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Cameroun : Une réserve protégée par l’UNESCO en danger, alertent les activistes

L'une des routes utilisée par les braconniers les nuits au tour de la reserve du Dja, au Cameroun/ Photo de Christophe Nyemeck Beat

L'une des routes utilisée par les braconniers les nuits au tour de la reserve du Dja, au Cameroun/ Photo de Christophe Nyemeck Beat

  • La société civile du Cameroun regrette qu’au moins 18 réserves forestières soient menacées par des projets variés, notamment les carrières, les activités agricoles, l’exploitation minière ou gazière.
  • En 2021, en plus du braconnage, la proximité d’une réserve de chasse et l’octroi par l’Etat du Cameroun de nouvelle concession forestière, minière à proximité des réserves sont autant de menaces pour la biodiversité et la conservation dans celle-ci : Le cas le plus illustratif étant celui de la réserve de faune du Dja.
  • Les grands singes sont particulièrement menacés suite à cette réserve mise en danger par l’activité humaine intense dans ses alentours.

Créé en 1950, la réserve du Dja est classée en 1987 comme patrimoine de l’Unesco, une action qui avait poussé des jubilations des communautés locales en général et les activistes de l’environnement en particulier.

Cependant, les habitants des communautés de la réserve s’indignent de la multiplication des actes de braconnages dans la réserve, l’attribution des concessions minières tout autour et surtout un laisser-aller de certaines des autorités de la localité.

« Qui vous a dit que cette réserve est protégée ?» ; interrogation  d’un autochtone de l’ethnie  Baka à la question de savoir ce qu’il pense de la perméabilité de la réserve de Dja.

Une forme de malentendu est installée aussi entre les communautés environnantes et certaines des activistes. Les premiers croient qu’ils ont le droit absolu d’utiliser la foret comme ils veulent, tandis que les autorités croient que la foret doit être protégée.

« Notre centre de recherche pense qu’il y a un problème de perception […]; ici les études que nous avons menés montrent que les populations du Dja considèrent les animaux comme la viande à manger et la conservation comme une affaire des blancs. Toujours nos recherches ont permis d’établir un lien entre la perception et le braconnage qui est la plus grande menace… » Epanda Aimé Manfred, chercheur camerounais raconte.

 

Interdit d’utiliser les armes dans la chasse au Cameroun

Selon les lois camerounaises en vigueur dans la gestion de l’environnement, il est strictement interdit d’utiliser les armes dans la chasse. Ces lois sont malheureusement moins respectées, selon un activiste de la société civile.

Ndu’u Maxwell ingénieur des eaux et forêts et chasse a publié plusieurs articles sur la réserve de faune du Dja. Il trouve plutôt que les braconniers agissent en toute impunité. Les braconniers bénéficient d’une certaine couverture suite à l’usage des armes à feu.

Il relève entre autres que « les braconniers utilisent les armes de guerre comme la kalachnikov; avec la complicité de quelques riverains ou certains éco gardes, qui les conduisent  dans les zones riches en animaux, les riverains sont payés en natures ou en cash », raconte Ndu’u Maxwell.

Les anciennes unités de recherches scientifiques abandonnées par des organisations scientifiques après la réalisation des études sont souvent en proie de ces actes de braconnage décriés cependant par les riverains et les activistes.

« Ici l’argent du braconnage nourrit des familles » de ceux qui refusent travailler durement, raconte un autre membre de l’ethnie autochtone Baka, mettant en cause certains eco gardes, administratifs et agents de l’Etat qui collaborent avec les braconniers.

Certains sont poussés par la pauvreté parce qu’un animal peut se vendre un équivalent du salaire d’un fonctionnaire de l’Etat au Cameroun de toute l’année.

La viande de gorille, de chimpanzés, d’éléphants sont les plus recherchées et par conséquent plus chères, ce qui pousse les braconniers à courir beaucoup plus à ces trois animaux.

La complicité aveugle des agents de l’Etat

Les viandes de brousse provenant du braconnage transitent par la route et malheureusement  traversent plusieurs unités administratives ou même des postes de contrôles avant d’arriver à Yaoundé ou ailleurs.

Un agent des eaux et forêt en poste à Djoum regrette qu’il est des fois même que certaines des morceaux de viandes des animaux se retrouvent dans des véhicules de l’armée juste pour échapper au contrôle.

D’autres routes empruntées par les braconniers c’est notamment des anciens axes abandonnés ou même des petits sentiers qui pullulent dans la réserve et qui ne sont même pas contrôlés.

Une autre technique consiste à dissimuler les butins dans les châssis des camions de grume et parfois dans le timon de forme circulaire qui porte les billes de bois.

Ceci, selon les activistes signifie que les déforesteurs sont aussi à un certain niveau, des braconniers ou travaillent ensemble, à voir comment ils s’entraident ou se couvrent notamment dans le transport des viandes des animaux.

