Nouvelles de l'environnement

Où est mon éléphant ? Ces applications de la conservation qui révolutionnent le travail des gardes forestiers

  • Dans le monde entier, les spécialistes de la conservation se tournent de plus en plus vers la technologie pour s’adapter et répondre aux enjeux croissants des aires protégées.
  • EarthRanger est un exemple de ces innovations technologiques. Cette solution logicielle collecte et intègre les données de plusieurs capteurs à distance pour permettre à ses utilisateurs de les visualiser sur une seule et même plateforme.
  • Elle assiste les conservationnistes en matière de sécurité, de gestion de l’environnement, et dans les conflits homme-faune grâce à la compilation de données de conservation au sein d’un seul et même système qui les aide à prendre rapidement des décisions éclairées.
  • Bien que prometteuse, la technologie s’est heurtée à quelques problèmes à ses débuts, comme le manque d’infrastructure Internet, la nécessité d’un vaste réseau de capteurs et d’un niveau de compétences élevé pour la lecture et l’interprétation des données.

Ces dernières années, les technologies nouvelles et émergentes ont révolutionné le travail de la conservation EarthRanger, un logiciel de gestion des aires protégées développé par Vulcan Inc. en 2017 et actuellement utilisé dans diverses aires protégées à travers le monde, se trouve en première ligne de cette transformation.

L’outil de conservation permet la collecte et le partage d’informations sur une seule et même plateforme en ligne qui assiste les conservationnistes à lutter contre un éventail de problèmes. Il aide, par exemple, les équipes opérationnelles et les scientifiques dans la protection de la faune sauvage, dans la compréhension des changements environnementaux, dans la réponse aux conflits homme-faune, dans la lutte contre le braconnage et autres menaces, comme la déforestation.

« [EarthRanger] est un système de compilation et de visualisation de données qui intègre une grande variété de sources de données », a déclaré Jes Lefcourt, directeur principal du pôle technologie de la conservation chez Vulcan.

Parmi ces sources figurent les gardes forestiers, les dispositifs de suivi installés sur les véhicules, les avions et les animaux sauvages, les activités sur le terrain, ainsi qu’une variété d’autres capteurs. Ensuite, le programme « compile toutes les informations sur une interface simple et facile à utiliser », a ajouté Lefcourt, permettant ainsi aux conservationnistes d’opérer à la fois de manière réactive et proactive.

S’intéressant à trois domaines principaux, la sécurité, la gestion de l’environnement et les conflits homme-faune, EarthRanger est un programme utilisé par les conservationnistes de 170 organisations différentes travaillant dans 40 pays à travers cinq continents.

Le centre des opérations de l’organisation non lucrative Grumeti Fund. Grâce à la plateforme EarthRanger, Alina Peters surveille les aires protégées en continu avec ses collègues du département en charge de l’application des lois et de la lutte contre le braconnage. Crédit photo : Sacha Specker/Grumeti Fund.

La technologie de la conservation, comme de nombreuses autres technologies à distance, a fait ses preuves pendant la pandémie de COVID-19, d’après une enquête commandée par Vulcan. Sur les 18 derniers mois, 67 % des utilisateurs des technologies au service de la conservation ont déclaré que leur capacité à œuvrer sur le terrain s’était détériorée, et 54 % que leurs budgets s’étaient dégradés. Parallèlement, selon l’étude, le ralentissement économique provoqué par les confinements divers et variés a entrainé une augmentation des activités illicites comme le trafic d’animaux sauvages, le braconnage et la pêche illégale dans un grand nombre de régions, mettant en évidence l’impact de la pandémie sur les efforts de conservation déployés à travers le monde.

L’enquête souligne également le rôle important de la technologie dans la réponse à ces enjeux : 81 % des personnes interrogées ont déclaré que l’outil technologique les avait aidées à s’adapter ou à faire face aux impacts de la COVID-19 sur les aires protégées.

L’une des méthodes employées par EarthRanger pour venir en aide aux conservationnistes sur le terrain est d’alerter les équipes lorsque certaines menaces sont détectées par les capteurs sur sites. Jake Wall, directeur de recherche et de conservation pour le Mara Elephant Project (MEP) au Kenya et l’un des fondateurs de EarthRanger, utilise régulièrement les données en temps réel des dispositifs de suivi pour localiser les éléphants de savane (Loxodonta africana) et envoyer ensuite les gardes forestiers sur le terrain en fonction des informations reçues.

Ces informations sont facilement accessibles sur une seule et unique plateforme, de même que les données sur les mouvements et les déplacements des éléphants et leur proximité des limites du parc. Si les éléphants s’approchent des installations humaines, la plateforme EarthRanger envoie une alerte aux gardes forestiers, leur permettant ainsi de réagir avant qu’un incident ne se produise.

« Nous avons également eu des exemples de situations où les éléphants avaient déclenché une alerte de déplacement lent », a rapporté Jake Wall à Mongabay. C’est ce qui arrive quand les pachydermes se déplacent plus lentement que d’ordinaire. Cela signifie souvent qu’un éléphant a été blessé et nécessite des soins. Puisque les pachydermes sont faciles à localiser grâce au système, l’équipe de gardes forestiers la plus proche du lieu de l’accident peut être immédiatement avertie.

Jake Wall, directeur de conservation pour le Mara Elephant Project, durant ses activités de surveillance de la forêt Nyakweri. Jake Wall est photographié en train de tester un moniteur de fréquence cardiaque sur l’éléphant Fitz muni d’un collier électronique pour le Kenya Wildife Service et le MEP. Fitz et son troupeau de 60 éléphants habitent la forêt et s’attaquent régulièrement aux cultures des fermes avoisinantes la nuit. Crédit photo : Jake Wall/MEP.

