- Cette zone défavorisée fait face aux mêmes menaces qui pèsent sur de nombreuses aires naturelles du Vietnam, à savoir le braconnage, la déforestation et le développement urbain.
- FFI et GreenViet, les ONG dédiées à la protection de la faune et des habitats menacés de la planète qui ont réalisé l’étude, tentent de convaincre le gouvernement vietnamien de créer une réserve naturelle ou un parc national à Kon Plong.
- Plus de 120 espèces de mammifères et d'oiseaux ont été répertoriées à Kon Plong. Parmi elles, on retrouve le douc langur à pattes grises, un singe endémique au Vietnam très menacé, le gibbon à joues jaunes du Nord, la civette palmiste d'Owston, le loris paresseux pygmée (toutes des espèces menacées), ainsi que l'ours noir d'Asie, les loutres et les chats sauvages.
HÔ CHI MINGH-VILLE (Vietnam) — Les résultats d’une étude détaillée récemment publiés ont révélé l’existence d’espèces gravement menacées qui vivent dans une forêt située dans les hauts plateaux du centre du Vietnam et qui, à l’heure actuelle, ne bénéficie d’aucune protection juridique.
Fauna & Flora International (FFI) et GreenViet, une ONG établie à Da Nang et qui est spécialisée dans la conservation de la biodiversité, a mené des recherches sur place s’appuyant sur une observation à l’œil nu et sur des pièges photographiques commandés à distance installés à Kon Plong. Cette zone rurale est située au nord-ouest de Kon Tum, une ville de 200 000 habitants en pleine expansion et qui est la capitale de la province du même nom.
Un article de presse sur l’étude de la biodiversité a rapporté que plus de 120 espèces de mammifères et d’oiseaux ont été recensés à Kon Plong. Parmi elles, figurent le douc langur à jambes grises (Pygathrix cinerea), un singe endémique au Vietnam très menacé, le gibbon à joues jaunes (Nomascus gabriellae), la civette palmiste d’Owston (Chrotogale owstoni), le loris paresseux pygmée (toutes des espèces menacées), ainsi que l’ours noir d’Asie (Ursus thibetanus), les loutres et les chats sauvages.
Un autre texte sur la biodiversité note que Kon Plong abrite probablement la plus grande population de doucs langur à pattes grises au Vietnam même si la population de civettes palmistes d’Owston y demeure importante bien que l’espèce, victime des pièges installés et de la chasse dans les parcs nationaux, ait disparu dans les autres régions du pays.
Mais la caractéristique la plus frappante des forêts de Kon Plong, qui couvrent 84 000 hectares (207 600 acres), est sans doute le fait qu’elles soient actuellement gérées par des services liés à la gestion forestière et des bassins hydrographiques, ce qui signifie qu’elles ne bénéficient d’aucune protection particulière.
Le président de Greenviet, Ha Thang Long, a commencé à travailler à Kon Plong en 2001 et est témoin des changements opérés dans la région depuis lors.
« Il n’y avait qu’une seule route à mon arrivée et elle était en très piteux état », a-t-il déclaré via appel sur Skype. « Avant, je mettais une journée entière pour arriver au village où je logeais, maintenant il suffit de quatre heures. Des routes et des centrales hydroélectriques ont été construites un peu partout. Un grand nombre d’habitants ont quitté d’autres régions du pays pour s’installer à Kon Plong et essayer de monter des entreprises. »
« Kon Plong est passée d’une forêt presque entièrement boisée à une forêt plus fragmentée. Le changement est donc plutôt radical. Cette zone dispose d’un énorme potentiel en matière de développement durable. Toutes sortes d’activités, comme l’agriculture, peuvent être entreprises sur ces terres dégradées qui jouissent d’un climat propice au développement des fleurs et à la culture de fruits », affirme le directeur pays de FFI Vietnam, Josh Kempinki.
Cela dit, Kempinski et Long insistent tous deux sur l’impératif de protéger les forêts restantes.
« Sans vouloir exagérer, cette forêt est peut-être la plus grande et la plus importante qui ne soit pas protégée juridiquement, et comme elle n’est pas constituée de karst calcaire comme au nord du Vietnam, elle serait la plus menacée. Elle pourrait assez facilement disparaître », avertit Kempinski.
« Si rien n’est fait pour protéger les espèces sauvages et la forêt, la faune finira bientôt par disparaître », précise Long.
