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Sans espace pour se développer, la croissance de la population des gorilles de montagne pourrait faire boomerang

  • Les populations de gorilles de montagne n'ont cessé de croître au cours des dernières décennies, en grande partie grâce aux efforts intensifs de conservation déployés au Rwanda, en Ouganda et en République démocratique du Congo.
  • Cependant, toute la population de cette espèce est confinée dans des parcs protégés de ces pays, avec un espace limité pour s'étendre. La densité de population a donc augmenté au fur et à mesure que la population s'est développée.
  • Une nouvelle étude qui a suivi les répercussions et l'intensité des infections parasitaires dans toute l'aire de répartition du gorille de montagne présente une corrélation entre une plus grande densité de population et une plus grande vulnérabilité aux parasites et à d'autres problèmes de santé.

Selon une nouvelle étude, les gorilles de montagne, l’un des singes les plus menacés au monde, semblent être confrontés à une nouvelle menace pour leur santé après qu’une campagne de conservation fructueuse les a sauvés d’une extinction imminente.

Grâce à d’importants efforts de conservation, la population de gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei) compte aujourd’hui plus de 1 000 individus, contre 620 en 1989, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Par conséquent, en 2018, l’organisation a modifié le statut de conservation des gorilles de montagne, qui est passé de “en danger critique” à “en danger”.

Cependant, l’habitat disponible pour les gorilles de montagne ne s’est pas développé au même rythme que la croissance de l’espèce. Tous les gorilles sont confinés dans des parcs au Rwanda, en Ouganda et en République démocratique du Congo. Limités par les établissements humains, les gorilles ne peuvent pas s’étendre au-delà de ces zones protégées, ce qui entraîne une augmentation de la densité de population.

L’étude, menée par la biologiste Klára J. Petrželková de l’Académie tchèque des sciences, a révélé qu’avec l’augmentation de la densité de l’espèce, les gorilles de montagne sont devenus plus vulnérables aux problèmes de santé.

Alors que des maladies gastro-intestinales ont été signalées chez les primates, les chercheurs ont examiné la prévalence de deux vers parasites (helminthes), les strongles et les ténias, et ont constaté que le schéma d’infection semble être influencé par l’âge, la zone d’habitat et la taille du groupe de gorilles.

Les conclusions, qui, selon les auteurs du rapport, mettent en évidence les “effets secondaires” probables du succès de la conservation, devraient orienter les efforts de conservation à venir et les études universitaires sur les gorilles.

Le gorille de montagne (Gorilla beringei beringei) est une sous-espèce du gorille de l’Est et se trouve dans cinq zones protégées en RDC, au Rwanda et en Ouganda. Image de Rhett Butler pour Mongabay.

Modèles et facteurs d’infection

L’étude représente la première enquête à l’échelle de l’espèce sur les infections parasitaires menée sur toute l’aire de répartition du gorille de montagne. “L’étude a porté sur les deux populations de gorilles de montagne et a été réalisée à différentes saisons afin de découvrir les facteurs et les modèles des infections helminthiques”, a déclaré Petrželková.

En collaboration avec les autorités du Rwanda, de l’Ouganda et de la RDC, une équipe internationale de chercheurs a suivi les infections par strongles et ténias en examinant les excréments des gorilles de montagne pour y trouver les œufs des vers. Ils ont collecté des échantillons dans les nids nocturnes et des échantillons de gorilles identifiés individuellement pendant les saisons sèches et les saisons des pluies en 2018, et ont étudié comment l’âge, le sexe, la taille du groupe, la saison et la zone d’habitat affectent les infections. Ils se sont également concentrés sur le type de végétation, la taille de la sous-population de gorilles et la structure sociale dans une zone donnée.

L’étude a révélé un plus grand nombre d’infections (constatées par une plus grande quantité d’œufs de vers dans les excréments des gorilles) dans les zones où plus d’incidents de maladies gastro-intestinales avait été signalés, ce qui montre que les infections dues à des vers parasites représentent un risque sanitaire grave pour les gorilles.

Les vers parasites peuvent évoluer dans la muqueuse de l’estomac (à gauche) et endommager la fonction gastro-intestinale. Les œufs de ténia (en haut à droite) et les nématodes strongyloïdes (en bas à droite) peuvent être observés et quantifiés en examinant au microscope les excréments des gorilles. Image de B. Červená/ ÚBO AV ČR.

