Nouvelles de l'environnement

Les ONG affirment que le label FSC protège peu les forêts ainsi que les populations autochtones

  • Le Forest Stewardship Council (FSC), un label de bois d'origine éthique connu dans le monde entier, a été critiqué par des ONG cette semaine pour ses failles systémiques qui autorisent la déforestation et permettent à des entreprises au bilan douteux en matière de droits de l'homme de bénéficier de la certification.
  • La certification forestière permet aux fournisseurs de bois d'attirer des clients exigeants et prêts à dépenser une grosse somme d'argent, d'adopter une image respectueuse de l'environnement et de satisfaire aux exigences d'accès aux marchés lucratifs, comme l'UE.
  • En début d'année, Greenpeace a publié un rapport affirmant que le FSC avait "écoblanchi" la destruction des forêts, mettant en évidence une tendance à l'augmentation de la déforestation et de la dégradation des forêts malgré l'expansion de la certification.
  • Dans le bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus grande étendue de forêt tropicale après l'Amazonie, la zone sous certification FSC a en effet diminué. Les experts déclarent que même dans les concessions certifiées, les précieuses terres forestières intactes sont menacées.

Alors que la réunion annuelle du label bois d’origine éthique le plus connu au monde, le Forest Stewardship Council (FSC), a débuté le 25 octobre, des ONG environnementales ont accusé l’organisme de ne pas protéger les forêts et les groupes autochtones.

S’appuyant sur des années d’enquête, l’ONG britannique Earthsight a mis en évidence des problèmes dans les concessions certifiées FSC, allant de la destruction des forêts aux violations des droits de l’homme. Dans une lettre ouverte signée par des ONG dont Greenpeace, Environmental Investigation Agency et Rainforest Action Network, il est indiqué qu’il ne s’agit pas de cas isolés mais de problèmes systémiques liés à la certification.

Le FSC a été créé en 1993 avec le soutien du WWF et de Greenpeace. En 2018, Greenpeace a décidé de se détacher du FSC et a publié cette année un rapport affirmant que le FSC a effectivement “écoblanchi” la destruction des forêts.

En réponse à la lettre ouverte, le FSC a déclaré que “seul, le FSC ne peut pas résoudre tous les problèmes liés au commerce illégal du bois et à la mauvaise gestion des forêts.” Il ajoute que “la lutte contre toutes les activités qui nuisent aux forêts du monde nécessite un travail collectif impliquant tous les acteurs et parties prenantes.”

Les certifications aident les entreprises à adopter une image respectueuse de l’environnement, à attirer des clients exigeants et prêts à dépenser une grosse somme d’argent, inquiets de voir leurs choix porter atteinte aux précieuses forêts tropicales de la planète, et à satisfaire aux exigences d’accès aux marchés clés, comme l’UE.

Le rapport 2021 de Greenpeace a mis en évidence une tendance à l’augmentation de la déforestation et de la dégradation des forêts malgré l’expansion de la certification. La lettre ouverte publiée le 25 octobre explique comment le FSC ne protège pas certains des écosystèmes forestiers les plus précieux, allant des forêts des zones tempérées de Russie aux forêts tropicales d’Indonésie et de la République démocratique du Congo (RDC).

Dans le bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale du monde après l’Amazonie, le label de bois issu d’une gestion forestière durable semble perdre du terrain, alors que la déforestation continue d’augmenter.

Les gouvernements d’Afrique centrale ont cédé 50 millions d’hectares, soit environ un quart de la forêt tropicale du bassin du Congo, à des sociétés d’exploitation forestière principalement européennes et chinoises. Sur ces 50 millions d’hectares, environ 5,4 millions sont certifiés par le FSC, chiffre qui a diminué par rapport au pic d’environ 5,6 millions atteint en 2013.

Pendant ce temps, la destruction des forêts primaires dans le bassin du Congo s’accélère. Selon les données de Global Forest Watch (GFW), le taux de perte a plus que doublé entre 2012 et 2019.

L’agriculture itinérante est le principal moteur de la déforestation dans la région, mais l’exploitation forestière commerciale représente un élément déclencheur important et connexe. L’extraction industrielle du bois entraîne la destruction des forêts car elle provoque l’abattage des arbres et l’ouverture de forêts aujourd’hui accessibles grâce à des routes et autres infrastructures. En 2018, environ un cinquième de la forêt tropicale du bassin du Congo se trouvait à moins d’un kilomètre d’une route, contre seulement 11% en 2003.

Chemin forestier au Gabon. Image de Rhett A. Butler/Mongabay.

Une étude publiée en 2020 dans la revue Ecological Economics déclare que la certification n’est peut-être pas le facteur le plus important pour endiguer la déforestation.

À part en République centrafricaine, les entreprises de la région sont tenues d’élaborer un plan simple de gestion (PSG) dans les trois ans suivant l’obtention des permis d’exploitation. Dans la pratique, les PSG sont généralement approuvés dans un délai d’environ neuf ans après l’octroi des permis, mais plus ils sont en place longtemps, plus ils ont de chances de freiner la déforestation.

