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RD Congo : Bora Ntianabo Marie Jeanne, une éco garde moins payée malgré ses sacrifices

Les gardes du parc national de Kahuzi-Biega se tiennent en formation dans le parc en octobre 2016. Photo de Thomas Nicolon pour Mongabay.

  • Quelques fois, des jeunes issus des familles des chasseurs décident de se désolidariser avec leurs familles pour faire le contraire de celle-ci, c’est-à-dire, protéger la faune et la flore. C’est le cas de Bora Ntianabo Marie Jeanne
  • Agée de 29 ans, seule fille d’une fratrie de 8 enfants, Bora n’est pas impressionnée par des prix colossaux offerts par des braconniers dépassant même 23 000 dollars par bébé gorille. Au contraire, elle les protège contre les braconniers.
  • Le COVID19, les conflits armés et le braconnage sont des maux qui handicapent le travail des éco gardes mais ne découragent pas les gardiens du parc national de Kahuzi Biega dans le Sud-Kivu dont Bora Ntianabo Marie Jeanne.

Déjà à 13 ans, Bora participait aux séances de sensibilisation qu’organisaient les éco gardes  dans le secteur et a été attirée par ce travail qu’elle trouvait « extraordinaire ». Elle garda en elle le souci de devenir un jour éco garde, un rêve qui sera matérialisé après l’obtention de son diplôme des humanités générales.

En 2013, Bora va réussir un test de recrutement et deviendra désormais l’un des 111 membres de cette équipe du Parc National Kahuzi Biega. Sur un total de 111 recrus, il y avait 8 femmes, dont Bora Ntianabo Marie Jeanne.

« Je vais faire de tout mon mieux pour qu’un jour je puisse diriger, dans les jours à venir, l’un des sites de l’Institut Congolais de Conservation de la Nature » raconte-t-elle avec beaucoup d’assurance.

Impressionnés, ses collègues témoignent que Bora est une battante, son courage, son engagement et sa motivation le prouvent, raconte Hubert Mulongoy Dumarché, un collègue de longue date.

«  Bora ne lâche jamais et reste prise aussi longtemps qu’elle n’a pas atteint son objectif. Son courage était visible dès les premiers jours de la formation au travail de l’éco garde car accrochée à un exercice, bien qu’il soit difficile, elle finissait par le réussir bien que d’autres, filles et garçons n’y parvenaient pas aussi facilement ».

Elle prend le temps de s’y mettre jusqu’à atteindre la finalité. Elle est tenace, raisons pour lesquelles elle a été responsable d’équipes à maintes reprises, raconte Hubert Mulongoy Dumarché.

Bora Ntianabo Marie Jeanne, 29 ans, eco garde au park Kahuzi Biega en compagnie de son collegue de travail/Photo de David Kalinga Safari
Bora Ntianabo Marie Jeanne, 29 ans, eco garde au park Kahuzi Biega en compagnie de son collègue de travail/Photo de David Kalinga Safari

Un salaire aussi maigre que 50 EURO

Le travail bien que difficile pour les éco gardes n’est pas bien rémunéré. Les éco gardes ne touchent que 55 EURO à la fin du mois et des fois le salaire n’arrive pas suite au manque du tourisme dans le parc. Il arrive de faire 3 à 6 moins sans en toucher une seule pièce, ce qui rend la vie des éco gardes difficile voire même intenable.

Pour Bora, les besoins, devoirs et dépenses personnels étant nombreux, son solde mensuel d’au moins 55 EUROS, ne les couvrent pas tous. Etant locataire d’une maison dans la cité, Marie Jeanne doit supporter les frais scolaire de quatre de ses frères qui font les études secondaires et ses parents qui attendent quelque chose d’elle car n’ayant plus la force de pouvoir subvenir à leurs besoins vu leur état maladif.

Bora ou d’autres éco gardes n’arrivent même pas à payer le loyer, se nourrir, se vêtir ou subvenir aux besoins des membres de la famille âgés et souvent maladifs.

