Nouvelles de l'environnement

Le Gabon devient le premier pays d’Afrique a être payé pour protéger ses forêts

  • Le Gabon a récemment reçu de la Norvège 17 millions de dollars US sur un total de 150 millions en contrepartie d'une réduction avérée de ses émissions, dans le cadre de l'initiative pour les forêts d'Afrique Centrale (Central African Forest Initiative, ou CAFI).
  • Le Gabon possède une couverture forestière à hauteur de 88% de son territoire et il a limité la déforestation annuelle à 0,1% sur les 30 dernières années, principalement grâce aux revenus du pétrole qui soutiennent l'économie nationale.
  • Ses réserves de pétrole étant en baisse, le Gabon cherche à diversifier et à fortifier son économie sans sacrifier ses forêts, en développant une économie forestière durable, à l'aide de programmes tels que la CAFI.

En 2019, la Norvège s’est engagée à verser 150 millions de dollars US au Gabon pour qu’il protège ses forêts dans le cadre de l’initiative pour les forêts d’Afrique Centrale (Central African Forest Initiative, ou CAFI). Après un audit indépendant des taux de déforestation du pays en 2016 et en 2017, le Gabon a récemment reçu son premier versement de 17 millions de dollars US, devenant ainsi le premier pays africain à recevoir un paiement pour la réduction avérée de ses émissions dues à la déforestation et à la dégradation de ses forêts (REDD+).

« Je pense que c’est une bonne nouvelle, » déclare Denis Sonwa, cadre scientifique du Centre pour la recherche forestière internationale (Center for International Forestry Research, ou CIFOR), au Cameroun. « C’est une preuve que REDD+ est techniquement possible, mais pour en faire une réalité, il nous faut une politique nationale dynamique. »

La CAFI a été créée en 2015 : un accord collaboratif entre six pays d’Afrique Centrale (la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Cameroun) et six partenaires financiers (l’Union européenne, la France, la Norvège, l’Allemagne, la Corée du Sud et les Pays-Bas).

La CAFI est basée sur le mécanisme de REDD+ développé par les parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le principe de base de REDD+ est que les pays en voie de développement devraient pouvoir bénéficier financièrement des services écosystémiques fournis par leurs forêts, comme le stockage du carbone, et en tant que réserves de biodiversité. Le concept de REDD+ existe depuis 2005 et il a été mis en œuvre de différentes façons, avec divers degrés de réussite.

Avec quelques 88 % de sa superficie couverts par la forêt tropicale et un taux moyen de déforestation de moins de 0,1% sur les 30 dernières années, le Gabon est ce qu’on appelle un pays à couvert forestier élevé et faible taux de déforestation (high-forest, low-deforestation, ou HFLD), un parmi onze seulement dans le monde qui peuvent revendiquer ce statut. Les forêts du Gabon abritent une immense biodiversité, avec plus d’espèces de plantes que dans toutes les forêts d’Afrique de l’Ouest confondues. Le Gabon est également l’un des derniers endroits dans le monde où les éléphants de forêt peuvent circuler librement entre la forêt et la mer et où on peut les voir se promener sur la plage.

88 % du Gabon est recouvert par la forêt tropicale et le taux de déforestation se situe à moins de 0,1 %, le classant parmi les pays à couvert forestier élevé et faible taux de déforestation (HFLD). Photo jbdodane via Flickr (CC BY-NC 2.0).

« En termes d’émissions de carbone, notre résultat est en fait positif, » a déclaré Lee White, ministre de la Forêt, des Océans, de l’Environnement et du Changement climatique, dans un entretien à la BBC. « Nous absorbons 100 millions de tonnes de carbone de plus que nos émissions annuelles. »

Le cas du Gabon est inhabituel. La découverte de pétrole dans les années soixante-dix a radicalement changé le destin du pays et sa dynamique sociale. En 1970, le taux d’urbanisation du Gabon était de 30% ; en 2020, plus de 90 % de la population gabonaise vivait en zones urbaines, pour une moyenne de 41 % en Afrique subsaharienne. Le Gabon a également une faible densité démographique, avec seulement huit habitants par kilomètre carré, pour une moyenne de 45 habitants par kilomètre carré en Afrique subsaharienne.