Aussi, l’étude n’a pas trouvé de preuve d’ “avantage supplémentaire” d’une certification FSC pour une concession qui possède déjà un PSG, bien que les auteurs aient reconnu que les concessions forestières avec une certification FSC pourraient être plus susceptibles de mettre en œuvre leurs plans de gestion forestière.

Le FSC établit des normes mais ne délivre pas de certificats lui-même. Il accrédite d’autres organismes et les sociétés d’exploitation forestière font appel à ces organismes. Selon une analyse de Mongabay, les auditeurs, même lorsqu’ils adhèrent aux critères du FSC, ont une marge de manœuvre pour déterminer ce qu’est la “bonne gestion forestière”, ce qui affecte la protection.

Sylvain Angerand, autre signataire de la lettre et spécialiste des forêts tropicales au sein de l’ONG française Canopée, a déclaré lors d’une conférence organisée au début du mois que le FSC ne protégeait pas les forêts primaires.

La conférence était organisée par l’Association internationale des Maires francophones (actuellement dirigée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui se présente aux élections françaises de l’année prochaine).

“Le FSC me déçoit beaucoup. Il devrait protéger d’ “avantage les forêts primaires”, a déclaré Angerand. “Vous ne pouvez pas gérer une forêt primaire de manière durable. Vous ne pouvez pas exploiter une forêt qui n’a jamais été exploitée et dire ensuite, nous allons planter quelques arbres supplémentaires.”

A l’heure actuelle, le FSC est le seul système de certification qui exige la préservation des paysages forestiers intacts (PFI), a déclaré Aurélien Sautière, directeur général de FSC France, dans une réponse par email à Mongabay. Il a déclaré que les entreprises doivent protéger la “grande majorité” des PFI dans leurs unités de gestion forestière. Cependant, la “grande majorité” peut représenter entre 50 et 80 %, en fonction de ce que décident les parties prenantes d’une concession particulière.

Un homme autochtone Tikuna dans la forêt amazonienne en Colombie. Image de Rhett A. Butler/Mongabay.

Les certifications garantissent plus que la simple conservation des forêts. Par exemple, les directives du FSC couvrent également les conditions de travail et le bien-être des communautés qui utilisent habituellement ces forêts. Mais une mise en œuvre plus stricte des règles et règlements de certification peut parfois avoir l’effet inverse et ainsi limiter l’accès des communautés aux forêts ainsi qu’intensifier les conflits.

Le communiqué du FSC du 26 octobre encourageait les dénonciateurs, y compris les ONG et les journalistes, à déposer des plaintes afin d’avertir l’organisme d’éventuelles transgressions, ajoutant que le meilleur moyen de provoquer des changements était de devenir membre du FSC.

Les enquêtes menées par Earthsight et Greenpeace dans le bassin du Congo ont rapporté les violations des droits de l’homme commises par des entreprises en RDC ainsi que le défrichage de forêts vierges en RDC et au Gabon. En 2011, lorsque des villageois ont manifesté contre le fait que la société forestière Siforco n’avait pas construit l’école et la clinique promises, l’exploitant forestier a fait appel à la police. La réponse de cette dernière aurait entraîné la mort d’un manifestant ainsi que le viol de femmes et de mineurs. L’association du FSC et la société mère de Siforco de l’époque, le groupe Danzer, a porté atteinte à sa crédibilité et mis en cause ses propres politiques, a déclaré Greenpeace.

Angerand a également fait valoir que l’amélioration du contrôle de la qualité des activités d’extraction ne résout pas le déséquilibre de pouvoir sous-jacent qui les rend possibles. Souvent, les communautés n’ont pas leur mot à dire lorsque les forêts dont elles dépendent sont vouées à l’extraction du bois. Angerand a déclaré : “Les peuples autochtones sont-ils en mesure de dire : Je ne veux pas de cette concession sur le pas de ma porte ? Non, n’est-ce pas ?”

Références :

Tritsch, I., Le Velly, G., Mertens, B., Meyfroidt, P., Sannier, C., Makak, J., & Houngbedji, K. (2020). Do forest-management plans and FSC certification help avoid deforestation in the Congo Basin? Ecological Economics, 175, 106660. doi:10.1016/j.ecolecon.2020.106660

Kleinschroth, F., Laporte, N., Laurance, W. F., Goetz, S. J., & Ghazoul, J. (2019). Road expansion and persistence in forests of the Congo Basin. Nature Sustainability2(7), 628-634. doi:10.1038/s41893-019-0310-6

Image de bannière : Troncs d’arbres certifiés FSC à Bornéo, en Indonésie. Image offerte par Zuzana Burivalova.

Article original: https://news.mongabay.com/2021/10/ngos-say-fsc-label-offers-little-protection-for-forests-indigenous-people/

Quitter la version mobile