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À Madagascar trois nouvelles espèces de caméléons ont été différenciées dans la grande famille des Calumma

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  • Trois nouvelles espèces endémiques de caméléons cornus ont été décrites dans le journal Vertebrate Zoology.
  • Les espèces Calumma emelinae de la côte Est de Madagascar, Calumma tjiasmantoi du sud-Est, et Calumma ratnasariae du nord de l’île ont officiellement rejoint les rangs des 90 espèces de caméléons endémiques de Madagascar.
  • Le co-auteur de l’article les décrit tel de “petits caméléons aux drôles de nez” dû à l’appendice nasal qu’ils arborent.
  • La distinction de ces espèces dans le groupe des calummas nécessite une réévaluation du statut de conservation de cette branche.

Avant que les scientifiques ne dépêtrent les différentes espèces distinctement, la plupart des caméléons cornus étaient classés sous le même groupe (Calumma nasutum). Depuis, l’espèce a été sous catégorisé en 16 espèces distinctes, dont 3 nouvelles citées ci-dessous dans le journal Vertebrate Zoology.

Les espèces Calumma emelinae de la côte Est de Madagascar, Calumma tjiasmantoi du sud-Est, et Calumma ratnasariae du nord de l’île ont officiellement rejoint les rangs des 90 espèces de caméléons endémiques de Madagascar.

Le caméléon est connu pour sa capacité à changer de couleur, capacité qu’il utilise pour le camouflage, pour attirer les femelles, ou bien pour refléter ses états d’âme. Il est doté d’un sens aigu de la vue notamment grâce au fait que ses yeux peuvent se mouvoir indépendamment l’un de l’autre et sa langue collante peut s’étirer sur des longueurs supérieures à celle de son corps.

Le caméléon de Parson (C. parsonii). Photo par Rhett A.Butler.

À Madagascar, la plus vieille île du monde, les scientifiques se retournent encore le cerveau à propos de la classification de ces espèces. Sur l’île on trouve non seulement le plus grand caméléon (C. parsonii) mais aussi le plus petit (Brookesia micra). Ces deux la sont facile à distinguer, mais dépêtrer toutes les autres espèces entre s’avère délicat. Les espèces enregistrées des années auparavant se retrouvent encore aujourd’hui dans le flou taxinomique.

“Plusieurs expéditions ont été organisées à Madagascar ces 15 dernières années. Celles des 5 dernières années se sont concentrées autour du groupe Calumma nasutum” nous précise David Prötzel de la Collection zoologique de l’État de Munich en Allemagne, qui a dirigé l’équipe qui aide à résoudre cette crise d’identité.

Lorsque les scientifiques se sont enfin penchés sur le problème, certaines espèces étaient en flottement dans le temps et dans l’éthanol. Dans les années 1830, le collectionneur français Alphonse Charles Joseph Bernier (1802-1858), médecin de bord et botaniste, accumule une collection d’environ 200 plantes, insectes, lémuriens, reptiles et oiseaux de Madagascar qu’il a fait envoyer en France. Les premiers spécimens de C. nasutum ont pu être identifiés grâce à sa collection.

Prötzel décrit cette espèce de caméléon tel de “petits caméléons aux drôles de nez”. En effet les caméléons présentent d’étonnants ornements de têtes tandis que l’espèce des Calumma arbore des protubérances nasales saisissantes. On pense que l’appendice rostral varie selon les espèces et sert à signaler leur présence aux autres membres de leur espèce.

C. emelinae. Photo par Miguel Vences.

Dans le but de découvrir de nouveaux groupes d’espèces de caméléons, plusieurs spécimens ont été recueillis durant les 20 dernières années. Cette méthode a porté ses fruits car 9 nouvelles espèces ont pu être identifiées dans le groupe des C. nasutum, notamment les 3 nouvelles espèces citées plus haut.

Au fil des années, certaines espèces peuvent changer de groupe taxinomique dépendamment des données existantes. L’espèce C. radamanus a été décrite pour la première fois en 1933 par Robert Mertens, un herpétologiste allemand, qui l’a différencié des C. nasutum. Neuf ans plus tard, l’herpétologiste français Fernand Angel, conclut que les deux espèces sont en fin de compte belle et bien les mêmes. Finalement Prötzel et son équipe ravivent le nom de l’espèce C. radamanus en affirmant que c’est bien une espèce distincte.

“Cet article fournit des éléments convaincants sur le complexe d’espèce de Calumma nasutum qui présente un certain nombre d’espèces cryptiques que le journal tente de distinguer” d’après Christopher V. Anderson, professeur adjoint à l’université du South Dakota, dirigeant du groupe de spécialistes des caméléons de l’UICN. Il indique qu’il n’a pas participé à la nouvelle étude mais “il reste de nombreuses espèces à élucider bien sûr, mais ce travail représente déjà une belle avancée dans ce but”, précise-t-il.

individus appartenant à l’espèce C. radamanus. Photo par David Prötzel.

Tandis qu’il est très facile de différencier un chat domestique (Felis catus) d’un chien domestique (Canis familiaris), il en est tout autrement pour les caméléons et les premières impressions peuvent être décevantes. En réalité, les premiers indices de leur spécificité distincte provenaient de leur ADN. Les scientifiques ont également étudié leurs morphologies, notamment leur “nez”, et certains traits tels que leur crête dorsale afin de bien les distinguer. La tomodensitométrie qui crée des restitutions 3D à partir de rayons X permet de comprendre les variations de l’anatomie du crâne du caméléon.

La tentative de démystifier l’espèce ne se limite pas seulement à rétablir les faits biologiques ; elle s’inscrit dans des efforts de conservation également. Actuellement, l’état de conservation du groupe C. nasutum est “le moins préoccupant” sur la liste rouge de l’UICN. L’article pourrait conduire à une réévaluation de cette classification. A titre d’exemple, on pensait que l’espèce pour laquelle le complexe a été nommé s’étendait sur une vaste zone géographique située dans le nord et l’est de Madagascar. L’article a révélé que l’espèce C. nasutum est limitée à une zone beaucoup plus petite.

“Avec cette révision du complexe, nous savons maintenant que l’espèce C. nasutum a en fait une aire de répartition beaucoup plus restreinte sur la base de nos connaissances actuelles, ce qui pourrait changer radicalement son statut de conservation”, explique Anderson.

A) Aire de répartition de l’espèce Calumma nasutum sur toute l’amplitude malgache avant la réévaluation de l’IUCN (zone en orange, Jenkins et al., 2011); (B) Aire de répartition disjonctive récente dans l’est et le nord de Madagascar (zone en blanc). Carte fournie par David Prötzel.

Les scientifiques estiment qu’il reste encore des espèces à différencier au sein du complexe C. radamanus. Selon les auteurs, dû au manque de certitude quant à la désignation taxinomique de ces espèces, celles-ci devraient être classées sous la dénomination “données insuffisantes” sur la liste rouge de l’IUCN. Prötzler et son équipe se penche déjà sur une nouvelle tâche, les Calumma gallus, un autre complexe d’espèces de caméléons qui comprend le caméléon à très long nez.

Citation:

Prötzel, D., Scherz, M. D., Ratsoavina, F. M., Vences, M., & Glaw, F. (2020). Untangling the trees: Revision of the Calumma nasutum complex (Squamata: Chamaeleonidae). Vertebrate Zoology, 70(1), 23-59. doi:10.26049/VZ70-1-2020-3

(Image de bannière: A C. radamanus. Photo de David Prötzel)

Article original: https://news.mongabay.com/2020/03/three-new-species-of-chameleons-emerge-from-centuries-old-entanglement/

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