Les chercheurs ont également constaté que dans certaines régions, on retrouvait davantage d’œufs de ténia et de strongles dans les excréments des gorilles appartenant à des petits groupes familiaux. Selon l’étude, cela est probablement dû au fait que les petits groupes subissent plus de stress causé par l’augmentation des affrontements entre groupes et les attaques de mâles extérieurs, ce qui les rend plus vulnérables aux problèmes de santé.

D’un point de vue critique, les chercheurs ont déclaré que les résultats indiquent que “les taux de croissance élevés des sous-populations de gorilles de ces 40 dernières années dans certaines zones peuvent avoir un lien avec les fortes intensités d’infection par les strongles que l’on trouve dans ces zones aujourd’hui”.

La perspective d’une réussite en matière de conservation avec un nouveau défi pour les primates représente une courbe d’apprentissage pour les défenseurs de l’environnement comme pour la communauté universitaire.

“L’augmentation du nombre de gorilles de montagne, espèce très menacée, est une source d’optimisme et mérite d’être célébrée. Cependant, en tant que scientifiques de la conservation et gestionnaires de la faune sauvage, nous avons beaucoup à apprendre”, a déclaré Joanna Lambert, biologiste de la conservation et professeure d’études environnementales à l’Université du Colorado, à Boulder, qui n’a pas participé à la recherche. “Les données présentées indiquent que ce qui se passe sur le terrain avec les animaux en voie de disparition est une histoire en évolution avec des conséquences inattendues.”

Une famille de gorilles de montagne dans le parc national des volcans au Rwanda. La population de l’espèce a augmenté, en grande partie grâce aux efforts de conservation, mais la densité croissante engendre de nouveaux défis. Image offerte par Gorilla Doctors.

Les limites de l’étude

Des études supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à des conclusions définitives, a déclaré Petrželková. Bien que l’étude indique un lien entre les populations élevées de gorilles et les infections parasitaires, les données spécifiques à la région sur les densités de population actuelles sont trop limitées pour que ce lien soit confirmé.

De plus, les chercheurs ont constaté que les mâles adultes, le sous-groupe le plus fréquemment diagnostiqué avec une gastrite mortelle, ne présentaient pas de niveaux plus élevés d’infections par des vers parasites que les femelles adultes.

Néanmoins, les résultats obtenus jusqu’à présent fournissent des indications importantes pour comprendre les populations de gorilles de montagne dans leur habitat confiné, a déclaré à Mongabay Anna Behm Masozera, directrice du Programme international de conservation des gorilles, basé à Kigali.

“Bien que l’étude mette en avant un certain nombre de domaines à étudier en aval, les conclusions soulignent l’importance de préserver ce qui reste de leur habitat du développement des infrastructures et d’atténuer l’impact humain”, a-t-elle déclaré.

“Il n’y a pas de réponses faciles aux défis de conservation auxquels les gorilles de montagne seront confrontés dans les décennies à venir, et nous pouvons nous tourner vers ce qui fut, comme nous le savons, un terrain propice au rétablissement du gorille de montagne ; une démarche et un suivi informés et intégrés, collaboratifs et transfrontaliers. Cette étude fournit à la fois des informations importantes et renforce l’argument selon lequel un plan d’action global pour les gorilles de montagne sera un précurseur pour s’attaquer de façon efficace et collaborative aux nombreux défis à venir.”

Lambert a déclaré que l’étude révèle une “voie claire et praticable” pour les professionnels de la conservation et les autorités responsables de la faune sauvage. Aussi, elle suggère que les parasites gastro-intestinaux doivent être surveillés de près.

“La bonne nouvelle est que cette surveillance est relativement peu coûteuse et peut être effectuée de manière non invasive, sans nuire à l’animal. De plus, les animaux infectés par des parasites peuvent être traités avec des médicaments très efficaces bien connus des vétérinaires de la faune sauvage”, a-t-elle déclaré dans une interview.

Références :

 
Artile original: https://news.mongabay.com/2021/06/without-room-to-expand-mountain-gorillas-population-growth-could-backfire/

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