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Cameroun : La coupe du bois de chauffage à Douala met en danger deux espèces du palétuvier

Marché des arbres sur la Dinde au Camroun

Marché des arbres sur la Dinde au Camroun

  • Le rhizophora et l’avicennia sont deux espèces d’arbres avec des caractéristiques combustibles énormes.
  • Depuis des années, ces deux espèces ont été utilisées dans la cuisson, fumage du poisson, alimentation des fours et autres lieux exigeant la combustion dans le golfe de Guinée et surtout au Cameroun.
  • Avec la pression démographique au Cameroun, et l’agrandissement des villes telles que Yaoundé et Douala, la demande en combustible a explosé ces derniers jours et le matanda (nom donné à ces deux espèces Ndlr) est plus que sollicité et de surcroît, mis en danger.

Communément appelé « Matanda » ou palétuvier, l’essence connait une coupe abusive ces derniers jours. La ville de Douala connait déjà des difficultés dans l’obtention de ce bois suite à sa carence qui commence à se manifester.

La démographie du Cameroun depuis son indépendance a passé de 2.600.000 en 1962 à plus de 27.000.000 en 2020 selon des estimations de l’Institut National de la Statistique.

Cette augmentation a rendu les villes plus peuplées et la demande du bois de chauffe a aussi explosé ces derniers jours au Cameroun. Bien que les chiffres ne semblent pas être disponibles, le « Matanda » reste sollicité au marché camerounais en général et à Douala en particulier pour sa qualité de combustible.

Le rhizophora et l’avicennia sont deux genres distincts de palétuvier que l’on retrouve dans le Golfe de Guinée en général, et au Cameroun en particulier. Les deux genres se trouvent sur littoral et plus précisément dans la réserve de faune Douala – Edéa devenu Parc National depuis 2018.

Le « Matanda » ou palétuvier est un bois rougeâtre et noirâtre mais aussi humide. Il est connu pour sa solidité et sa combustibilité énorme comme principaux caractéristiques.

« Environ 80% de palétuviers de Youpwe ont été coupés » constat Marcel Beat, un activiste de l’environnement. Selon lui « cette dégradation liée principalement à l’action humaine, notamment la coupe du bois énergie » est le principal danger contre cette espèce.

Au fur et à mesure que les jours avancent, la coupe du matanda se poursuite. Très malheureusement, raconte l’activiste, la coupe du bois énergie se poursuit jusqu’à Banga Pongo, une localité située un peu à l’est de Youpwe, dans le 3e arrondissement de Douala, l’un des endroits où l’on trouvait encore ces arbres.

Disparation du matanda déjà

A Youpwe, ou ailleurs, les « Matanda » ont disparu. La cause de cette situation c’est notamment la pression démographique, la présence des industries nécessitant des combustibles, des ménages, restaurants etc.
Marcel Beat ancien président de la plateforme des zones humides du Cameroun dit que, lui et ses collègues ont, depuis l’année 2018 dénoncé cette coupe sans succès.

Des tractations soutenues par sa majesté Samuel Bebe de transformer cet espace en forêt communautaire de Youpwe pour mieux la protéger contre la déforestation n’ont pas donné assez de fruits, raconte Beat tellement indigné.

La situation est alarmante aussi dans le cinquième arrondissement, dans la localité dite Akwa Nord et cela se fait devant les yeux de l’autorité publique.

L’importance de ces arbres combustible était plutôt énorme avant sa coupe. Son importance était plutôt capitale dans la protection contre les vents et surtout la lutte contre la montée des eaux, Didier Yimkoua, un autre activiste raconte :

« La mangrove ne peut plus protéger la côte du fleuve Wouri contre les vents violents, la montée du niveau du fleuve voir des mouvements naturels des masses d’eau comme des tsunamis »

L’agriculture et la construction

Les espaces autrefois occupés par les « matanda » ; et les autres produits halieutiques ont été détruits, puis remblés pour récupérer la terre afin de construire des habitations isolées, puis des blocs d’habitation et finalement des quartiers partout dans la ville
Par ailleurs, même les animaux, notamment les singes, ont disparu de ces environs alors qu’ils se faisaient remarqué il y a quelques années.

« A Douala continental, les vents sont de plus en plus violents et le temps local connait une instabilité, une chaleur pénétrante alterne avec de très fortes averses au courant de la même journée » Didier Yimkoua, activiste pro environnement, raconte avec regret.

La réserve de Manoca en danger aussi

D’autres régions comme à Manoca une île d’une superficie de 88 km carrés à l’ouest de Youpwe sont aussi dans le viseur des coupeurs d’arbres dans l’impunité totale.

Manoca compte environ 24 îles qui abritent une forêt communautaire de mangrove de 2700 hectares. Les palétuviers occupent à eux seuls 940 hectares sur le littoral et 740 hectares dans la zone inondée de la forêt, selon Eugène Yo Manga.

D’autres essences se retrouvent aussi dans la même forêt : le carabotte, le padouk rouge (padouk d’Afrique), les ilomba, les acajou, les iroko, le baobab. Et aussi de la faune : des rongeurs, des reptiles, des singes comme les activistes le racontent.

La coupe du bois énergie à Manoca s’opère aussi bien par des populations autochtones que par une forte communauté étrangère de pêcheurs composées notamment de ghanéens, maliens, … et d’autres.
« A partir de juin, juillet, août, septembre, octobre ; le poisson meurt beaucoup, nous sommes en plein saison des pluies » Eugène Yo Manga président de la forêt communautaire de Manoca raconte, ajoutant que c’est dans cette période que les arbres sont plus coupés pour le fumage des poissons.

Coupage dans la nuit

Les déforestations s’opèrent dans la partie littorale de la forêt communautaire de Manoca, de nuit. Des personnes quittent Douala continental dans la nuit, dans des embarcations de fortune pour se rendre dans les 24 îles de l’arrondissement de Manoca. Ils passent par plusieurs cours d’eau, comme la Dinde pour arriver sur le Wouri l’un des fleuves du Cameroun et ensuite les 24 îles. Les bois sont acheminés nuitamment vers Douala et débarqués, soit à Youpwe à côté du débarcadère ou à Bonabéri au marché, au pont de la Dinde ou à l’entrée Bilongue, à Akwa nord.

Selon le constat du reporter, les commerçants vendent les « matanda » sans aucune gêne. Le prix d’un pousse pousse est de 600 FCFA, celui d’un tricycle va de 15.000 à 20.000 FCFA, pour un pickup double cabine, une Dina ou un camion dix roues, les prix sont compris entre 50.000 FCFA et 100.000 FCFA.

Sur la rive de la Dinde des vendeurs et les démarcheurs attendent les clients. Les fournisseurs sont très rares à cet endroit en journée.

Plusieurs morceaux avec des tailles différentes de « matanda » sont posés à même le sol, regroupés en fonction des diamètres explique un vendeur qui a préféré gardé son anonymat, rencontré le samedi 30 octobre 2021.

L’absence de la présence manifeste de l’autorité de l’Etat est dénoncée par les habitants, qui se constituent en groupe afin de contrôler la ressource et de limiter son prélèvement anarchique, ce qui n’est pas évident, avec le peu de moyen qu’ils disposent.

Ernest Edimo, Maire de la Commune d’arrondissement de Manoca n’a pas répondu aux 10 appels d’entre le 29 octobre et le 4 Novembre 2021, pour répondre à ces préoccupations des activistes et population de Manoca sur la coupe abusive du Matanda.

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