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Action judiciaire contre l’expansion d’une mine sud-africaine : l’espoir d’un nouveau précédent

  • En 2016, le ministre sud-africain de l’Énergie et des Mines accordait à l’une des plus grandes mines d’anthracite du pays le droit d’agrandir et de reloger 143 familles.
  • La décision était contestée par une organisation locale qui présenta une demande contre le ministre, le ministère des Ressources minières et de l’Énergie et la société minière entre autres parties.
  • En cas de victoire, cela créerait un précédent pour les communautés affectées par les activités minières dans tout le pays, étant donné que le gouvernement, les autorités traditionnelles et les syndicats apportent leur soutien à la mine.

Il y a cinq ans, l’une des plus grandes mines de charbon d’Afrique du Sud a été autorisée à s’agrandir davantage. En 2016, la mine Tendele a reçu des droits miniers sur 212 kilomètres carrés supplémentaires (82 milles carrés) dans la province du nord-est de KwaZulu-Natal. En 2018, les habitants ont contesté cette décision devant un tribunal et l’affaire a enfin été entendue cette semaine. Lorsqu’elle sera rendue, la décision pourrait également créer un précédent pour les communautés affectées par les activités minières dans tout le pays.

Au cœur du contentieux : une décision de 2016 du ministre des Ressources minières et de l’Énergie qui accorde à Tendele, une filiale de la société minière sud-africaine, Petmin, le droit d’agrandir sa mine de charbon à ciel ouvert à Somkhele, près de la réserve naturelle d’Hluhluwe-iMfolozi. Le ministère a approuvé l’expansion des droits miniers sur une surface supplémentaire de 212 km2, ce qui demanderait de reloger 143 familles.

Tendele est aux rênes de cette mine depuis 2007. Cela a suscité des plaintes de la part des communautés locales : pollution de l’air causée par la poussière des mines qui affecte la santé des habitants, fissures dans les maisons causées par les explosions, pollution de la nappe phréatique et perte de bétail.

La contestation judiciaire a été présentée en 2018 par un groupe local, la Mfolozi Community Environmental Justice Organisation (MCEJO) [Organisation de la communauté de Mfolozi pour la justice environnementale, NDLT], formée en opposition aux activités minières de la région. La MCEJO a depuis été renforcée par quatre co-demandeurs représentant les communautés affectées par les mines et défenseurs de l’environnement en Afrique du Sud. Ils affirment que l’évaluation d’impact environnemental (EIE) pour agrandir la mine comportait des erreurs et que la consultation avec la communauté était inadéquate.

« Il n’y a eu aucune contribution sérieuse des intéressés » et « aucun consentement libre et informé obtenu de la part des occupants de ces terres » indiquent les documents déposés.

Cette affaire est considérée comme un précédent potentiel pour les communautés affectées par l’industrie minière en Afrique du Sud. « Cette affaire est essentielle », a déclaré Maître Kirsten Youens dont le cabinet juridique sans but lucratif, All Rise, représente la MCEJO. « Ce qui se produit à Somkhele rappelle l’époque de l’apartheid où on disait aux gens qu’ils n’avaient aucun droit et qu’ils devaient faire avec. Cette affaire montrera que les communautés peuvent s’opposer aux gouvernements et grosses industries tout-puissants. »

Les communautés locales se plaignent de la pollution par la poussière qui affecte la santé des habitants, les fissures dans les maisons produites par les explosions, la pollution de la nappe phréatique et la perte de bétail provoquées par les activités minières de Tendele. Photo de Rob Symons via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Une longue lutte violente

Le procès a déjà été repoussé cinq fois ; le délai le plus récent ayant été justifié par le volume important de documents soumis par les parties. Le procès a enfin commencé le 10 novembre 2021 et devrait durer trois jours. La décision est attendue au plus tôt en février 2022.

Pour Tendele, la question est de plus en plus urgente, car comme la société minière le dit, les réserves de charbon dans les régions actuelles seront bientôt épuisées. « Si la mine ne peut pas ouvrir une zone plus grande bientôt, elle devra fermer », résume Jan du Preez, PDG, dans un entretien avec Mongabay. Selon lui, si la mine ferme, 1 200 employés et 70 entrepreneurs de la région perdraient leur première source de revenus. Ceci pourrait être le cas dès juin 2022.

L’entreprise essaie de faire transférer à nouveau l’affaire au ministre de l’Énergie et des Mines, ce qui lui permettrait de continuer les préparatifs pour l’agrandissement. Mais maître Youens, l’avocate de MCEJO insiste pour faire retirer le droit d’agrandissement de la mine et pour que l’entreprise recommence de zéro.

Le contentieux concernant Somkhele s’accompagne de tensions et de violence qui ciblent les opposants à la mine. Celles-ci ont culminé en octobre 2020 avec le meurtre de Fikile Ntshangase, l’une des figures de proue contre l’expansion.

Même la MCEJO a connu une division au cours de la bataille judiciaire. L’organisation, qui compte actuellement plus de 3 000 membres, a vu le jour dans la communauté voisine de Fuleni où les habitants s’opposaient à un projet de mine de charbon en 2015, et s’est rapidement étendue à Somkhele. Le comité exécutif est basé à Fuleni.

Au cours des semaines qui ont précédé le meurtre de F. Ntshangase, sept des neuf membres du sous-comité de Somkhele – tous sauf F. Ntshangase et le président – avaient signé un accord avec la mine pour se retirer de l’affaire.