Cette combinaison peu commune (faible densité de population et urbanisation élevée, soutenue par les revenus du pétrole) a limité l’impact de l’homme sur les forêts gabonaises. Le pétrole a servi de fondation à l’économie gabonaise, représentant 80 % des exportations et 45 % du PIB entre 2010 et 2015. Cependant les réserves de pétrole sont en baisse et, avec l’instabilité des prix, le gouvernement du Gabon cherche de nouveaux moteurs à son économie.

Sa superficie de terres agricoles étant limitée, le Gabon doit importer des denrées alimentaires, pour une valeur de 591 millions USD rien qu’en 2018. Le pays souhaite générer plus de revenus à partir de ses forêts tout en continuant à les protéger, et la CAFI fait partie de ce projet.

« Nous essayons de créer un nouveau modèle de développement pour un pays à couvert forestier élevé, qui préserve la forêt mais nous permette de nous développer, » a déclaré M. White.

Pour être financièrement et écologiquement durable, l’industrie forestière doit créer et retenir autant de valeur que possible dans le pays. Depuis 2010, le Gabon ne permet l’exportation du bois qu’après que celui-ci ait subi un certain degré de transformation. Le Gabon a également adopté une approche durable de l’exploitation forestière pour minimiser la dégradation, en demandant à ses entreprises du secteur d’abattre les arbres sur un cycle de 25 ans pour permettre la repousse. En 2018, le Président Ali Bongo a également déclaré que toutes les concessions forestières devraient être certifiées FSC d’ici à la fin 2022.

Partant du principe que le taux de déforestation au Gabon est déjà faible, les versements de la CAFI visent à réduire les émissions de CO2 dues à la dégradation forestière à travers des pratiques d’exploitation durables. La CAFI paiera aussi pour la séquestration du CO2 par les forêts du Gabon, dans l’espoir de donner de la valeur aux forêts sur pied, et pas seulement sous forme de bois. L’argent reçu de la Norvège sera investi dans le développement de ce modèle forestier durable au Gabon.

Avec 4,7 milliards de dollars US de pétrole exporté, le Gabon a de plus en plus de mal à replacer ses revenus pétroliers de manière durable. Outre la foresterie durable, l’huile de palme a pris une place éminente sur l’agenda de la diversification économique du Gabon, soulevant des inquiétudes quant à une possible conversion de la forêt.

Il est encore tôt pour les autres initiatives de la CAFI. Celle-ci s’est engagée à investir 200 millions de dollars US dans des programmes conçus pour remédier à la déforestation en République démocratique du Congo en 2016. Depuis la signature de l’accord, l’instabilité dans le pays a entravé les efforts de la CAFI, et la découverte de pétrole sous les tourbières de la Cuvette centrale a suscité des inquiétudes quant à la mise en œuvre des accords signés. La CAFI n’a encore pris aucun engagement significatif avec les quatre autres pays partenaires.

Il reste à voir si les autres pays peuvent reproduire le succès du Gabon en obtenant des paiements basés sur des résultats pour la protection de leurs forêts et si le Gabon peut se diversifier à l’écart du pétrole tout en gardant ses forêts intactes.

Ce qui ne fait aucun doute, c’est la valeur du bassin du Congo et les retombées internationales si des pays comme le Gabon ne trouvent pas les moyens de se développer selon leurs besoins sans sacrifier leurs forêts.

« Les forêts gabonaises et congolaises permettent la formation des précipitations qui tombent dans le Sahel, donc si nous perdons le bassin du Congo, nous perdons les précipitations qui tombent à travers l’Afrique, » a déclaré Lee White. « Si nous perdons les stocks de carbone du bassin du Congo, qui représentent environ 10 ans d’émissions mondiales de CO2, nous perdons la lutte contre le changement climatique. »

Les forêts gabonaises et congolaises permettent la formation des précipitations qui tombent dans le Sahel. Photo Axel Rouvin via Flickr (CC BY 2.0).

Image de bannière: Éléphants à Longue Bai, Gabon, par Jefe Le Gran via Flickr (CC BY 2.0).

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/07/gabon-becomes-first-african-country-to-get-paid-for-protecting-its-forests/

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