Kempinski a donné comme l’exemple la région située autour de Kon Tum pour montrer ce qui pourrait arriver à Kon Plong. Les alentours de la ville semblent couverts d’une forêt dense, mais la région est en grande partie constituée de plantations d’acacias, d’hévéas et de café cultivées sur des terres défrichées.
« Kon Plong finira par connaître le même sort si l’État ne prend pas des décisions en faveur de la protection de la biodiversité, de l’écotourisme et des services liées à l’écosystème. C’est le message que nous voulons faire passer au Gouvernement », observe-t-il.
Les deux écologistes ont insisté sur l’importance de rechercher un équilibre entre la protection des espèces sauvages et l’amélioration des conditions de vie des habitants de Kon Plong principalement composés de groupes ethniques minoritaires et vivant dans la pauvreté.
« Ce scénario est désolant : ces habitants vivent en situation d’extrême pauvreté et rasent la forêt pour cultiver, n’importe comment, une espèce végétale comme le manioc qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, ne rapporte pas grand-chose. Étant donné que les habitants détruisent une forêt dont ils ont besoin pour cultiver une plante qui leur permet à peine de joindre les deux bouts, il est nécessaire d’adopter une vue d’ensemble », explique Kempinski.
Cela étant, la priorité de FFI et de GreenViet est de convaincre les représentants du gouvernement au niveau du district et de la province de créer, au moins, une réserve naturelle à Kon Plong.
« Certaines zones sont en bon état, mais demeurent difficiles d’accès. Il faut en faire une réserve naturelle ou un parc national afin que davantage d’efforts de conservation et de protection soient consentis. Nous travaillons en collaboration avec le département chargé de la protection des forêts et les autorités provinciales à cette fin » note Long.
Kempinsky a fait savoir que, jusque-là, les discussions avec les autorités allaient bon train, surtout lorsque FFI et GreenViet ont dressé le bilan de leurs recherches et souligné la rareté des forêts à Kon Plong lors d’un atelier.
« Presque tout le monde s’est accordé sur la nécessité de protéger la zone », explique-t-il. « Ce qui reste de cette forêt doit être protégé. Pour y parvenir, il faudra des investissements et de meilleurs projets de développement. Un énorme travail nous attend ».
« Des photographies d’espèces sauvages rares ont permis également de convaincre quelques membres du gouvernement », poursuit-il. Un s’est levé et a déclaré : « nous ne savions pas que la forêt de Kong Plong était si importante, qu’elle abritait des primates endémiques, des ours, etc. À présent, nous devons réfléchir au moyen de mieux protéger la forêt ».
À la question de savoir si la publication des résultats de leurs recherches pourrait compromettre davantage la vie des espèces sauvages vivant à Kon Plong, Kempinsiki répond que les chasseurs avaient déjà causé de graves dommages à la population animale.
« Nous n’avions encore jamais vu autant de pièges dans tout le Vietnam. Quels que soient les réseaux dont disposent les chasseurs et les braconniers, ceux-ci sont déjà là. Nous avons retiré d’énormes lignes de plusieurs dizaines, voire de centaines de mètres de long. On aurait dit la palangre », note Kempinski.
En outre, les ONG ont pris conscience que sans les valeurs élevées de la biodiversité, il serait difficile de convaincre les représentants du gouvernement d’agir. « On ne peut pas dire que cette forêt est d’une importance primordiale en matière de biodiversité sans pour autant donner des explications », ajoute Kempinski.
Reste à savoir quelles mesures qui seront prises. Long, toutefois, indique que le gouvernement devra agir rapidement : « j’estime qu’il s’agit là de notre dernière chance. C’est la seule étendue de forêt qui abrite toujours des espèces sauvages qu’on ne verra nulle part ailleurs, mais qui ne bénéficient d’aucune protection. Ceci n’est que le commencement du processus de développement de Kon Tum. Par conséquent, si nous mettons en place une bonne politique, elle nous indiquera la bonne voie à suivre pendant 20 ou 50 ans encore. Dans le cas contraire, ces espèces sauvages disparaîtront », conclut-il.
Image de bannière : un douc langur à pattes grises (Pygathrix nemaeus). Image tirée de Wikimedia Commons.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2020/09/discovery-of-threatened-species-drives-bid-to-protect-vietnam-forest/