Mais comme avec toute technologie mise en place dans ce domaine, il existe aussi des difficultés et des inconvénients. Par exemple, la plateforme EarthRanger exige une bonne infrastructure et un accès à Internet. Pour que le logiciel fonctionne, chacun des sites nécessite certains outils, comme des dispositifs de localisation et des capteurs pour collecter les données et y accéder.

Dans les environnements forestiers, il est beaucoup plus difficile d’utiliser ces systèmes en raison de la canopée très dense. Les terrains accidentés peuvent rendre l’accès aux zones de travail plus difficile et ralentir considérablement la vitesse des interventions.

Pour 51 Degrees Limited, une société de sécurité chargée de la surveillance des réserves d’Ol Pejeta et de Lewa au Kenya, EarthRanger est devenue un élément central de ses activités quotidiennes. Le personnel utilise la solution logicielle pour collecter et analyser un volume gigantesque de données, leur permettant de mieux comprendre chaque situation, de faire des prévisions plus réalistes et de réagir d’une manière plus coordonnée que jamais.

« [Elle] fait partie de [leur] vie au quotidien et de leurs prises de décisions », a déclaré Batian Craig, directeur de 51 Degrees Limited, car elle leur permet d’« analyser et de comprendre les données générées par le système et d’identifier les domaines où [ils] manquent d’informations », a-t-il ajouté.

EarthRanger a également développé un certain nombre d’applications pour répondre à des besoins plus spécifiques. En 2013, Vulcan a participé à la conception de l’application de suivi de localisation STE avec Save the Elephants (STE), une application iOS personnalisée qui les aide à mieux comprendre le comportement de chaque éléphant.

« Nous devons être capables de les comprendre afin de leur assurer un avenir », a déclaré Frank Pope, directeur général de STE. « Mieux nous les comprendrons, mieux nous pourrons les aider et élaborer des solutions qui, à la fois, assisteront les agriculteurs et garderont les éléphants à l’écart des problèmes. »

Mais encore une fois, ces solutions nécessitent le recours à de nombreux outils, tels que les dispositifs de suivi et les pièges photographiques. STE assure actuellement le suivi de près de 30 éléphants dans une zone qui abrite environ 17 000 de ces pachydermes. Dans les zones de suivi des éléphants, l’organisation utilise des avions pour la collecte de données. « Cela nous permet de rassembler des informations complémentaires qui peuvent nous aider à interpréter leurs mouvements », a expliqué Frank Pope.

Plusieurs organisations ont mis en place un financement pour garantir un meilleur accès aux dispositifs nécessaires à une utilisation efficace de la plateforme EarthRanger.

STE s’est associée aux organisations Wildlife Conservation Network et Leonardo DiCaprio Foundation pour créer un Elephant Crisis Fund (ECF) dont la mission est de collecter des fonds pour promouvoir des projets sur le continent africain et à travers le monde. « Notre travail, c’est de payer les gens pour qu’ils nous aident à équiper les éléphants de colliers électroniques, les gardes forestiers de dispositifs de suivi, et à intégrer la plateforme EarthRanger à leurs activités afin qu’ils puissent aussi bénéficier de ces outils », a ajouté Frank Pope.

L’éléphant Fred du Kenya Wildlife Service et du Mara Elephant Project est équipé d’un collier électronique et est l’un de leurs éléphants mâles les plus reconnaissables. Il a été équipé de son collier en 2013, en réponse à une augmentation du braconnage dans le Greater Mara Ecosystem. Crédit photo : Jake Wall/MEP.

« Fort heureusement, l’adoption des technologies à travers les aires protégées est en augmentation », a confié Jes Lefcourt « Il existe certainement encore des sites au milieu de nulle part qui ne sont toujours pas équipés de ces dispositifs, et EarthRanger ne peut donc pas vraiment les aider », car un certain degré d’infrastructure est tout de même nécessaire.

Un autre problème tient des difficultés de gestion.

« EarthRanger reste un outil, et tout dépend de la manière dont il est utilisé. Une gestion efficace est essentielle pour en faire bon usage », a fait observer Jes Lefcourt.

L’utilisation de EarthRanger nécessite une formation et une certaine maîtrise de la lecture de données, ce qui mène à des exigences plus strictes lors du recrutement des gardes forestiers, selon Jake Wall.

Néanmoins, la technologie a engendré des résultats positifs au-delà du travail de conservation en apportant son aide aux problèmes d’ordre humanitaire, comme lors de l’invasion de criquets pèlerins l’an dernier en Éthiopie qui avait menacé la sécurité alimentaire de 34 millions de personnes. Grâce à un partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Vulcan a créé une configuration EarthRanger sur mesure pour analyser les informations d’eLocust3m, un outil de suivi mobile utilisé pour collecter les données sur le comportement des criquets et leurs mouvements. Cet outil a ensuite été utilisé par 51 Degrees Limited pour localiser et détruire les essaims, et pour prendre des décisions éclairées afin de répondre au mieux à la situation.

Ces différentes situations mettent bien en lumière la diversité de l’outil, selon Craig de 51 Degrees, et montrent « à quel point EarthRanger est capable de quitter le domaine de la conservation pour se concentrer sur la résolution des questions humanitaires d’une manière tout aussi cohérente. »

 
Image de bannière : Un chercheur de Save the Elephants, David Letitiya, en train de suivre les déplacements des éléphants grâce à l’application Save the Elephants de EarthRanger. Crédit photo : Frank af Petersens pour Save the Elephants.

Article original: https://news.mongabay.com/2021/08/find-my-elephant-the-conservation-apps-revolutionizing-how-rangers-work/

Quitter la version mobile