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Mozambique — la nouvelle loi sur la pêche accroît la protection, mais les anciens problèmes persistent

  • Les défenseurs de la nature saluent la nouvelle loi sur la pêche adoptée par le Mozambique, car elle offre une protection à un large groupe d’espèces marines, dont les requins-baleines, les raies mantas et les dauphins, et car elle renforce la position des communautés de pêcheurs.
  • Le littoral mozambicain s’étend sur 2700 kilomètres, et plus de deux tiers de la population vivent dans un rayon de 150 kilomètres. Donner plus de moyens d’action aux communautés semble donc être l’unique manière de gérer les richesses côtières du Mozambique de manière durable.
  • La nouvelle loi définit la procédure pour que les conseils communautaires des pêcheurs (CCP) deviennent des entités légales, ce qui leur permettra de désigner des zones de gestion communautaire et de mieux appliquer les règles régissant l’accès aux ressources marines.
  • Les experts émettent des réserves, car les problèmes persistants comme la pression croissante sur la pêche, le manque de moyens visant à faire respecter les lois et l’indépendance financière ne seront pas résolus uniquement par des lois.

Une nouvelle loi sur la pêche adoptée au Mozambique est saluée comme une étape importante par les défenseurs de la nature. Celle-ci vise à donner plus de moyens d’action aux communautés et à étendre la protection à une multitude d’espèces marines menacées, dont les requins-baleines, les raies mantas et les dauphins.

« C’est un pas de géant pour le Mozambique ; un pas de géant pour les organisations comme nous, mais aussi pour les communautés », se réjouit Emerson Neves, chef de projet à la fondation Marine Megafauna Foundation (MMF), une des ONG qui faisaient campagne pour accroître la protection. Il ajoute que mettre cette loi en pratique nécessitera beaucoup de travail.

Les ONG de défense de la nature ont milité durant des décennies pour inclure une liste exhaustive d’espèces protégées dans la législation mozambicaine. Des discussions autour de cette révision de la loi nationale sur la pêche ont finalement débuté l’année dernière, et la nouvelle loi a enfin été promulguée en octobre.

La révision du Regulamento da Pesca Marítima (REPMAR) marque le passage vers une pêche durable, plutôt que vers une simple augmentation de la production. Elle permet également de mettre en place une gestion conjointe par les communautés.

Il s’agit là d’un texte de loi essentiel dans un pays où les produits de la mer constituent la moitié de l’apport en protéines de la population. Plus de deux tiers de la population du Mozambique, qui s’élève à 30 millions d’habitants, vivent à moins de 150 kilomètres de la côte. Les pêcheurs traditionnels pêchent près de 90 % des prises annuelles du Mozambique.

« Si vous donnez aux communautés locales les moyens et le pouvoir nécessaires, cela peut faire une vraie différence, estime Thomas Sberna, coordinateur régional pour l’UICN basé au Kenya. Il est absolument nécessaire d’avoir une loi en vigueur, car à défaut, vous ne pouvez pas la faire respecter ni l’appliquer. »

Mais Sberna partage l’avis de Neves et prévient que le passage d’une loi ambitieuse à un changement réel est semé d’embûches.

Une raie manta. Image de Andrea Marshall.

Renforcer la gestion communautaire

Avec un littoral de 2700 kilomètres, le Mozambique est doté d’une flore et d’une faune océaniques particulièrement riches. Mais cette longue étendue côtière se prête mal à une gouvernance efficace. Bien que la gestion communautaire ait fait partie de la politique en matière de pêche depuis que le pays a proclamé son indépendance, le cadre juridique régissant son application était jusqu’à présent flou.

Le REPMAR définit de quelle manière les Comunitários de Pesca (CCP), les organes principaux chargés de la gestion locale de la pêche, peuvent devenir des entités légalement reconnues.

Selon les experts, cette reconnaissance aura de réels effets sur le terrain. « S’ils sont reconnus au niveau national, ils auront suffisamment de pouvoir pour faire ce qui est nécessaire pour promouvoir la pêche durable », affirme Ercilio Chauque, un expert de la pêche côtière du bureau mozambicain de l’UICN.

D’après Kennedy Osuka, un chercheur de l’Université de York, en Grande-Bretagne, la possibilité de désigner des zones de pêche gérées par la communauté sera cruciale. Conformément à la nouvelle loi, les pêcheurs locaux peuvent entre autres décider quel type d’équipement utiliser, déterminer des zones d’interdiction de la pêche, ou imposer des fermetures temporaires.