Ces sept membres ont depuis été expulsés de l’organisation, mais en mars 2021, Tendele a signé un « accord de paix » avec ce groupe scindé de la MCEJO et d’autres groupes locaux en faveur de la mine.

Une tentative de Tendele d’utiliser ce conflit interne pour contester le mandat de maître Youens en tant que représentante légale de la MCEJO a été débouté par le tribunal en avril.

Le 22 octobre 2020, quatre hommes armés ont abattu chez elle Fikile Ntshangase, la militante opposée aux activités minières.

La demande revue à la baisse de la société

Même avant que l’affaire soit entendue, la résistance a affecté la demande. À la suite des accusations selon lesquelles la mine divise la communauté, Tendele a fini par admettre que le processus qui a permis d’obtenir le nouveau droit minier n’était pas parfait.

En mars 2021, la société minière a reconnu un « manque de preuves » pour montrer que le département des Affaires environnementales avait été consulté par le ministre des Mines et de l’Énergie avant sa décision d’accorder un droit minier, comme l’exige le Mineral and Petroleum Resources Development Act (MPRDA) [loi sur le développement des réserves minières et pétrolières, NDLT].

Tendele a également accepté le fait que le processus de l’EIE n’est pas conforme au MPRDA. Il a conclu que « ni le responsable régional ni le ministre n’aurait pu raisonnablement être satisfait que l’activité minière proposée ne cause pas de pollution inacceptable, de dégradation écologique ou de dégâts à l’environnement. »

La société a également admis des « imperfections » dans le processus de participation publique, en précisant que « Tendele n’avait pas obtenu le consentement des membres de la MCEJO et autres occupants légitimes des sites miniers proposés comme exigés dans le cadre de la loi intérimaire sur la protection des droits fonciers informels (Interim Protection of Informal Land Rights Act 31) de 1996.

Depuis, Tendele a réduit la zone minière potentielle de 92 %, ne demandant maintenant plus que 17 km2 (6,6 milles2) et prétend « conserver uniquement les zones nécessaires pour l’exploitation de la mine à court et moyen terme. »

Au vu de cette révision de l’expansion, certains foyers ne sont pas certains si le territoire demandé par la mine inclut leurs maisons. « Ils modifient sans cesse la zone qui sera affectée », se désole Skhombuse Buthelezi, membre de la MCEJO qui vit dans la communauté Ophondweni se trouvant dans la zone contestée de la mine.

Il affirme que sa famille s’est vue offrir une compensation de 500 000 rands (un peu plus de 27 500 euros) pour se reloger, mais que « personne de la mine ne nous a contactés en personne. » La communication s’est faite par échange de documents.

Manifestation contre Tendele en 2017. Photo de Rob Symons via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Émergence d’un accord possible

Tandis que la plupart des familles affectées ont signé des accords avec la mine, 10 familles ont préféré lancer un protocole de médiation pour négocier un régime de compensation sans passer par les tribunaux.

Le cabinet Richard Spoor Attorneys représente ces foyers dans la médiation. Maître Johan Lorenzen a déclaré préférer « une compensation durable basée sur les bonnes pratiques internationales concernant le rétablissement des moyens de subsistance » plutôt que la proposition de Tendele de compenser chaque foyer en fonction de la valeur de sa maison.

J. Du Preez conclut que la médiation avance bien. Il ajoute également être confiant vis-à-vis du soutien du gouvernement : « Nous devons être la seule société d’exploitation minière d’Afrique du Sud recevant le soutien public du gouvernement, des autorités municipales et traditionnelles, du Syndicat national des mineurs (National Union of Mineworkers – NUM) et de l’Association des mineurs et du syndicat de la construction (AMCU). »

Pour ses opposants, l’affaire illustre la lutte des communautés dans les zones minière d’Afrique du Sud et ailleurs.

« Cela oppose la cupidité des entités corporatives contre les préoccupations environnementales et sociales des citoyens et révèle les luttes auxquelles sont confrontées les communautés affectées par les mines dans tout le pays », analyse Christopher Rutledge, le directeur de Mining Affected Communities United in Action (MACUA) [Unité d’action des communautés affectées par les mines, NDLT], une organisation représentant les communautés des zones minières en Afrique du Sud qui s’est unie à la demande de la MCEJO en 2021.

« Il y a tellement de mines qui se placent au-dessus de la loi, confirme Me Youens. Ces sociétés savent qu’elles jouent un rôle important pour l’économie, elles écrasent simplement les citoyens qui ne connaissent pas leurs droits. »

C. Ruthledge a également critiqué le rôle du ministère des Ressources minières et de l’Énergie. « Le DMRE [ministère], continue d’être de connivence avec les intérêts commerciaux au détriment des communautés locales et de l’environnement. »

Le ministère des Ressources minières et de l’Énergie n’avait pas répondu aux questions concernant cette affaire au moment de la publication de cet article.

Les tensions autour de la mine persistent à l’heure actuelle. Les militants et les citoyens opposés à la mine signalent une intimidation et des menaces constantes, exacerbées par la pression mise sur les dernières familles réticentes à accepter un montant compensatoire et signer un accord de relogement.

Image de bannière : Vue de la mine d’une propriété voisine. Photo de Rob Symons via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

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Article original: https://news.mongabay.com/2021/11/legal-challenge-to-south-africa-mine-expansion-looks-to-set-new-landmark/

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