- Un an après le meurtre de la militante sud-africaine Fikile Ntshangase, aucune arrestation n’a eu lieu.
- Le tribunal sud-africain a de nouveau reporté une demande légale visant à empêcher l'expansion de la mine de charbon de Somkhele, à laquelle F. Ntshangase s'est fortement opposée.
- Les tensions au sein des communautés demeurent élevées alors que la compagnie minière pousse les résidents à signer des accords de relogement avant l’épuisement des réserves actuelles, prévu pour 2022.
Le 22 octobre 2020, F. Ntshangase, 63 ans, a été abattue de plusieurs balles par trois personnes dans sa maison d’Ophondweni, au nord-est du pays. Un an après, la police provinciale recherche toujours les responsables du meurtre de F. Ntshangase.
« L’affaire est toujours en cours, nous n’avons procédé à aucune arrestation », a indiqué Thembeka Mbele, porte-parole de la police de KwaZulu-Natal, à Mongabay.
« Ce n’est pas facile, les personnes impliquées sont des tueurs à gages professionnels », a expliqué l’avocate de F. Ntshangase, Me. Kristen Youens, qui représente désormais la fille de la victime.
F. Ntshangase était bien connue pour avoir critiqué ostensiblement la mine à ciel ouvert de Somkhele, détenue par Tendele Coal Mining PTY et l’une des plus grandes mines du pays. La mine de charbon, à la limite de la réserve d’Hluhluwe-iMfolozi, au nord de la province de KwaZulu-Natal, opère depuis 2007. En 2016, Tendele, une filiale de la société minière sud-africaine Petmin, a obtenu une licence permettant d’étendre son activité sur 222 kilomètres carrés supplémentaires, nécessitant de reloger 21 foyers.
Un groupe militant local, la Mfolozi Community Environmental Justice Organisation (MCEJO) [Organisation de la communauté de Mfolozi pour la justice environnementale, NDLT], s’est violemment opposé à ce nouveau permis d’exploitation. En 2018, le groupe a fait appel de la décision du ministre sud-africain des Mines et de l’Énergie d’autoriser l’expansion de la mine.
F. Ntshangase, en sa qualité de présidente adjointe de la MCEJO, était l’une des chefs de la campagne contre les plans d’expansion de Tendele. Selon sa fille, Malungelo Xhakaza, elle aurait reçu plusieurs menaces au cours des mois précédant sa mort.
Son assassinat a attiré l’attention au-delà des frontières sud-africaines. Le rapporteur spécial de l’ONU en a fait mention dans un compte-rendu publié en avril de cette année portant sur les meurtres de plusieurs défenseurs de droits de l’Homme dans le monde. Le dernier rapport de l’ONG Global Witness mentionne également les assassinats de 277 défenseurs de la terre et de l’environnement au cours de l’année 2020. « Elle a organisé des campagnes, est allée sur le terrain et a informé les personnes de leurs droits. Je crois que c’est finalement ce qui a coûté la vie à ma mère », aurait déclaré M. Xhakaza.
Le meurtre de F. Ntshangase a provoqué l’indignation parmi les groupes de défense de l’environnement et des droits de l’Homme d’Afrique du Sud. « Cet assassinat est représentatif de l’impunité et du manque de responsabilité de l’État, des sociétés minières et de la police », a déclaré Winnet Shamuyarira, qui coordonne l’action sur la militarisation et les violences faites aux femmes pour l’Alliance africaine WoMin. Elle place le cas de F. Ntshangase dans la lignée des luttes menées dans d’autres régions du pays, comme celles contre une mine de titane à Xolobeni ou la mine de charbon d’Ikwezi à Newcastle. « Ceux qui disent “non” aux activités minières font face à une répression intense, ils sont victimes de violences et sont réduits au silence. »
La société Tendele, quant à elle, se défend de tout lien entre le crime et ses activités minières. « Il n’y a aucune preuve solide qui lie la mine au meurtre », a déclaré le PDG de Tendele Coal Mining, Jan du Preez, auprès de Mongabay. Bien qu’il ne nie pas les tensions dans la communauté, il considère qu’il s’agit d’une action de « propagande contre une mine qui essaie de survivre et, ce faisant, d’aider et d’améliorer les moyens de subsistance de plus de 40 000 personnes ».
