Nouvelles de l'environnement

Une société canadienne réclame la levée de l’interdiction de l’exploitation minière dans une province argentine

  • Yamana Gold, une société minière canadienne, s'est associée à une société immobilière et d'investissement en Argentine pour traiter "tous les problèmes environnementaux, sociaux et gouvernementaux" liés à un éventuel projet d'extraction d'or dans la province de Chubut.
  • L'exploitation minière est interdite dans la province de Chubut depuis 2003, principalement en raison des protestations locales qui se sont poursuivies jusqu'à début 2020.
  • La pandémie de COVID-19 a restreint les déplacements des citoyens argentins, mais les militants affirment que Yamana et des dirigeants du gouvernement profitent de cette crise pour encourager la réouverture du projet.

Comme une grande partie du monde, l’Argentine a fermé ses frontières et ses citoyens sont plus ou moins confinés chez eux en raison de la pandémie mondiale de COVID-19.

Au milieu de la torpeur, Yamana Gold, une société minière canadienne, a créé un nouveau partenariat autour d’un projet d’extraction d’or dans la province patagonienne de Chubut. Cette initiative a conduit les militants à accuser Yamana de profiter de la crise du coronavirus pour peu à peu mettre un terme à l’interdiction d’exploitation minière dans la province, qui dure depuis 17 ans.

Manifestations à Esquel (Argentine) contre le projet aurifère Suyai, le 4 mai 2020. Image de Cristina Aguero.

Le 28 avril, Yamana Gold a déclaré qu’elle avait accepté qu’une société privée immobilière et d’investissement acquiert jusqu’à 40% de ses parts dans le projet aurifère Suyai, près de la ville d’Esquel. Un communiqué de la société a révélé que, selon l’accord, Yamana Gold, détenue par les hommes d’affaires argentins Eduardo Elsztain et Saúl Zang, sera chargée d’obtenir les permis et de s’occuper de “tous les problèmes environnementaux, sociaux et gouvernementaux”.

Mais l’exploitation minière n’est plus légale dans la province de Chubut depuis 2003. Cette année-là, un groupe de la société civile locale, désormais connu sous le nom de No a la Mina Esquel, littéralement “Non à la mine d’Esquel”, a commencé à organiser régulièrement des manifestations le quatrième jour de chaque mois pour mettre fin à une version antérieure du projet. Celui-ci était alors contrôlé par la société américaine Meridian Gold, qui allait plus tard fusionner avec Yamana. Lors d’un référendum, 82 % des électeurs se sont prononcés contre l’autorisation de faire avancer le projet. Plus tard, le gouvernement a adopté une loi interdisant l’exploitation minière dans la province.

Luis Claps, qui gère l’exploitation minière en Amérique latine, a déclaré dans une interview : “Ce fut une énorme victoire pour la communauté”.

Même après l’adoption de la loi, les manifestations mensuelles se sont poursuivies jusqu’en février 2020. Un incendie à proximité d’Esquel a provoqué l’annulation de la manifestation de mars, et en avril, les restrictions fédérales et provinciales liées au coronavirus, concernant les déplacements, ont empêché les manifestants de se rassembler.

Une manifestante tient une pancarte sur laquelle on peut lire : “Avec des masques mais les yeux ouverts, nous continuons à déclarer : Non aux méga-mines”. Image de Nicolas Palacios.

Des responsables gouvernementaux ont tenté de remettre le projet Suyai sur la table, selon une déclaration de No A La Mina. Les dirigeants arrivés au pouvoir après les élections de 2019 auraient décrit l’exploitation minière comme étant en cours à Chubut. Claps a déclaré que beaucoup considèrent l’or, dont le prix est resté relativement stable tout au long de la crise, comme une source potentielle de revenus dans tout le pays et à Chubut, où le gouvernement a récemment eu du mal à verser les salaires.

Yamana estime que le projet minier Suyai pourrait produire jusqu’à 250 000 onces (près de 7 780 kilos) d’or chaque année, pendant les huit premières années du projet.

Pour le moment, l’interdiction d’exploitation minière à Chubut reste en vigueur. Mais avec le confinement à venir des manifestants, les militants affirment que la diminution de la pression a donné aux entreprises comme Yamana une chance de relancer le projet. Selon eux, le fait que le gouvernement fédéral ait ajouté l’exploitation minière à la liste des activités essentielles au début du mois d’avril représente un autre signal d’alarme.

Marta Sahores, membre de l’organisation No a la mina, a fait une déclaration par écrit à Mongabay : “Dans un pays paralysé, avec des mouvements sociaux dans les rues, où l’extraction de l’or est considérée comme une activité essentielle, les entreprises minières continuent à essayer de détruire davantage la planète”.

Le 4 mai, des manifestants ont défilé dans les rues d’Esquel au mépris du gouvernement. Claps a déclaré que les manifestants avaient été menacés par la police et que plusieurs d’entre eux pourraient être poursuivis pour ne pas avoir respecté les restrictions.

“Pendant que nous sommes en quarantaine, la cupidité des compagnies minières, elle, ne l’est pas”, a déclaré Sahores. “Leurs ambitions n’ont pas de limites, mais notre détermination non plus. Ecoutez bien : Non, c’est non !”

Un lac proche de la ville d’Esquel (Argentine). Image de Fenton85~commonswiki via Wikimedia Commons.

Jusqu’à présent, le rejet à répétition du projet minier par la communauté a été un tel succès que d’autres communautés ont organisé leurs propres manifestations contre les projets miniers proposés ou en cours. Claps a appelé cela “l’effet Esquel”.

En décembre 2019, Rodolfo Suarez, gouverneur de la province argentine de Mendoza, a soutenu une loi qui aurait permis l’utilisation de produits chimiques tels que le cyanure et l’acide sulfurique pour l’exploitation minière. Cette loi aurait pu menacer l’approvisionnement en eau de la plus grande région viticole d’Amérique latine. Cependant, des protestations incessantes impliquant des milliers de personnes ont eu lieu. Dès la première semaine de 2020, Suarez a fait marche arrière et le sénat provincial a rejeté la loi.

Yamana Gold n’a pas souhaité répondre aux questions. Cependant, la société a déclaré que le projet Suyai serait “à petite échelle” et “souterrain” et qu’aucun produit chimique nocif tel que le cyanure ne serait utilisé sur le site.

Pourtant, No A La Mina a déclaré qu’elle continuerait à s’opposer au projet Suyai. Elle a souligné que Yamana, en plus de diriger plusieurs autres projets miniers en Argentine, détient une participation dans la mine de Bajo la Alumbrera, où l’extraction de l’or, du cuivre et d’autres minéraux aurait pollué l’eau et provoqué une nette augmentation des maladies respiratoires chez les enfants.

Claps a affirmé que lever l’interdiction à Chubut maintenant, alors que la pandémie a effectivement muselé les opposants à la mine, “ne semble pas juste”.

“Pourquoi se presser ? Pourquoi maintenant ?” a-t-il dit. “Ça ne semble pas logique.”

Image de bannière du lac Cholila dans la province argentine de Chubut, de PabloGimenezFlickrMail, envoyée via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).  

 

Article original: https://news.mongabay.com/2020/05/canadian-company-positions-for-mining-ban-lift-in-argentine-province/

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