Nouvelles de l'environnement

Une étendue de forêt primaire de la taille de Los Angeles a pris feu dans une province de la RDC en 2020

  • En 2020, plus de 1500 kilomètres carrés de forêt ancienne ont brûlé dans la province de Sankuru, dont de vastes étendues dans une réserve naturelle.
  • Selon les données de Global Forest Watch (GFW), une plateforme développée par le World Resources Institute, la RDC a globalement enregistré l'an dernier sa deuxième plus forte baisse de la couverture de forêt primaire.
  • Les forêts du pays subissent une pression croissante résultant de plusieurs facteurs : une population qui augmente, des changements climatiques tels que des saisons des pluies plus courtes et, plus récemment, des troubles liés au COVID-19.
  • Au cours des deux dernières années seulement, plus de 1000 kilomètres carrés de terres de la réserve naturelle du Sankuru ont été incendiés.

La province de Sankuru, en République démocratique du Congo, a connu un nombre record d’incendies en 2020. En effet, 9500 kilomètres carrés de terres ont brûlé dont plus de 1500 kilomètres carrés de forêts anciennes, soit une superficie équivalente à celle de Los Angeles, dont de vastes étendues dans la réserve naturelle du Sankuru.

Zone brûlée dans et autour de la réserve naturelle du Sankuru du 1er mai 2020 au 1er août 2020 pendant la haute saison des feux. Cette carte interactive peut être utilisée pour suivre l’extension de la zone brûlée en cliquant sur le bouton « play » dans la légende.

 

En août, les satellites de la NASA détectent tous les jours environ 10 000 feux de forêt dans le monde dont la plupart se trouvent en Afrique. Ils ne suscitent pas la même inquiétude que celle provoquée par l’Amazonie car ces incendies se déclarent le plus souvent sur des terres de la savane ou des champs d’agriculteurs, dans le cadre d’un cycle annuel de préparation des terres agricoles existantes en vue de leur plantation.

Mais 2020 semble être différente. Selon les données de Global Forest Watch (GFW), une plateforme développée par le World Resources Institute, la RDC a enregistré sa deuxième plus forte baisse de la couverture de forêt primaire.

Deux bonobos adultes avec leur bébé. Ces grands singes ne se trouvent qu’en RDC. Image offerte par Flickr.

La RDC abrite environ la moitié des forêts tropicales alimentées par le fleuve Congo, dont la superficie n’est dépassée que par celle de l’Amazonie.

Les forêts du centre de la RDC subissent une pression qui se voit fortement accrue par plusieurs facteurs : une population qui augmente, des changements climatiques tels que des saisons des pluies plus courtes et, plus récemment, des troubles liés au COVID-19.

Ces forêts tropicales humides dominant une grande partie de la province de Sankuru cèdent la place à une mosaïque de peuplements, de savanes et de terres boisées dans le sud-est. Près de la moitié de la zone brûlée dans la province de Sankuru en 2020 présentait une couverture arborée de 30% ou plus, ce qui sous-entend que ces arbres appartenaient à des forêts.

La réserve naturelle du Sankuru (RNSA) a été créée en 2007, dans le but de protéger cette section des célèbres forêts tropicales de la RDC. Environ 80% de la RNSA est boisée, mais un quart de la réserve porte déjà l’empreinte des activités humaines. On y trouve des territoires occupés depuis longtemps par près de 80 000 villageois qui dépendent principalement de l’agriculture sur brûlis et de la chasse pour survivre. Ces activités de subsistance sont pratiquées dans toute la province.

“Les villageois n’ont pas de tracteurs ou d’équipements agricoles, ils utilisent donc le feu”, explique Nyembo Kabemba Faustin, un spécialiste de la biodiversité qui a effectué des recherches sur les bonobos à Sankuru. “Il devient facile d’abattre les arbres et de remplacer la forêt par des terres agricoles”.

 

Les précipitations totales d’octobre 2020 à mars 2021, représentées sous la forme d’un classement indiquant s’il s’agit de l’une des saisons les plus humides ou les plus sèches depuis 1981. Carte offerte par la Communauté de développement d’Afrique australe à l’occasion du rapport de synthèse de 2021 sur l’état de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la vulnérabilité en Afrique australe. Mongabay a ajouté une note pour la République démocratique du Congo.

Ces dernières années, des saisons sèches plus longues et des faibles précipitations ont desséché ces forêts tropicales, les rendant plus facilement sujettes aux incendies.

“A la fin de la saison sèche, lorsque vous brûlez le champ, l’herbe est déjà sèche et la forêt l’est également, donc le feu continue jusqu’à ce qu’il atteigne cette forêt”, a déclaré Joachim Khonde, un chercheur spécialisé en agroéconomie à l’Institut supérieur d’études agronomiques de Mukumari, à Sankuru. “Ils [les cultivateurs itinérants] ne disposent pas des techniques pour créer des coupe-feux”.

 

Une image satellite du fleuve Congo obtenue grâce à Microsoft Zoom Earth.

S’étendant sur 30 000 kilomètres carrés, la réserve du Sankuru est proclamée “plus grande zone protégée continue pour les grands singes”. Mais son histoire est controversée.

Les bonobos (Pan paniscus), qui font partie du groupe des grands singes, se trouvent uniquement dans les jungles denses de la RDC, au sud du fleuve Congo. La RNSA se trouve à la limite sud-est de leur aire de répartition. Depuis le début, elle comprend de vastes zones où la présence de bonobos, ou d’autres grands mammifères, est contestée.

