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Selon une étude, l’homme est le principal facteur influençant la répartition des éléphants à travers l’Afrique

  • Une récente étude qui a analysé les déplacements de 229 éléphants a révélé que l’influence humaine et les aires protégées étaient les principaux facteurs déterminant la taille de l’aire de répartition des éléphants.
  • Les aires protégées seules ne sont pas suffisamment grandes pour offrir aux éléphants l’espace dont ils ont besoin, et l’expansion de la population humaine représente une menace pour les pachydermes vivant à l’extérieur de ces zones.
  • Pour garantir un avenir aux populations d’éléphants, il est essentiel de trouver des solutions de cohabitation avec les humains, dont la mise en place d’un plan d’aménagement d’aires et de corridors fauniques.

Dans un écosystème encore intact, les déplacements des éléphants dépendent de la quantité de nourriture et d’eau disponible, du type d’habitat ou de la compétition présente sur le terrain. Mais selon une étude menée à l’échelle continentale par Save the Elephants et récemment publiée dans Current Biology, l’aire de répartition des éléphants est désormais principalement influencée par les activités humaines et les limites des zones protégées.

L’étude a comparé les données recueillies à travers 19 sites dans toute l’Afrique entre 1998 et 2013 sur 229 éléphants équipés de dispositifs GPS. Différents paramètres ont été analysés, comme le type de végétation, la couverture forestière, la quantité d’eau disponible et les activités humaines.

Les évolutions annuelles n’ont été influencées que par deux paramètres : l’empreinte écologique et le chevauchement avec une aire protégée. « Nous avons été surpris de constater que de nombreux paramètres qui, d’après nous, influencent traditionnellement les déplacements des éléphants, comme la végétation et la présence de terrains pentus, n’étaient pas prédominants…à long terme », a indiqué Jake Wall, directeur de recherche pour le Mara Elephant Project et auteur principal de l’étude.

À court terme, les chercheurs ont observé que la manière et le motif des déplacements des pachydermes au sein de leur aire de répartition dépendaient toujours de facteurs environnementaux alors que la taille de l’aire dans laquelle ils se déplaçaient était, elle, déterminée par des facteurs humains.

« Les facteurs anthropiques les forcent souvent à choisir la sécurité plutôt que l’endroit où ils peuvent trouver nourriture et eau », a expliqué le co-auteur Iain Douglas-Hamilton, fondateur de l’organisme Save the Elephants et associé de recherche principal à l’université d’Oxford. « Il s’agit généralement d’un équilibre entre sécurité, subsistance et besoins sexuels. »

Murembo, un éléphant aux défenses géantes du parc national de Tsavo, la plus grande aire protégée du Kenya. Crédit photo : Johan Marais.

Douglas-Hamilton, qui a lancé le radiopistage des éléphants en Tanzanie en 1969, a été témoin d’immenses changements dans les relations hommes-éléphants tout au long de sa carrière.

« Voir des hommes équipés de fusils automatiques entrer dans les parcs nationaux et les réserves pour y décimer les populations d’éléphants ne nous avait jamais traversé l’esprit, pas même dans nos pires cauchemars », dit-il, « et pourtant, c’est ce qui s’est passé. »

En mars 2021, l’UICN a publié le statut évalué séparément pour la première fois des deux espèces d’éléphants d’Afrique – l’éléphant de forêt (Loxodonta cyclotis) et l’éléphant de savane ou de brousse (Loxodonta africana) – après l’émergence de nouvelles preuves génétiques confirmant qu’elles étaient deux espèces distinctes. Les deux espèces avaient jusque-là été regroupées sous une classification commune, « éléphant d’Afrique ». L’éléphant de forêt est maintenant classé en danger critique d’extinction, avec un déclin de sa population de 86 % sur les 30 dernières années, tandis que la population d’éléphants de savane, en danger, a chuté d’au moins 60 % au cours des 50 dernières années.

Après les efforts soutenus des conservationnistes et des gouvernements pour lutter contre le braconnage, il existe maintenant une lueur d’espoir pour les éléphants d’Afrique, avec des populations en augmentation ou restant stables. Cependant, l’étude met en évidence un nouveau problème qui pourrait gêner son rétablissement.

« Ce que nous avons supposé jusqu’ici, c’est que le terrain et l’habitat étaient probablement intacts, disponibles, et que les animaux pourraient trouver un espace pour le rétablissement de leurs populations », a déclaré Ben Okita-Ouma, coprésident du groupe de protection des éléphants pour l’UICN et responsable du programme de suivi pour Save the Elephants, qui n’a pas participé à l’étude.

