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RD Congo: Des naissances de bébés gorilles donnent espoir

Une maman singe observant son bébé

Une maman singe observant son bébé/Image de Geordie Mott

  • RDC : «baby-boom», ces nouvelles naissances de gorilles qui couronnent les efforts de conservation dans le Virunga
  • Depuis près de trois ans, le Parc national des Virunga, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), notifie des nouvelles naissances dans des familles des gorilles, ces grands singes plus proches de l’homme, après le bonobo et le chimpanzé, et dont les groupes sanguins présentent d’étonnantes similitudes avec ceux des humains.
  • Un phénomène «baby-boom» qui couronne, d’après les responsables du parc, les efforts engagés pour garantir la sécurité dans cette aire protégée, et par conséquent, favoriser le développement de la faune

Le 18 mai 2021, à l’aube d’une matinée claire sans pluie est née une « fille ». Cette fille dont il est question c’est plutôt un gorille né de la famille Mapuwa, l’une des dix familles du Parc National des Virunga, à l’est de la République Démocratique du Congo. Le 18 juin 2021 une autre nouvelle est tombée. Il s’agit de la femelle Mafuko de la famille Bageni dont la naissance a été confirmée après constat le 6 juin cette année dans la zone de Gikeri, secteur Mikeno.

Depuis janvier 2021, au moins 9 nouveaux bébés de gorilles ont vu le jour dans une région caractérisée par des guerres atroces qui viennent de durer plus de deux décennies.

Depuis, 1996, des guerres civiles se sont succédé en République Démocratiques du Congo et ont même emporté les vies des animaux. Parmi les grandes victimes de cette crise répétitive il y a les gorilles notamment chassés pour la viande par les belligérants.

Les gorilles sont des «grands primates robustes avec une large poitrine, des épaules traques et des grosses mains. Le visage est noir et sans poils, avec un front bas et des arcades sourcilières saillantes, de petits yeux rapprochés, des narines bien visibles et des mâchoires puissantes». Les gorilles sont les êtres les plus proches de l’homme, après le bonobo et le chimpanzé, et d’après les scientifiques, leurs groupes sanguins présentent d’étonnantes similitudes avec ceux d’humains.

Le bon temps ou «Baby-boom» mais les défis persistent

L’Institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) estime à plus de 350 le nombre de gorilles présents dans les aires protégées de Virunga, Kahuzi-Biega et Maiko à l’est de la République Démocratique du Congo.
Il s’agit notamment des gorilles des plaines de l’est qui vivent, pour ce qui est des Virunga, dans la région de Tchavirimu, et les gorilles de montagne qui vivent dans le secteur de Mikeno. Mais, ces gorilles sont confrontés à un triple défi : la destruction de leur habitat naturel par la déforestation, l’insécurité caractérisée par l’activisme des groupes armés locaux et étrangers dans les aires protégées, ainsi que le braconnage encouragé aussi bien par le commerce illicite des bébés gorilles.

«Depuis longtemps, dans les Virunga, on a toujours décrié l’absence d’une protection suffisante des espèces, y compris les gorilles, du fait de la présence des groupes armés. C’est par exemple les milices mai-mai ou les rebelles hutus rwandais des FDLR [Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, Ndlr] Ces groupes armés ont un contrôle dans et en dehors du parc, et vivent aussi du braconnage ou du commerce illicite des espèces protégées», déplore l’avocat Joseph T’hata, chercheur en sécurité environnementale.

«Dans le passé, les gorilles faisaient face aux menaces de braconnage de la part des gens qui récupéraient des bébés gorilles prétextant aller les revendre dans des zoos en Occident», témoigne l’éco-garde Jacques Katutu, chargé de monitoring des gorilles des Virunga.

Face à ces défis, le parc des Virunga a décidé d’intensifier les patrouilles et assurer un suivi rapproché, à travers des recensements réguliers. Presque chaque année, le parc recrute au sein des communautés riveraines des jeunes éco-gardes qu’il forme pour la surveillance de la flore et la faune de cette aire protégée de plus de 790.000 ha. D’après Olivier Mukisya, chargé de communication du PNVI, ces opérations visent à sécuriser cette aire protégée, et par conséquent, favoriser le développement de la faune.

«Le braconnage, c’est une vielle pratique constatée dans presque toutes les aires protégées. Pour nous, le suivi des gorilles est aujourd’hui permanent et nos éco-gardes organisent des patrouilles chaque jour. Il s’agit des patrouilles pédestres, des surveillances aériennes et un système d’alerte. Au-delà de ca, il y a des mécanismes conjoints de collaboration avec les aires protégées voisines cotés rwandais et ougandais pour la surveillance des mouvements de la faune», explique Olivier Mukisya.

Jacques Katutu qui travaille depuis dix ans dans la surveillance et le monitoring des gorilles reste convaincu que ce sont ces mécanismes qui favorisent aujourd’hui les nouvelles naissances de gorilles dans les Virunga, phénomène appelé «Baby-boom».

