- Des chercheurs ont développé un cadre permettant de mieux comprendre l’impact de la disparition de la banquise sur les comportements migratoires des oiseaux de mer.
- Parmi eux, le mergule nain dépenserait moitié moins d’énergie en migrant de l’Atlantique nord au Pacifique nord, plutôt qu’en restant dans l’Extrême-Arctique ou en suivant son itinéraire habituel.
- En consultant la littérature scientifique, l’équipe a également découvert 29 autres espèces d’oiseaux susceptibles de modifier leurs stratégies migratoires.
Le changement climatique et son impact sur la banquise pourraient offrir aux oiseaux de mer des perspectives intéressantes, en évitant notamment à certains d’entre eux les longs périples qu’ils entreprennent chaque année.
Dans une récente étude, l’écologiste Manon Clairbaux et ses collègues révèlent qu’au moins un habitant de l’Arctique perdrait moins d’énergie en changeant de trajet migratoire. En effet, en modifiant son parcours pour relier l’Atlantique nord au Pacifique nord, le mergule nain (Alle alle) dépenserait moitié moins d’énergie que lors de sa migration habituelle. Cette espèce, qui passe traditionnellement l’été dans des aires de reproduction proches du pôle Nord, migre ensuite vers l’Atlantique nord une fois l’hiver venu.
Manon Clairbaux, doctorante à l’université de Montpellier, déclare à Mongabay : « De nouvelles stratégies sont clairement en train d’apparaître pour les oiseaux migrateurs, et ces nouveaux itinéraires auront un impact sur la distribution de la population mondiale ».
Avec son directeur de thèse, l’océanographe David Grémillet du CNRS, et ses collègues norvégien et américains, Manon Clairbaux s’est interrogée sur l’impact de la disparition de la banquise sur les mouvements migratoires des oiseaux de mer en Arctique. Après avoir étudié la littérature scientifique, l’équipe a recensé 29 espèces d’oiseaux susceptibles de migrer un jour vers l’océan Pacifique au lieu de traverser l’Arctique.
L’attention des chercheurs s’est notamment portée sur le mergule nain, un oiseau trapu de la taille d’un étourneau qui, en plus d’être l’espèce la plus représentée en Arctique, a aussi fait l’objet de nombreuses études. Comme l’explique Clairbaux, les chercheurs ont donc une idée assez précise de l’aire de répartition de ces oiseaux et de la façon dont ils s’adaptent au changement climatique.
L’équipe a comparé les modifications dans la distribution de l’espèce à des modèles climatiques afin de déterminer si leurs aires de nidification et d’hivernage seront à même de répondre à leurs besoins futurs. Enfin, l’équipe a utilisé un autre modèle pour prévoir les besoins énergétiques des oiseaux s’ils prenaient la direction du Pacifique plutôt que de migrer vers l’Arctique ou de s’établir définitivement à des latitudes plus élevées.
À la surprise des scientifiques, relate Manon Clairbaux, ce nouveau parcours s’est avéré pour le mergule nain bien plus intéressant d’un point de vue énergétique. Cela montre donc qu’il est possible que l’espèce opte un jour pour une migration est-ouest reliant l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. La chercheuse précise toutefois que cette étude ne s’est intéressée qu’aux coûts énergétiques et pas aux autres facteurs, comme le conditionnement génétique qui pousse les oiseaux à emprunter certains itinéraires, ou la compétition entre espèces suscitée par une nouvelle aire de destination.
L’équipe a publié ses travaux le 28 novembre dans la revue Scientific Reports.
Les chercheurs ne s’attendent pas à ce que les mergules nains modifient du jour au lendemain leur stratégie migratoire. Dans un futur proche, il est néanmoins probable que quelques spécimens (appelés « erratiques ») s’aventurent seuls vers le Pacifique ou qu’une partie de la population se disperse dans cette direction.
Manon Clairbaux ajoute que la transposition de ce travail de modélisation à d’autres espèces permettrait aux chercheurs de mieux comprendre les changements liés à la disparition de la banquise. L’exploitation de ces données pourrait ainsi permettre d’améliorer la planification de mesures de conservation, comme l’implantation d’aires marines protégées.
« Il est essentiel de mettre en place des mesures de conservation dynamiques, déclare-t-elle. En fait, il faut que nous comprenions que les choses vont changer, que les modèles vont changer. »
Bannière : mergules nains en Arctique. Photo : Manon Clairbaux.
John Cannon est membre de l’équipe de rédaction de Mongabay. Suivez-le sur Twitter :@johnccannon
Bibliographie :
Clairbaux, M., Fort, J., Mathewson, P., Porter, W., Strøm, H., & Grémillet, D. (2019). Climate change could overturn bird migration: Transarctic flights and high-latitude residency in a sea ice free Arctic. Scientific Reports, 9(1), 17767. doi:10.1038/s41598-019-54228-5
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Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/12/vanishing-sea-ice-could-shake-up-bird-migrations/