Les tensions au sein de la communauté ont atteint leur paroxysme alors que la société promettait des emplois et que certains chefs traditionnels se positionnaient en faveur de l’expansion de la mine. « Des menaces ont été proférées, des coups de feu ont été tirés », a confié Sifiso Dladla, membre de ActionAid Afrique du Sud, qui a milité aux côtés de la MCEJO pendant des années, à Mongabay. Les tensions se seraient encore accrues alors que les habitants étaient de plus en plus pressés par la société minière de signer des accords de relogement, libérant ainsi les terres octroyées à la mine par le nouveau permis d’exploitation.
Dix-neuf des 21 foyers que la société tente de reloger appartiennent à des membres de la MCEJO. Parmi ces foyers, on ignore combien ont signé l’accord proposé, le climat de peur qui s’est abattu sur la communauté après le meurtre de F. Ntshangase ayant fait taire les voix qui s’élevaient contre la mine.
« Beaucoup ont été intimidés, en particulier ceux qui n’ont pas encore signé l’accord », a affirmé Me. Youens, dont le cabinet d’avocats à but non lucratif, All Rise, représente la MCEJO. Leur opposition demeure toutefois « absolument catégorique ».
Si la Cour suprême d’Afrique du Sud a rejeté plus tôt cette année l’appel interjeté par la MCEJO et deux autres requérants, qui cherchaient à mettre un terme à l’exploitation de la mine en raison d’irrégularités dans son fonctionnement, la demande de F. Ntshangase, qui contestait son expansion, est quant à elle toujours en cours. La demande contre le nouveau permis d’exploitation minière a été déposée par les membres de la MCEJO il y a trois ans et devait faire l’objet d’une audience les 6 et 7 octobre.
Mais l’affaire a été reportée. « C’est la cinquième fois », a rapporté S. Dladla. L’organisation dont il est membre, ActionAid Afrique du Sud, s’est jointe à la MCEJO dans sa demande auprès de la Cour, aux côtés de trois autres organisations : le Global Environmental Trust (GET), la Mining Affected Communities United in Action (MACUA) et le Southern African Human Rights Defenders Network (SAHRDN).
Le juge a repoussé l’audience en raison de la charge administrative : à eux seuls, les requérants ont produit et déposé un dossier de près de 8 000 pages. Ce délai est, pour les organisations concernées, une source de frustration.
Selon S. Dladla, cela a mené à un accroissement de la pression exercée sur les membres de la communauté afin qu’ils signent les accords de relogement, au travers de menaces de perte d’emplois par la société minière. Il appelle la justice à accélérer les choses et à traiter les documents le plus rapidement possible, « car les personnes sur le terrain sont intimidées ».
Pour Tendele, l’affaire est également pressante. D’après Jan du Preez, son PDG, les réserves exploitées par la mine seront épuisées d’ici 2022. « Si l’extension de la zone d’opération de la mine ne se fait pas prochainement à cause de l’opposition, nous serons contraints de cesser notre activité et de fermer la mine en juin 2022, au plus tard. »
Mais pour Me. Youens, ce n’est pas la seule raison : « La mine essaie d’accélérer le processus parce qu’elle ne peut pas obtenir de fonds auprès de la banque tant qu’une affaire judiciaire est en cours », a-t-elle déclaré.
« Nous essayons d’obtenir un dossier urgent et nous n’avons pas reçu de réponse, ce qui est légèrement frustrant ».
Photographie de bannière : Manifestation contre la société Tendele en 2018. Photographie par Rob Symon via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Victoria Schneider est une journaliste d’investigation indépendante basée à Johannesburg. Retrouvez-la sur Twitter : @vic_schneider.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/10/opposition-to-south-africa-coal-mine-persists-a-year-after-murder-of-activist/