation quotidienne d’eau.

Mais Singapour est une nation riche, et atteindre la résilience en termes d’eau dans ce pays et ailleurs dans le monde développé est relativement facile par rapport aux défis rencontrés dans les pays en développement, explique Carden.

D’après les statistiques des Nations Unies, les pays en développement représentent 93 % de l’urbanisation mondiale, dont 40 % se produit dans le cadre d’une expansion souvent désordonnée des bidonvilles – 30 % des citadins d’aujourd’hui résident dans des quartiers extrêmement pauvres. Dans un pays comme l’Afrique du Sud, par exemple, de nombreux habitants n’ont même pas accès aux services de base. C’est pourquoi la référence au mot “urbain” dans WSUD a été supprimée pour ce pays, le terme de conception sensible à l’eau (WSD) étant préféré, pour la reconnaissance des établissements informels inclus dans les plans de développement. “Il s’agit ici de trouver un équilibre pour fournir un niveau de service similaire et maintenir les moyens de subsistance de tous les résidents”, dit Carden.

États de transition de la gestion des eaux urbaines pour la réalisation d’une ville sensible à l’eau. Image tirée de Urban Water Management in Cities : Historical, Current and Future Regimes (Brown R., Keath N. & Wong T., 2009).
L’influence de la conception sensible à l’eau sur le cycle de l’eau. Image reproduite avec l’autorisation de Kirsty Carden, Future Water Research Institute, adaptée de Hoban, A., & Wong, T., 2006. WSUD et résilience au changement climatique.

Notre avenir en matière d’eau : Les établissements résilients à l’eau, WSD d’Afrique du Sud

En Afrique du Sud, le concept de la WSD est relativement nouveau avec le premier cadre pour le pays, coécrit par Carden et publié en 2014. Cependant, en raison de l’augmentation rapide de la pression sur les ressources en eau, Carden affirme qu’il y a urgence à mettre en place les stratégies de la WSD dans les grandes zones métropolitaines. À la suite de la sécheresse à laquelle la région du Cap a été confrontée et au tristement célèbre Jour Zéro, la ville est devenue le fer de lance d’une planification ambitieuse de la WSD.

Le Cap a pour objectif de devenir une ville résiliente à l’eau d’ici 2030 et une ville sensible à l’eau d’ici 2040. La résilience se définit comme la capacité à résister et à continuer de prospérer dans le contexte d’un événement extrême, explique Gareth Morgan, directeur de la résilience de la ville du Cap. Dans ce scénario, la cité devrait être en mesure de résister à une sécheresse importante, les restrictions en eau n’ayant qu’un impact marginal sur la continuité des activités des entreprises et des ménages ; contrairement aux conséquences perceptibles du Jour Zéro, explique Morgan.

Dans le scénario 2040 d’une ville sensible à l’eau, Morgan indique qu’il y aura beaucoup plus d’intégrité dans le cycle de l’eau de la ville. Cela signifie que l’eau sera réutilisée dans une bien plus large mesure et que sa qualité sera suffisamment bonne pour les personnes et l’environnement lorsqu’elle sera utilisée à des fins récréatives ou par les écosystèmes.

Un cadre pour les établissements sensibles à l’eau en Afrique du Sud. Image de Water Sensitive Urban Design (WSUD) for South Africa : Framework and guidelines (Armitage, N., Fisher-Jeffes, L., et al., 2014).
En élaborant sa stratégie de l’eau, la ville du Cap s’est engagée à fournir un accès sûr à une eau potable à tous les résidents, en créant des normes bien définies. Photo de Petro Kotzé.

Dans la stratégie du Cap, la feuille de route menant à un avenir durable où il y aura suffisamment d’eau pour tous, malgré les chocs climatiques, la première priorité reste un accès sûr à l’eau et à l’assainissement pour tous les résidents, avec des normes minimales bien définies. Ensuite, la ville s’est engagée à promouvoir l’utilisation rationnelle de l’eau, ce qui inclut sa conservation et la réduction des pertes dans le système de transport ; une préoccupation essentielle.

À l’échelle mondiale, les pertes en eau, ou en eau non génératrice de revenus (ENR), constituent un sérieux problème. Les recherches montrent qu’environ 346 millions de mètres cubes d’eau sont perdus chaque jour dans le monde entier —soit par des fuites dans les systèmes de transport, soit par des connexions illégales- pour une valeur d’environ 39 milliards de dollars par an. Une réduction d’un tiers seulement de ces pertes permettrait d’économiser suffisamment d’eau pour fournir à 800 millions de personnes une quantité suffisante de 150 litres chacune par jour.

Le Cap a déjà considérablement réduit ses pertes en eau. Actuellement, 37 % en moyenne de toute l’eau fournie aux municipalités sud-africaines se perd, mais le chiffre de la ville du Cap est d’environ 16 %, soit moins de la moitié du taux national et le plus bas de toutes les zones métropolitaines sud-africaines.

Pour Robert McDonald, scientifique principal chargé des solutions fondées sur la nature au sein de l’ONG The Nature Conservancy (TNC), il est essentiel de veiller à ce que l’eau dont disposent déjà les villes soit utilisée de manière aussi efficace que possible, avant de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. McDonald étudie l’impact et les dépendances des villes sur le monde naturel.

