Nouvelles de l'environnement

L’histoire de deux trafiquants est un exemple rare des condamnations liées à la conservation au Congo

  • Le braconnier d'éléphants en série Rombo Ngando Lunda a été condamné à 20 ans de prison et à une amende de 25 000 dollars lors d'un jugement historique rendu en mars.
  • Le trafiquant d'espèces sauvages Salomon Mpay a été condamné à seulement deux ans de prison et à une amende de 2 000 dollars après avoir été arrêté avec 35 kilos d'ivoire et 2,5 tonnes d'écailles de pangolin.
  • Les avocats des groupes de conservation dont les enquêtes ont conduit à l'arrestation de Mpay font appel de ce qu'ils considèrent comme une sentence trop clémente

Dans le cadre d’une rare série de victoires en matière de conservation pour les forces de l’ordre congolaises, deux des commerçants d’espèces sauvages les plus prolifiques de la République démocratique du Congo ont été condamnés à des peines de prison cette année.

Salomon Mpay, 51 ans, a été arrêté dans un hôtel de Kinshasa le 30 janvier, à la suite d’une instruction conjointe de deux ans menée par l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et Conserv Congo, une organisation à but non lucratif basée à Kinshasa. Mpay, surnommé “The King”, a été arrêté avec 35 kilos d’ivoire découpé, qu’il avait l’intention de vendre à un agent secret se faisant passer pour un client.

Il était également en possession de près de 2,5 tonnes d’écailles de pangolin. Cependant, en raison du retard pris dans la délivrance d’un mandat de perquisition après son arrestation, ses complices ont eu le temps de déplacer la marchandise de contrebande avant que les autorités ne puissent revenir sur place pour la saisir. Des photos sur son téléphone portable ont révélé l’existence d’un autre stock de 3 tonnes d’ivoire dans un lieu tenu secret. Les enquêteurs recherchent activement cette réserve. Des quantités similaires d’écailles de pangolin et d’ivoire se sont respectivement vendues jusqu’à 8 et 6 millions de dollars.

Le 22 avril, le Tribunal de grande instance de Gombe à Kinshasa, la capitale, a condamné Mpay à deux ans de prison. Si l’arrestation de Mpay a été saluée par les défenseurs de l’environnement comme étant une rare victoire dans la lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages en RDC, les avocats agissant au nom de l’ICCN, l’autorité publique chargée de la faune sauvage, et de Conserv Congo, ont fait appel par l’intermédiaire du Ministère public. Ils estiment que la sentence est indûment clémente pour un trafiquant d’espèces sauvages international dont la carrière s’étend sur trois décennies.



Salomon Mpay en garde à vue à Kinshasa. Image offerte par l’ICCN.

“Il est l’un des rares commerçants locaux que je connaisse à avoir un passeport rempli de tampons, d’Afrique principalement”, a déclaré à Mongabay Adams Cassinga, fondateur de Conserv Congo.

Mpay est lié à un certain nombre de trafiquants de part et d’autre du continent, notamment en Zambie, en Ouganda, au Burundi, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, en Angola, en République du Congo, au Nigeria et en Sierra Leone. Lors de son arrestation, des documents en sa possession témoignaient qu’il était en contact avec des personnes en Asie du Sud-Est, où il est connu pour avoir envoyé de nombreuses cargaisons de contrebande d’espèces sauvages.

“Il représente un maillon majeur du réseau. Un réseau est une chaîne de personnes ; vous pouvez ôter le maillon, et sa condamnation n’affectera pas le commerce à proprement parler, mais elle affectera l’organisation”, a ajouté Cassinga.

Le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) fournit une assistance financière et juridique pour soutenir l’appel.

“Assurer l’intégrité des poursuites et veiller à ce que des peines appropriées soient imposées et maintenues est un aspect essentiel mais souvent négligé par la communauté de la conservation lorsqu’elle se penche sur la criminalité liée aux espèces sauvages”, a déclaré dans un communiqué Matt Morley, directeur du programme de l’IFAW pour la criminalité liée aux espèces sauvages. “Cette affaire est un bon exemple où un soutien à la fois à l’application de la loi et aux poursuites peut engendrer des résultats positifs. Le fait que la peine initialement infligée à une personnalité aussi réputée que Mpay soit relativement légère est préoccupant.”

Il ajoute que “les récompenses pour les crimes contre la faune sauvage dépassent largement les risques encourus, et même avec des succès considérables tels que celui-ci, nous ne ferons pas de progrès suffisants tant que cette situation ne sera pas inversée.”

Un mois plus tôt, un chasseur d’éléphants célèbre a été condamné à une peine beaucoup plus sévère. Rombo Ngandu Lunda a été reconnu coupable du massacre systématique d’éléphants dans le parc national de l’Upemba, l’une des plus anciennes zones protégées d’Afrique. Rombo a été condamné à 20 ans de prison et à une amende de 25 000 dollars d’indemnisations à l’ICCN. Un complice, Kamandji Ekonda Gustave, a été condamné à 10 ans.

“Ce jugement ouvre la voie à la fin des actes de braconnage et des attaques contre les espèces protégées, mais aussi à la dissuasion et à la punition plus sévère des délinquants”, a affirmé l’ICCN dans une déclaration écrite.

L’opération de Rombo, qui a duré huit ans, visait le parc national de l’Upemba, dernier refuge des éléphants dans le sud de la RDC. Il n’en reste qu’environ 200 dans le parc. Ses activités ont également affecté les villageois de la région de l’Upemba, avec une augmentation des incidents lors de conflits homme-éléphant lorsque des éléphants en détresse s’éloignaient de leurs routes habituelles. Selon l’ICCN, plusieurs morts et blessés ont été signalés, ainsi que d’importantes destructions de biens et de cultures.

Les 10 500 kilomètres de frontière terrestre de la RDC, partagée avec neuf pays, en font une plaque tournante idéale pour la criminalité liée aux espèces sauvages.

“Nous avons plus de cornes de rhinocéros que n’importe quel autre pays. Mais le Congo ne compte plus de rhinocéros, ils sont tous morts depuis longtemps. Cela fait de nous non seulement un pays d’origine, mais également une destination de transit importante à ce stade. Nous comptons le plus de frontières en Afrique. Elles sont très longues, pour la plupart non contrôlées et donc très poreuses. Il est très facile d’y entrer et d’en sortir”, a déclaré Cassinga à Mongabay.

En 2019, les autorités de Singapour ont saisi un chargement record de 11,9 tonnes d’écailles de pangolin et 8,8 tonnes d’ivoire d’éléphant. La cargaison de trois conteneurs provenait de la République démocratique du Congo et se dirigeait vers le Vietnam, un haut lieu international du trafic d’espèces sauvages.

 
Soraya Kishtwari est une journaliste indépendante basée à Ho Chi Minh-Ville, au Vietnam. Avant de vivre au Vietnam, elle a vécu en République démocratique du Congo pendant trois ans. Vous pouvez la trouver sur Twitter @sorayakishtwari

 

Image de bannière : éléphant braconné dans le parc national de la Garamba, RDC. Image de Nuria Ortega/African Parks via Flickr (CC BY-NC-ND-2.0)

Article original: https://news.mongabay.com/2021/05/tale-of-two-traffickers-is-a-rare-spell-of-congolese-conservation-convictions/

Quitter la version mobile