Même si les lois valorisaient la gestion conjointe depuis de nombreuses années, dans la pratique, la gestion de la pêche était hautement centralisée. Les CCP étaient considérés comme des extensions du gouvernement central plutôt que comme des représentants de leurs communautés. En tant qu’entités juridiques autonomes, les CCP pourront davantage faire le lien entre le gouvernement et les communautés de pêcheurs. « La communication peut se faire dans les deux sens », affirme Neves.

Étant donné que la nouvelle loi sur la pêche ne régira pas uniquement des zones de protection spécifiques, mais toutes les activités menées sur la côte, y compris les zones économiques exclusives du Mozambique, elle devrait avoir un impact plus large et plus immédiat qu’une législation axée sur la sauvegarde de la nature, qui n’en est qu’à ses débuts dans ce pays d’Afrique de l’Est.

Par exemple, là où certaines espèces de requins bénéficiaient d’une protection en vertu des lois sur la défense de la nature, les pêcheurs contournaient les interdictions en massacrant les requins au large afin d’empêcher leur identification. Certains pêcheurs coupaient les ailerons des requins pêchés accidentellement et les jetaient à l’eau.

Conformément à la nouvelle loi, les prises accessoires devront être relâchées et il sera interdit de mutiler les requins débarqués. Elle inclut également des dispositions visant à protéger les mangroves, les herbiers marins et les récifs, notamment une interdiction de récolter les coraux vivants.

Des pêcheurs au Mozambique se rassemblent pour libérer une raie manta prise au piège dans un filet. Image de Andrea Marshal.

Les communautés peuvent-elles rendre la pêche durable ?

La première étape pour les ONG et l’administration locale sera de traduire les nouvelles lois dans une forme compréhensible pour les pêcheurs, qui parlent une multitude de langues. Neves a précisé que la MMF travaille déjà sur des posters illustrant les espèces ne pouvant pas être pêchées.

« Avant, nous expliquions à la communauté l’importance des espèces pour l’écosystème, pour le tourisme, pour l’économie locale, raconte Neves. Maintenant, nous avons aussi la loi à nos côtés. Nous pouvons leur dire que le gouvernement nous soutient dans notre démarche ». MMF espère que d’autres animaux vulnérables seront ajoutés à la liste des espèces protégées, comme les requins-marteaux (de la famille des Sphyrnidae), les raies pastenagues à petits yeux (Dasyatis microps), et les requins-léopards (Triakis semifasciata).

L’absence de certaines espèces sur la liste n’est pas le seul point qui freine la jubilation suscitée par l’adoption de cette loi. La population côtière est en pleine croissance, et la pression sur les structures de gestion fragiles continuera de s’intensifier. Les CCP pourraient éprouver des difficultés lorsqu’ils feront face aux demandes croissantes des communautés.

Une autre question se pose également : quelle sera l’étendue du pouvoir des conseils communautaires des pêcheurs pour réellement faire appliquer les lois ?

Les gardes des CCP participant au projet FishCC, qui vise à promouvoir la gestion communautaire de certaines pêches, ont régulièrement dénoncé des infractions aux autorités locales, qui ont été ignorées. « Si les gardes des CCP dénoncent un non-respect, mais que les autorités locales n’agissent pas en conséquence, leur motivation à continuer de dénoncer ces infractions diminuera bientôt », remarquent les auteurs d’un rapport sur le projet commandé par la Banque mondiale.

Afin de réduire la pression sur la pêche, le projet FishCC visait également à promouvoir des moyens de subsistance alternatifs dans le tourisme, l’aquaculture et l’agriculture. Toutefois, cette approche a ses pièges, car les pêcheurs et le gouvernement essaient de stimuler la pêche pour mieux soutenir les communautés au lieu de faire une transition lente et parfois traître vers d’autres commerces.

« Dans certains cas, il n’y avait pas d’alternative facilement disponible. Même si le fait de rendre la pêche plus durable et/ou de générer plus de valeur pourrait en soi également inciter au respect des règles de gestion conjointe », note le rapport de la Banque mondiale.

Comme cela a été constaté avec les initiatives de gestion menées par la communauté dans toute la région, celles-ci échouent sans sources de financement. La gestion nécessite des ressources. « Selon le modèle traditionnel, les ONG, le secteur privé ainsi que le gouvernement offrent autant de soutien que possible. Toute la communauté reconnaît à présent que cela n’est pas vraiment durable », admet Sberna.

« La réalité est que les fonds philanthropiques, comme les subventions, sont loin d’être suffisants pour nous permettre d’atteindre nos objectifs, ajoute-t-il. Inventer des mécanismes de financement durables est absolument essentiel. »

(Bannière : requin-baleine, de Andrea Marshall.)

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/01/mozambiques-new-fisheries-law-expands-protections-but-old-problems-persist/

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