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Malgré une population en hausse, les gorilles de Grauer restent menacés

  • La Wildlife Conservation Society a récemment réalisé un recensement de la population de gorilles de Grauer, revoyant l’estimation de leurs effectifs à la hausse : de 3 800 individus en 2016, ils sont passés à 6 800 individus cette année.
  • Certaines des données de l’étude proviennent des forêts communautaires d’Oku, dans l’est de la RDC, qui n’avaient pas été couvertes en 2016 en raison de l’insécurité dans la région.
  • Cette sous-espèce de gorille endémique de la partie orientale de la RDC est classée « en danger critique d’extinction » en raison de l’exploitation minière et du braconnage.
  • Les nombreux gorilles observés dans les forêts communautaires voisines du parc national de Kahuzi-Biéga démontrent que les communautés locales ont leur rôle à jouer dans le processus de conservation d'une espèce.

Un recensement récent de la population de gorilles de Grauer (Gorilla beringei graueri) indique que le nombre d’individus est deux fois supérieur à l’estimation précédente. Ces résultats ont suscité un regain d’optimisme chez les défenseurs de l’environnement quant à l’avenir de ce grand singe gravement menacé.

Cette étude publiée en mai, a été menée avec la participation de la Wildlife Conservation Society. Elle révèle que les chercheurs avaient sous-estimé le nombre total de gorilles de Grauer, une sous-espèce de gorilles endémique de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et la plus grande au monde. En effet, les résultats de 2021 comptent 6 800 individus, contre seulement 3 800 en 2016.

Selon les responsables de la WCS, l’estimation très basse établie en 2016 s’explique par l’instabilité qui régnait alors dans la région et empêchait les chercheurs de couvrir entièrement la zone de répartition du gorille de Grauer, aussi appelé gorille des plaines orientales. Ainsi, contrairement au recensement précédent, celui-ci inclut des données récoltées dans les forêts d’Oku.

Au cours de la nouvelle étude, les chercheurs ont trouvé un total de 3 815 gorilles de Grauer vivant dans le parc national de Kahuzi-Biéga et dans les forêts communautaires d’Oku, qui se trouvent hors de l’aire protégée et des concessions minières exploitées par les communautés traditionnelles.

Ces deux zones abritent près de 60 % de la population totale de gorilles des plaines orientales. Les 40 % restants sont répartis dans plusieurs régions de l’est de la RDC.

Un gorille de Grauer (Gorilla beringei graueri) et son petit. Il s’agit de la plus grande sous-espèce de gorille, pouvant peser plus de 200 kg à l’âge adulte. Image par Andrew Plumptre.

Pour les auteurs de l’étude, ces résultats sont à la fois surprenants et encourageants.

Les résultats de leur précédente étude indiquaient que les effectifs de l’espèce avaient chuté de près de 80 % entre le milieu des années 1990 et 2016. Les nouveaux chiffres suggèrent toutefois que le déclin observé n’est pas aussi dramatique. En outre, la population vivant dans les forêts d’Oku et dans les montagnes est demeurée stable au cours des vingt dernières années.

« J’ai été surpris par ces résultats, car en 2016, notre message faisait état d’une situation plutôt catastrophique pour les gorilles. Aujourd’hui, ils sont toujours en danger critique d’extinction, mais nous savons qu’ils sont présents dans des zones que nous n’avions pas pu couvrir la dernière fois. Nous pourrions peut-être même en trouver d’autres en élargissant encore notre aire de recensement », a expliqué Deo Kujirakwinja, coauteur de l’étude et directeur technique de la WCS en RDC, lors d’un entretien avec Mongabay.

Malgré ces chiffres encourageants, l’espèce de gorille reste fortement menacée.

Emma Stokes, directrice de la WCS en Afrique centrale, a déclaré à Mongabay que, si la chasse demeure leur plus grande menace, l’exploitation minière représente un danger croissant pour ces animaux.

« La région est très riche en minéraux et l’exploitation minière et le défrichage ont entraîné des pertes d’habitats. Comme la demande de certains minéraux est en hausse, nous nous attendons à voir l’exploitation minière augmenter », a-t-elle ajouté.

En effet, plus de 50 % de l’offre mondiale de coltan (un minerai utilisé pour la production de nombreux appareils électroniques et voitures électriques) et 80 % de celle de cobalt se trouvent en RDC. Malheureusement pour le grand singe, les gisements couvrent une partie non négligeable de son habitat.