D’après les données recueillies, l’équipe de recherche a estimé que près des deux tiers du continent continuaient d’offrir un habitat adapté aux pachydermes. Toutefois, ils n’occupent actuellement que 17 % de cet habitat à travers le continent, dont la moitié à l’extérieur des aires protégées. Avec la population humaine qui devrait doubler d’ici 2050 en Afrique, les conservationnistes se trouvent confrontés à un enjeu sérieux. Ils vont devoir veiller à ce que l’habitat ne soit pas uniquement adapté aux éléphants, mais qu’il leur reste également disponible.

Map which illustrates the potential and actual range of African elephants
Carte illustrant l’aire de répartition potentielle et réelle des éléphants d’Afrique. Crédit photo : Wall et al. (2021).

« Dans de nombreux endroits, on retrouve des éléphants évoluant loin des aires protégées, ce qui sous-entend qu’ils ont besoin de plus d’espace que ce qui est actuellement sous protection pour la faune sauvage », a rapporté Wall.

Quand populations d’éléphants et populations humaines, toutes deux en expansion, se retrouvent à l’extérieur des aires protégées, la rencontre aboutit souvent à un conflit hommes-éléphants. Douglas-Hamilton veut voir le conflit se transformer en cohabitation en garantissant aux communautés locales de pouvoir tirer profit de cette coexistence avec la faune sauvage.

« À terme, la survie des éléphants dépendra ce que les gens ressentent à leur égard » a-t-il expliqué. « Pas seulement ceux qui vont les voir, ou qui les observent de loin, mais les individus qui doivent cohabiter avec eux. »

La diversité des situations à travers l’Afrique suppose qu’il n’existe pas de solution unique. Dans certains endroits, l’accroissement de la densité de la population humaine et le développement des infrastructures modernes, comme les routes, les voies ferrées, les lignes électriques et l’habitat en dur indiquent que la coexistence est un enjeu.

Pour illustrer les difficultés qui peuvent surgir d’une cohabitation avec ces pachydermes, Okita-Ouma a cité l’exemple du troupeau de 15 éléphants sauvages d’Asie errant à travers la Chine depuis quelques mois. Les éléphants ont fait le buzz sur internet, ils ont été suivis par des millions de personnes et ont captivé la population chinoise. Leur progression vers les installations humaines aurait poussé les autorités chinoises à déployer 319 forces de sécurité et 18 drones pour suivre leurs déplacements et tenter de les détourner des zones urbaines.

« Il s’agit ici d’une situation où l’on manifeste vraiment sa compassion ; oui, on aime réellement ces animaux, et oui, on veut vraiment leur donner de l’espace, mais la réalité, c’est que, dans la situation actuelle, où [les éléphants] en sont arrivés, on ne peut pas cohabiter avec eux », a rapporté Okita-Ouma.

Un déplacement d’éléphants. Crédit photo : David Giffin.

Douglas-Hamilton, Wall et Okita-Ouma s’accordent tous à dire que l’aménagement du territoire est crucial, en particulier la création de corridors fauniques pour faciliter la circulation des éléphants d’un endroit à un autre et l’accès aux ressources dont ils ont besoin. Le gouvernement du Botswana a déjà mis en place des corridors fauniques qui permettent aux éléphants du parc national de Chobe d’accéder à la rivière Chobe, y compris à travers les zones industrielles, urbaines ou agricoles.

« Il est encore temps d’instaurer des plans d’aménagement plus efficaces pour nos terres, de désigner des zones, de les réserver à la faune sauvage et de veiller à ce qu’elles soient bien interconnectées », a déclaré Okita-Ouma. « Si nous arrivons à saisir cette opportunité, l’avenir des éléphants sera prometteur. »

 
Citations:

Adams, T. S., Chase, M. J., Rogers, T. L., & Leggett, K. E. (2017). Taking the elephant out of the room and into the corridor: Can urban corridors work? Oryx51(2), 347-353. doi:10.1017/s0030605315001246

Wall, J., Wittemyer, G., Klinkenberg, B., LeMay, V., Blake, S., Strindberg, S., … & Douglas-Hamilton, I. (2021). Human footprint and protected areas shape elephant range across Africa. Current Biology31(11), 2437-2445. doi:10.1016/j.cub.2021.03.042

 
Image de bannière : Des éléphants assoiffés s’approchant du point d’eau de Gemsbokvlakte dans le parc national d’Etosha, en Namibie. Les éléphants ont une grande capacité d’adaptation et peuvent survivre dans une grande variété d’habitats. Crédit photo : Roy Terlien.

Article original: https://news.mongabay.com/2021/06/humans-are-biggest-factor-defining-elephant-ranges-across-africa-study-finds/

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