Selon Faustin, la réserve abrite une petite population de bonobos. Faustin et Khonde ont tous les deux expliqué que les villageois vivant dans et autour de la réserve s’opposaient aux restrictions imposées à leurs activités traditionnelles telles que la chasse, la fabrication de charbon de bois et la culture sur brûlis.

Les données de GFW indiquent qu’au cours des deux dernières années seulement, plus de 1000 kilomètres carrés de terres de la réserve du Sankuru ont été incendiés, dont 582 kilomètres carrés de forêt primaire.

Les routes non goudronnées découpent clairement la réserve en cinq parties. Les feux aperçus en 2020 le long de certaines de ces routes pourraient être destinés à la fabrication de charbon de bois qui répond aux besoins énergétiques d’une majorité de Congolais et qui provient essentiellement des zones forestières.

À travers la RDC, les zones protégées n’ont pas été épargnées par la perte de forêts causée par les incendies. A paper published last year in the journal Un article publié l’année dernière dans la revue Forests a révélé que la perte de forêts dans les zones protégées a augmenté entre 2001 et 2018.

Superficie totale brûlée à Sankuru, en République démocratique du Congo. A Sankuru, 1300 kilomètres carrés de terres ont brûlé jusqu’à présent en 2021. Ce chiffre n’a rien d’anormal comparé à celui des années précédentes, si l’on remonte jusqu’à 2001. Les incendies les plus importants enregistrés en une année datent de 2020, où 9500 kilomètres carrés ont brûlé. Attention : La superficie totale brûlée est calculée en additionnant les estimations des surfaces brûlées. Les zones ayant subi des incendies pendant plusieurs jours au cours de la période donnée seront comptées plusieurs fois. La disponibilité des données est limitée par le fournisseur de données et les données peuvent avoir jusqu’à deux mois de retard.

Les chercheurs commencent seulement à faire le point sur ce qui s’est passé en 2020. Alors que les cas de COVID-19 semblaient concentrés dans les zones urbaines, les répercussions de la pandémie ont été ressenties dans les coins les plus reculés du pays. Les incertitudes liées à la pandémie pourraient avoir poussé les gens à se tourner vers un outil qui a fait ses preuves : le feu.

La RDC a décrété l’état d’urgence sanitaire en mars 2020. Les déplacements ont été restreints et les grands rassemblements interdits. Ces mesures visant à contrôler la pandémie ont perturbé les vies et les moyens de subsistance, intensifiant l’isolement et l’insécurité, alors que les communautés de Sankuru luttaient contre les épidémies de deux autres maladies mortelles, à savoir la rougeole et la variole du singe.

L’exploitation minière artisanale, qui emploie près de 2 millions de Congolais, a également pris un coup. Les mineurs se rassemblent sur des sites prometteurs, souvent par centaines, équipés d’outils basiques pour arracher l’or à la terre. Les interdictions de rassemblements ont entravé leur travail. Les restrictions ont empêché la circulation des équipements dans les zones minières et réduit les exportations de la production minière artisanale.

En parallèle, les restrictions ont perturbé l’approvisionnement en nourriture et le commerce de la viande de brousse.

Dans la province de la Tshopo, à la frontière nord de Sankuru, la pandémie a rendu difficile l’approvisionnement des marchés pour les grands producteurs de charbon de bois locaux, déclare Jolien Schure. Accompagnée de ses collègues du Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), elle a réalisé une évaluation rapide de l’impact du COVID-19 sur le secteur du charbon de bois à Kisangani, une ville de la province de la Tshopo.

De nouveaux producteurs, se retrouvant coupés de tout autre moyen de subsistance, se sont lancés dans la fabrication de charbon de bois. Les pertes d’emplois et la fermeture des écoles ont accru la disponibilité de cette main-d’œuvre mobile. C’était l’un des seuls moyens à disposition pour gagner rapidement de l’argent.

La pandémie a détourné les gens de leur travail habituel au moment où la nourriture et d’autres produits essentiels devenaient plus chers. “Ils gagnaient moins alors que les prix augmentaient, ils se sont donc retrouvés coincés entre le marteau et l’enclume”, a déclaré Schure.

Image de bannière : Vue du fleuve Congo entre Kinshasa et Lukolela, République démocratique du Congo. Image offerte par Ollivier Girard/CIFOR.

Références :

Faustin, N., Benoit, M., Mamadou, C., & Koné, I. (2020). Menaces d’origine anthropique et habitat de Pan paniscus dans la Reserve Naturelle de Sankuru, en Republique Democratique du Congo. European Scientific Journal ESJ16(21). doi:10.19044/esj.2020.v16n21p290

Jiang, Y., Zhou, L., Tucker, C. J., Raghavendra, A., Hua, W., Liu, Y. Y., & Joiner, J. (2019). Widespread increase of boreal summer dry season length over the Congo rainforest. Nature Climate Change9(8), 617-622. doi:10.1038/s41558-019-0512-y

Wade, C. M., Austin, K. G., Cajka, J., Lapidus, D., Everett, K. H., Galperin, D., … Sobel, A. (2020). What is threatening forests in protected areas? A global assessment of deforestation in protected areas, 2001–2018. Forests11(5), 539. doi:10.3390/f11050539

Schure, J., Kasereka-Muvatsi, L., Cerutti, P.O., & Sola, P. (2021). Impact of COVID-19 on woodfuel value chains in the DRC: Addressing risks and vulnerabilities of operators and end-users. doi:10.17528/cifor/008076

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/08/l-a-sized-tract-of-primary-forest-went-up-in-flames-in-drc-province-in-2020/

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