Un jeune gorille de Grauer dans le parc national de Kahuzi-Biéga. Environ 60 % de la population totale de l’espèce vit au sein du parc et dans les forêts communautaires qui l’entourent. Image par Joe McKenna via Wikimedia Commons (CC BY 2.0) .

Pour Deo Kujirakwinja, l’étude souligne « l’importance cruciale de ces forêts et de leur protection pour les gorilles et leur avenir ». Il précise également que les forêts communautaires pourraient jouer un rôle capital dans la préservation de l’habitat des gorilles, car l’industrie intensive et l’exploitation minière y sont interdites.

En effet, les recherches suggèrent que les forêts communautaires d’Oku comptent plus de gorilles de Grauer que toute autre zone de son aire de répartition.

En 2018, trois concessions forestières d’une superficie totale de 1 465 kilomètres carrés ont été créées à Oku et leur gestion a été confiée aux communautés locales.

La WCS a travaillé avec celles-ci pour planifier la gestion des forêts et ainsi les « aider à exploiter les terres, mais de façon durable pour l’habitat local », explique M. Kujirakwinja.

Pour Emma Stokes, « ces concessions communautaires offrent une garantie pour les forêts, en les protégeant contre l’accaparement de leurs terres à des fins d’exploitation, notamment minière. Il serait formidable que ces forêts puissent être laissées en l’état, mais c’est impossible car ces communautés vivent sur ces terres et ont besoin de les utiliser. »

D’autres spécialistes des primates confirment que l’engagement des communautés locales dans les efforts de conservation est crucial pour aider les gorilles.

C’est le cas d’Alex Georgiev, primatologue à l’université de Bangor au Royaume-Uni, qui qualifie les résultats de l’étude « d’excellente nouvelle ». Il estime que « la conservation basée sur les communautés locales est un phénomène de plus en plus répandu, et c’est le seul moyen de préserver efficacement les espèces à grande échelle. On ne peut tout simplement pas créer des parcs nationaux partout. Il faut faire participer la population locale pour que la conservation fonctionne correctement. »

Un gorille de Grauer. En 2016, le total des effectifs était estimé à seulement 3 800 individus environ. Cependant, un recensement plus récent et couvrant un territoire plus large, dont une partie était auparavant inaccessible aux chercheurs pour cause d’insécurité, a permis de revoir ce chiffre à la hausse avec 6 800 individus. Image par Joe McKenna via Wikimedia Commons (CC BY 2.0).

« Nous observons un chevauchement de plus en plus important entre les zones d’activité humaine et l’habitat des singes », ajoute Dr Georgiev. « Nous devons apprendre à faire coexister les deux espèces. »

Il estime néanmoins que dans le cas de la RDC, qui fait face à des difficultés socio-économiques, à l’instabilité politique et à l’insécurité, cela ne sera pas facile : « Quand il s’agit de protéger une espèce, il n’y a pas de solution facile. Il peut être parfois compliqué de mettre en place un programme de conservation qui respecte autant les besoins des animaux que ceux des populations locales. La situation militaire complexe en RDC contribue à un climat d’insécurité qui n’aide pas non plus à sauvegarder les espèces. C’est la même chose quel que soit le pays. »

Selon les auteurs de l’étude, il est impératif d’aller plus loin que la simple gestion communautaire des forêts pour assurer le futur des gorilles : une réserve naturelle doit être créée.

La WCS, des ONG locales et le gouvernement travaillent conjointement à la création d’une réserve naturelle de 3 000 km² dans les forêts d’Oku afin de protéger la faune et la flore dont, bien sûr, les gorilles.

« Je suis confiant quant à l’avenir des gorilles, mais j’ai tout de même des doutes », a déclaré M. Kujirakwinja. « Il faut créer cette réserve naturelle. »

Selon lui, cette nouvelle réserve pourrait être créée d’ici trois ans, à condition que tout se passe bien.

« Pour que les gorilles continuent d’exister, ils ont besoin de beaucoup d’espace. Protéger leur habitat, par exemple en créant une réserve naturelle, va les aider », explique Dr Georgiev. « La mise en place de forêts communautaires autour d’une réserve semble être une solution viable. »

 

Citation:

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/06/new-survey-nearly-doubles-grauers-gorilla-population-but-threats-remain/

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