Il note que la végétation, par exemple, est devenue un problème chronique dans les zones urbaines du monde entier, les plantes envahissantes étant assidûment éliminées du bassin hydraulique du Cap. Les recherches montrent qu’en investissant dans l’élimination de ces espèces végétales qui obstruent le système et en restaurant les principaux bassins hydrauliques de la ville, on obtient de l’eau à un coût inférieur par rapport à celui de la construction de nouveaux barrages, de l’installation d’usines de dessalement ou de forage de puits – ce qui prouve que la coopération avec la nature est non seulement intelligente, mais aussi économiquement bénéfique.

Le Jour Zéro du Cap en 2018 a été évité, et la ville est désormais à l’avant-garde d’un effort de planification pour devenir plus résistante à l’eau face aux futurs chocs climatiques. Image de Petro Kotzé.

L’approvisionnement en eau au Cap

A l’avenir, lorsqu’il faudra augmenter l’approvisionnement en eau dans le cadre du processus de planification urbaine à long terme, il faudra respecter les limites naturelles de l’approvisionnement du bassin hydrographique urbain, affirme McDonald.

Au Cap, les futures ressources en eau comprennent les aquifères sous-utilisés, la réutilisation de l’eau et le dessalement. Outre le recours à des ressources en eau diversifiées, la transition de la ville passe par une utilisation optimale des eaux pluviales et des voies d’eau urbaines à des fins de contrôle des inondations, de recharge des aquifères et de réutilisation de l’eau sur la base de principes écologiques solides.

L’avenir de la sécurité en eau au Cap dépend de tous les acteurs du secteur: des autorités locales et nationales aux ménages et entreprises, explique Morgan. Cela nécessitera une collaboration étroite entre toutes les parties prenantes, y compris les sphères gouvernementales urbaines et agricoles.

Malgré le travail jusqu’à présent accompli, Carden de la Future Water Institute, affirme ne pas s’attendre à un moment de transformation où soudain, la municipalité se proclamerait ville sensible à l’eau. Au lieu de cela, la transition sera progressive et se fera par le biais d’une combinaison d’initiatives menées par la ville et ses résidents, impliquant tout le monde dans des activités telles que le nettoyage des rivières et les efforts de conservation de l’eau.

“Les villes ont surmonté d’énormes défis liés à l’eau” dans le passé, déclare McDonald de de l’ONG The Nature Conservancy. “Lorsqu’elles ont le besoin économique de se développer, elles ont tendance à trouver de l’eau.” Cependant, il ajoute que cette croissance entraîne des coûts importants et que pour réussir, la volonté politique est indispensable.

Inondations dans une ville de Sicile, en Italie. Les experts affirment que la croissance d’une cité entraîne des coûts importants et que les villes devraient être planifiées en accordant la priorité à leurs nombreux défis en matière d’eau – des défis qui ne feront que croître avec l’aggravation du changement climatique. Image via PxHere (CC0).

À long terme, le stress hydrique peut être surmonté, assure McDonald. Mais les options deviendront beaucoup plus limitées et coûteuses à mesure que les parties prenantes attendent avant d’agir et que l’intensité et la fréquence des sécheresses extrêmes induites par le changement climatique augmentent. McDonald espère que les villes commenceront dès maintenant à planifier leur sécurité hydrique et à se préparer aux événements climatiques extrêmes, plutôt que d’attendre que la crise ne s’aggrave.

Le Cap en est un bon exemple. Les stratégies de conservation de l’eau qu’elle a commencé à mettre en œuvre avant la sécheresse ont largement contribué à éviter la catastrophe. Depuis 2018, la ville a mis en place de grandes mesures pour devenir plus résiliente aux crises. Et, selon Morgan, directeur de la résilience de la ville du Cap, les leçons apprises s’appliquent aussi bien à la sécheresse qu’aux inondations et aux incendies. “J’encouragerais de nombreuses autres villes à considérer l’eau sous une multitude d’angles et pas seulement comme un service technique”, dit-il.

Pour de nombreux habitants du Cap, l’expérience du Jour Zéro, évité de peu, a changé à jamais leurs perspectives concernant l’eau. “Toutes les choses que nous faisons maintenant au Cap, comme cultiver des jardins économes en eau et ne pas tirer la chasse après chaque pipi, peuvent être appliquées par d’autres villes”, conclut Pepler. “J’avais l’habitude de considérer l’eau comme acquise, ce ne sera plus jamais le cas”.

Dans certains pays, l’une des premières étapes pour devenir une ville résiliente consiste à fournir un accès égal à l’eau potable et à l’assainissement à tous les habitants. Image par Petro Kotzé.

Citations et sources

Armitage, N., Fisher-Jeffes, L., Carden, K., Winter, K., Naidoo, V., Spiegel, A., Mauck, B., & Coulson D., 2014. Water Sensitive Urban Design (WSUD) for South Africa: Framework and guidelines. WRC Report No. TT 588/14, Water Research Commission, Pretoria, South Africa. ISBN. 978-1-4312-0530-1).

Cape Town Resilience Strategy

Cape Town Water Resilience Profile

Our Water, Our Future published by PUB, Singapore’s National Water Agency, revised edition January 2018

Water Sensitive Urban Design in the UK – Ideas for built environment practitioners,  published by the Construction Industry Research and Information Association (CIRIA)

WWAP (United Nations World Water Assessment Programme). 2015. The United Nations World Water Development Report 2015: Water for a Sustainable World., Paris, UNESCO

Article original: https://news.mongabay.com/2021/08/as-population-grows-how-will-thirsty-cities-survive-their-drier-futures/

Quitter la version mobile