- La dépendance des Malgaches en bois énergie contribue à la forte déforestation de l’ile
- Les charbonniers vont jusqu'à se fournir en bois dans les aires protégées et arracher les souches d’arbres.
- Un nouveau programme vise à faire évoluer les habitudes de consommation des malgaches en bois énergie et alléger la pression sur les forêts et les budgets des familles. Des nouveaux réchauds qui brûlent des balles de riz au lieu du charbon de bois seront mis sur le marché.
- Avec 1 million de tonnes de balles de riz inutilisées par an, les excédents de riz sont une bioénergie plus durable et moins coûteuse que le bois.
ANTANANARIVO, Madagascar — A Madagascar, la principale source de combustible des ménages est le charbon de bois, ce qui accélère la destruction des forêts de l’ile mondialement connue pour sa biodiversité. Pour encourager les énergies alternatives qui ne sont pas néfastes pour les forêts, un nouveau projet propose des balles de riz en énergie de substitution.
Le 26 mai 2020, l’association chrétienne malgache Hetsika Fampiraisana Kristiana ho an’ny Firenena (HFKF) a lancé le projet ATIALA à Antananarivo, avec le soutien du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Le projet, appellé Aza Tapahana Intsony ny Ala (ATIALA), traduit « Ne déforestez plus », a développé un nouveau modèle de réchaud qui brûle des balles de riz à destination des ménages malgaches.
D’après les calculs de HFKF, 17 réchauds permettraient d’épargner 1 hectare (2.5 acres) de forêt par an. Les réchauds ATIALA ont été spécialement développés par Faly Rasamimanana, le coordinateur du projet et directeur de la société d’exportation de litchi, Faly Export basé à Toamasina au Nord Est de Madagascar.
Dans un premier temps, les réchauds ATIALA seront remis gratuitement dans deux communes rurales près de la capitale. HFKF produira 1 000 réchauds par semaine pour que 100 000 soient répartis dans le pays à la fin de l’année. Par la suite, les réchauds seront vendus à 30 000 ariary malgache, ou presque $8. ATIALA collabore avec les entités administratives locales et partenaires du ministère dans le domaine de l’environnement pour se rapprocher des communautés locales et mieux les sensibiliser.
La riziculture occupe une place prépondérante dans l’économie nationale et le riz est l’aliment de base des malgaches. De plus, les cendres de balles de riz peuvent être utilisées comme engrais naturels dans les régions productrices de fruits et légumes.
Une alternative plus avantageuse
A Madagascar, le volume de balles de riz rejetées par les unités de décorticage du riz est estimé à 1 million de tonnes par an. Une petite partie est utilisée pour l’élevage et la fabrication de terreau mais la majeure partie est inutilisée. Le projet ATIALA tente de les revaloriser en biocombustible.
En terme de performance, le nouveau réchaud porte l’eau à ébullition en sept minutes tandis que le charbon de bois prend 10 minutes.
Il y a aussi un avantage de prix. La plateforme HFKF a lancé le projet ATIALA dans le contexte de la pandémie de Covid-19 où les ménages voient leurs revenus diminuer. « Notre principal objectif est de faciliter le pouvoir d’achat des ménages, surtout en ces temps de crise, déclare Rasamimanana. Par la même occasion, notre alternative permet d’économiser les forêts pour les générations futures. »
Chaque mois, un ménage utilise en moyenne un sac de charbon et dépense 30 000 ariary. L’équivalent pour un mois de balles de riz ne coute que 4 000 ariary, ou $1, pour quatre sacs. L’achat d’un réchaud ATIALA peut donc être amorti à partir du deuxième mois.
D’après la Commission de l’Océan Indien, organisation intergouvernementale basée à Maurice , 98% des ménages Malgaches utilisent essentiellement du bois énergie, pour leur consommation domestique. Cette tendance est aussi bien observée en milieu rural avec le bois de chauffe, qu’en milieu urbain avec le charbon de bois.
Du point de vue des ménages, le charbon de bois est plus abordable que le gaz et l’électricité. «Chaque mois, je dépense entre 40 000 ariary et 50 000 ariary [$10 to $13] de charbon, dit Beby Rabeniazy, femme au foyer, résidante du quartier Andrefan’ny Mananjara au sud de la capitale. Le gaz pourrait m’être plus rentable mais je n’ai pas de quoi payer plus de 100 000 ariary [$26] en une fois.»
Une dualité entre pauvreté et déforestation
D’autres initiatives ont été identifiées par le Gouvernement pour inciter les Malgaches à réduire leur consommation de bois énergie. Par exemple, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable a soutenu un projet de production de charbon compact à base de paille dans le district d’Analalava au Nord-Ouest de Madagascar.
Même si le charbon de bois provient essentiellement de plantations forestières, le déboisement non contrôlé continue d’évoluer à la hausse et cause la destruction de grandes surfaces de forêts. Le lien entre la pauvreté et la déforestation est ambigu. La Banque Mondiale indique que le Produit Intérieur Brut annuel par habitant à Madagascar était $527 en 2018. Selon la même source, le secteur agricole constitue le principal pourvoyeur d’emplois en milieu rural avec 85 % des emplois totaux. Cependant, l’agriculture ne génère que de faibles ressources pour les ménages qui ont de plus en plus de mal à vivre de culture vivrière ou d’élevage. Ils se tournent donc vers la vente de charbon qui leur offre un revenu complémentaire quasiment quotidien.
« À cause du faible rendement de l’agriculture qui n’est que périodique, les paysans préfèrent venir jusque dans les aires protégées pour couper des arbres et faire du charbon. » déclare Mamy Rakotoarijaona, le Directeur Général par intérim de Madagascar National Parks.
Les revendeurs en ville achètent du bois en milieu rural où presque tous les bois peuvent faire du charbon. Quand les plantations ne suffisent plus, les charbonniers arrachent les souches des arbres qui ne peuvent donc plus repousser.
La forte demande du charbon résultant en l’augmentation d’abattage clandestin s’avère très coûteuse pour les forêts malgaches et leurs écosystèmes. D’après Global Forest Watch, entre 2001 et 2019, la Grande ile a perdu 3,89 millions d’hectares (9,6 million d’acres) de couverture forestière, ce qui équivaut à une perte de 23 % de sa couverture forestière. Une grande partie est due à la coupe de bois énergie ou au défrichement pour la culture ou le pâturage.
« On a beau patrouiller sans relâche, la population reste difficile à éduquer et à sensibiliser sur l’importance des forêts.» déclare Rakotoarijaona.
Les experts s’accordent à dire que la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages a tendance à accélérer la demande de charbon et, par conséquent, les pratiques d’abattage illégal par les populations rurales qui n’ont souvent pas d’autres d’alternatives pour vivre que la vente de charbon de bois. Le Gouvernement a mis en place des sanctions sévères pour lutter contre ces pratiques illégales qui détruisent les forêts. La réussite pérenne du projet ATIALA repose donc sur la sensibilisation et l’éducation de la population malgache aux bénéfices économique et environnemental des sources d’énergie alternatives pour aujourd´hui et pour demain.
Edité par Valentine Charles.
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