«En 2020, nous avons enregistré plusieurs naissances que d’autres années. Nous avons atteint 18 nouvelles naissances alors que la moyenne annuelle est de 12 naissances dans les Virunga. On a enregistré même la deuxième naissance des jumeaux, alors que la première remonte en 2016. Et ce sont les deux uniques cas de jumeaux qui ont déjà été notifiés dans les Virunga. Et depuis janvier 2021, nous sommes déjà à huit nouvelles naissances», se réjoui-t-il.

«Nous avons commencé à enregistrer des naissances quand nous avons décidé de former des équipes des éco-gardes et pisteurs qui assure le suivi rapproché des gorilles, mais aussi depuis qu’on a instauré le système de gardiennage des gorilles matin, midi et soir et intensifié le recensement. Tout ca, ca nous a aidé jusqu’au changement de statut de conservation de gorilles», explique l’éco-garde Jacques Katutu.

Des efforts dans la conservation des gorilles sont aujourd’hui signalés au delà du paysage Virunga. Début mai 2021, le Parc de Maiko, l’un des neufs parcs nationaux de la RDC, situé à cheval entre les provinces de la Tshopo, du Maniema et du Nord-Kivu, a signalé que ses équipes ont aperçu des gorilles après 16 ans de quasi-disparition. C’était pendant les activités d’inventaire menées par l’ICCN en collaboration avec Gorilla organisation.

Une avancée sur la liste rouge

En 2018, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a mis à jour sa liste rouge qui a permis aux gorilles, notamment les gorilles de montagne, de quitter la catégorie d’espèces «en danger critique» à celle d’espèces «en danger». Un pas qui fait suite aux efforts de conservation des grands primates. Mais l’on ne doit pas s’en réjouir si vite, note l’avocat Joseph T’hata. Car d’après lui, les menaces persistent encore.

«Dès lors qu’il y a encore des groupes armés dans le parc, la menace persiste. La menace est même plus grande que la capacité des éco-gardes à protéger les gorilles. Aujourd’hui, les éco-gardes meurent régulièrement car embusqués par des miliciens. Tant qu’il y aura des groupes armés dans les habitants de gorilles, la menace de leur extinction persistera», prévient cet avocat, auteur de l’ouvrage «La présence des groupes armés dans le Parc national des Virunga. Etats de lieux, défis et perspective».

Pour garantir l’avenir des gorilles, l’éco-garde Jacques Katutu pense qu’il faut s’attaquer en fond au problème de braconnage.

«Avec les efforts menés, on a sensiblement lutté contre le braconnage ciblant les bébés gorilles. Mais, dès lors que le braconnage d’autres espèces demeure, cela représente également une menace aux gorilles. Car avec des pièges placés mêmes dans des habitats de gorilles, il y a des bébés gorilles qui tombent dans les pièges, jusqu’à mourir parfois. Il faut d’intenses surveillances, des opérations de nettoyage pour enlever les pièges pour éviter que les gorilles en soient victimes», note-t-il.

Gorille, mangeant. Image de Geordie Mott via Flickr (CC BY-NC-ND-2.0)
Gorille. Image de Geordie Mott

Pas que le braconnage

Mais en 2008 déjà, Greenpeace notait que les menaces ne sont pas liées qu’au braconnage.

«Nous interpellons sur le fait que les menaces sur ces grands singes demeurent et se sont même accrues en 2018, à cause notamment de la décision du gouvernement congolais de déclassifier et de désaffecter, au bénéfice de l’exploitation du pétrole, une partie du parc national des Virunga, sanctuaire des gorilles des montagnes à l’est de la RDC», s’inquiète Raoul Monsembula, Coordonnateur Régional de l’Afrique Centrale de Greenpeace Afrique.

Mais pour ce qui est du braconnage, la lutte contre cette pratique passe par la conjugaison des savoirs militaire, judiciaire et communautaires, estime Olivier Ndoole, secrétaire exécutif de l’ONG Alerte congolaise pour l’environnement et les droits de l’homme.

«Aujourd’hui les militaires sont en opérations dans le paysage Virunga. Ils doivent comprendre qu’au delà de protéger l’intégrité du territoire, ils doivent aussi protéger la faune et la flore qui sont sur ce territoire. Aussi, la justice militaire et civile doit comprendre aussi que la lutte contre la criminalité contre la faune et la flore sauvage doit figurer dans leur paquet prioritaire. Le braconnage profite beaucoup plus aux groupes armés, et il faut s’attaquer à leurs sources de financement qui favorisent le pillage de nos ressources flaurique et faunique. En fin, il faut forger la conscience communautaire de conservation, pour que les communautés sachent également qu’ils ont la responsabilité de protéger la faune, y compris les gorilles. Pas maintenir un système de conservation contre la communauté», explique l’avocat Olivier Ndoole.

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