Un Parc historique mais en péril

Si Bora et les autres éco gardes qui y travaillent se lamentent comme quoi leur salaire arrive tardivement ou n’est pas suffisant, le parc lui-même enregistre pas mal de défis car lui aussi est en péril.

Le Parc National de Kahuzi Biega, qui tire ses origines de deux montagnes, Kahuzi avec 3308m d’altitude et Biega 2790m, avec sa superficie de 6.000km2 fut créé en 1970. Il  se situe à l’Est de la République Démocratique du Congo et est inscrit sur la liste des patrimoines en péril depuis 1997 au niveau mondial. Il  regorge en son sein des espèces rares et spéciales des mammifères comme les gorilles de plaines orientales communément appelés des Gorilles de Grauer.

Ce parc emploie plus de 250 éco gardes et ceux-ci ont des lourdes charges de protéger et préserver la faune et flore en vue de rendre le tourisme et visites agréables.  Hélas ces derniers mènent une vie misérable, car doivent vivre des aides extérieures ainsi que du tourisme.

Suite à la COVID19, le tourisme a sensiblement souffert et continue de souffrir. En plus de ce fléau, l’insécurité causée par plusieurs formes de conflits entre groupes armés opérant en toute quiétude dans ledit parc n’arrange pas les choses.  Des braconniers qui, désormais emploient des armes sophistiqués, des prospecteurs d’or et du coltan dans le parc gênent les écosystèmes du parc.

 Un bébé gorille se vend dans les parages à plus de 23 000 dollars.

Un gorille de Grauer dans le parc national de Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo en 2016. Photo de Thomas Nicolon pour Mongabay

La vie des éco gardes est difficile en République Démocratique du Congo et les braconniers se moquent des éco gades qui refusent à céder aux séductions de ceux-ci. Bora, de même que les autres sont confrontés aux embuscades,  tendus souvent par des braconniers ou des chasseurs armés de fusils sophistiqués.

De temps en temps, les éco gardes sont incompris par le monde au tour d’eux. Selon Bora, un bébé gorille se vend à au moins 23 000 dollars à moins de 50km du Parc.

« Je ne suis pas tentée par cette somme. Je ne peux pas m’associer à ceux qui ont toujours détruit nos forêts pour vendre des animaux que je suis ici pour protéger », raconte-t-elle.

Bora puisque c’est elle qu’il s’agit, une éco garde engagée et dévouée tient le coup. Avec son arme à l’épaule, sa tenue en forme, képi à la tête et bottines bien serrée, elle se sent prête à faire face à n’importe quelle circonstance pouvant survenir dans le but de détruire l’environnement qu’elle s’est juré de protéger à tout prix.

Le parc contient au moins 171 gorilles de montagnes (Grauer) qui vivent en toute quiétude grâce à la bravoure des éco gardes et peuvent ainsi accepter la présence humaine, chose qui rend le tourisme dans ce parc si agréable.

Bora participe aux sensibilisations des populations riveraines en ce qui est de la protection du parc ainsi que de ses populations. Ses sensibilisations vont aussi dans le sens de lutter contre le déboisement et le braconnage. Elle plaide pour la bonne et meilleure gestion des ressources du parc et se donne corps et âme pour son bon fonctionnement.


Légende de l’image en vedette: Les gardes du parc national de Kahuzi-Biega se tiennent en formation dans le parc en octobre 2016. Photo de Thomas Nicolon pour Mongabay.

 
Correction 6/10/2021: Une version antérieure de cet article appelait les gorilles de plaines orientales “gorilles de Gower”. Nous avons corrigé l’erreur avec la dénomination correcte de “gorilles de Grauer”. Le texte disait aussi que les bébé gorilles sont vendus à plus de 2000 dollars, le chiffre correct est de 23 000 dollars. Nous regrettons les erreurs.

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