Pour le coordonnateur de l’Association Tropical Forest and Rural Development, Epanda Aimé Manfred, une des solutions efficaces contre le braconnage serait de ramener les populations du Dja à  changer leur représentation des animaux qui passerait de «  viande à manger » à « des espèces à protéger et à conserver ».

Les zones tampons en détresse

Les zones tampons situées de part et d’autres de la réserve du Dja sont menacées. Les travaux d’abattage des arbres à l’aide des tronçonneuses, la construction des routes, et les bruits des engins…, effraient les animaux qui vivent non seulement dans la zone, mais aussi dans la réserve.

«  L’exploitation forestière juste à la limite de la réserve de faune une zone qui avait toujours été protégée comme une zone pour amortir les chocs, (est un danger, ndlr) il est évident que cela aura un impact négatif » Epanda Aimé Manfred

Autre intrusion en perspective, c’est le projet d’agrandissement des plantations de la société dite Sud Hévéa, implantée non loin de la réserve faunique du Dja.

D’après Samuel Nguiffo, activiste camerounais et chercheur  joint par téléphone, le projet d’expansion  de Sud Hévéa, représente une double menace pour la conservation :

« La forêt du Dja est constitué de ce qui est à l’intérieur et ce qui est dehors. Dans ce cas si on rase juste à côté de la réserve, il n’y a plus de bouclier ; une sorte de zone tampon. A côté de cela il y a donc les animaux qui entrent et qui sortent de zone tampon en dehors de la réserve. Si la zone tampon n’existe plus les animaux sortent et vont se faire tuer »  Samuel Nguiffo, alerte.

Les concessions minières

La découverte du cobalt, du nickel, du manganèse et autres minerais associés devient une menaces pour la conservation dans environs 18 aires protégées dans le Sud et sud–est du Cameroun.

Les activistes comme Samuel Nguiffo, Maxwell Ndu’u et Aimé Manfred Epanda regrettent que des attributions ont été même déjà faites à certaines sociétés. Ces attributions, regrettent-ils, s’ajoutent aux autres espaces déjà attribués  à des sociétés forestières, agricoles, ou autres.

A l’exception de la réserve de faune du Dja, les autres parcs nationaux limitrophes sont affectés par ces projets d’exploitations minières en cours d’opérationnalisation.

Le nouveau rapport de la commission des forêts de l’Afrique centrale intitulé «  Aires protégées d’Afrique centrale Etat 2020 » le démontre : Le parc national de Lobéké, celui de Boumba-Bek, de Campo-Ma ’an entres autres sont menacés directement.

Ces menaces touchent aussi des sites important non classés pour la conservation de la biodiversité comme la réserve de faune de Ngoyla-Mintom créée en 2014 et la forêt Ebo.

La superficie actuelle des permis miniers adossés aux aires protégées surpasse 12.300 km carrés. Le gouvernement camerounais a délivré 30 permis d’exploitation minier dans la même zone géographique, qui abrite 12 aires protégées qui mesure  9.400 km carrés, selon le rapport.

Les grands singes particulièrement menacés

Des projets en cours d’études, ou ceux déjà opérationnels porteront un coup irréversible à la minorité restante de la population des grands singes en danger ou en danger critique d’extinction sur le plan national et sous régional, déplore Ekwoge  Abwe

Les estimations en novembre 2015 des chimpanzés d’Elliot se situaient entre  6.000 et 9.000 espèces l’estimation  en août 2018 des gorilles de Montagnes étaient de 1.000 espèces dans toute l’Afrique centrale d’après plusieurs études menées par différentes équipes de chercheurs[i] ; aussi sur le couvert végétal du sud Cameroun et la qualité des relations des populations autochtones et allogènes.

Les grands singes, pourtant protégés sont plutôt visés par les chasseurs illégaux

La réserve de faune du Dja couvre une superficie de  526.000 hectares et s’étend sur deux régions : La région sud et celle de l’est. Elle est aussi une réserve de chasse créée par l’administration coloniale française des années 50.

Cependant, La présence des chasseurs qui disposent d’une licence et d’un droit de chasse conformes et ceux qui n’en possèdent pas, à proximité de la réserve faunique du Dja est une menace pour la conservation, se lamentent les activistes.

Les animaux comme les chimpanzés ou les gorilles pour ne citer que ceux-ci parmi les animaux de la catégorie « A » qui sont les animaux entièrement protégés, interdits à la chasse sont plutôt visés par des chasseurs (braconniers) sans licence et qui utilisent même les armes à feu pourtant interdites dans ce pays.

 

 

 

 

[i] Source : Oates et al,2016 ; Malsels et al, 2016 et 2018 ; Plumptre et al 2016 et 2019 ; Fruth et al, 2016, et Bergi et al 2016

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