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Le nombre de chimpanzés d’Afrique de l’Ouest est revu à la hausse, à 53 000, mais les projets de développement de la région menacent la sous-espèce

  • Une nouvelle analyse de données de l’UICN recense près de 53 000 chimpanzés en Afrique occidentale.
  • Ce chiffre est nettement plus élevé que les précédentes estimations qui en répertoriaient près de 35 000. Toutefois, la sous-espèce reste classée « en danger critique » sur la liste rouge de l’UICN.
  • Selon les auteurs de l’étude, leurs observations devraient permettre aux gouvernements de la région de développer des projets d’infrastructures qui nuiront le moins possible aux populations de chimpanzés restantes.

D’après une nouvelle étude publiée dans le journal Environmental Research Letters, près de 53 000 chimpanzés vivraient dans les forêts et savanes d’Afrique occidentale – un chiffre plus élevé que les estimations précédentes.

L’étude rapporte que seulement 17 % de cette population vit en zones hautement protégées et souligne que les projets de couloirs de développement figurent parmi les menaces potentielles pesant sur les primates.

De précédentes estimations avaient recensé environ 35 000 chimpanzés d’Afrique occidentale (Pan troglogytes verus). Les auteurs de la toute dernière étude indiquent qu’ils ont réussi à répertorier à la fois la population et sa répartition d’une manière beaucoup plus précise en compilant les données de nombreuses études, dont celles de la base de données de l’UICN (IUCN database for the subspecies).

Construite pour encourager les chercheurs à partager leurs résultats entre eux, la base de données de l’UICN s’est avérée indispensable pour apporter aux conservationnistes et aux représentants politiques une représentation plus précise des populations de primates en Afrique occidentale et dans d’autres régions. Trois-quarts des études menées pour obtenir de nouvelles estimations du nombre des chimpanzés Pan Troglogytes Verus sont inédites. Stefanie Heinicke, chercheur au sein de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive et auteur principal de l’étude, a déclaré que le recensement n’aurait pas été possible sans cette base de données.

« Comme nous avons eu accès à un large éventail de données partagées par différents chercheurs sur la base de données SSC A.P.E.S de l’UICN, pour la première fois nous avons été en mesure de calculer la densité démographique de la sous-espèce sur l’ensemble de la région, y compris dans les zones non étudiées », indique-t-elle à Mongabay lors d’une interview. « Ceci explique pourquoi nos estimations sont plus élevées », ajoute-t-elle.

Les résultats contenus dans la base de données ont, par exemple, permis aux auteurs de revoir leurs estimations pour les chimpanzés vivant au Sénégal de quelques centaines à 2 600. Cette nouvelle étude va pouvoir aider les gouvernements de la région à mieux comprendre comment concevoir des couloirs de développement et autres projets d’infrastructures, tout en gardant à l’esprit la conservation des primates.

Près de 11 000 km (7 000 miles) de reconnaissance pédestre ont été parcourus entre 2001 et 2016 en vue de collecter les données du rapport. « Les données utilisées dans ce rapport émanent de 58 différentes études menées dans différentes zones où vivent les chimpanzés », explique Fiona Maisels, co-auteur du rapport, à Mongabay. « Toutes ces études ont consisté en un comptage de nids. Les chercheurs ont scruté chacune des zones pour identifier et compter les nids de chimpanzés ».

La Guinée abrite la plus large population

L’étude porte sur l’une des quatre sous-espèces de chimpanzés, les chimpanzés d’Afrique de l’Ouest. Ces derniers ont été classés en danger critique par l’IUCN. On les trouve à l’ouest de Dahomey Gap, un couloir séparant les forêts d’Afrique centrale de celles d’Afrique occidentale.

La plus large population a été observée dans la région de Fouta Djallon, au centre-nord de la Guinée, là où la chasse aux chimpanzés est considérée comme fortement taboue, et où l’activité économique et industrielle est moins développée que dans d’autres zones de la région. L’étude indique qu’un peu plus des trois-quarts des chimpanzés vivent au cœur de la mosaïque de forêt-savane, le reste ayant trouvé habitat dans la forêt dense humide, ou plus rarement sur des terres agricoles.

Si les chiffres du recensement sont plus élevés que les estimations précédentes, les chimpanzés d’Afrique de l’Ouest restent, toutefois, toujours en danger. Une étude menée en 2017 avait souligné que leur population avait connu une chute vertigineuse de 80 % par rapport à 1990. Même avec les chiffres revus à la hausse, la sous-espèce reste classée en danger critique sur la liste rouge de l’UICN, soit à un tout petit pas de son extinction totale.

La majorité des chimpanzés d’Afrique occidentale vivrait relativement proche des hommes et de leurs activités : 67 % à moins de 10 km (6 miles) des installations humaines, et 88 % à moins de 10 km des routes. L’étude indique que les projets de développement (mines, barrages et divers projets de couloirs de développement étendant constructions routières, systèmes d’irrigation et toute autre infrastructure vers les zones d’habitats des chimpanzés) pourraient se présenter comme un danger pour le reste de la population vivant dans la région.

Les projets de développement : une menace potentielle

La chute spectaculaire du nombre de chimpanzés au Ghana et en Côte d’Ivoire est le résultat d’une déforestation massive et d’une banalisation de la chasse, elle-même due à l’expansion de l’agriculture industrielle. L’étude a utilisé les données de quatre projets de couloirs de développement pour mettre en évidence les menaces qu’ils pourraient causer sur les populations restantes, en particulier ceux dont les futures routes passeraient à travers des zones comptant une forte densité de la sous-espèce. Le développement des infrastructures dans ces zones et dans d’autres où l’espèce a établi son habitat pourraient accentuer le déclin de la population.

Workers marking cut logs on a road in a forestry concession in Rivercess County, Liberia. Photo by Flore de Preneuf/PROFOR, licensed under CC BY-NC 2.0
Des ouvriers sur une exploitation forestière dans la région de Rivercess, au Libéria. Photo de Flore de Preneuf/PROFOR, sous licence CC BY-NC 2.0

Les politiciens et autres représentants et dirigeants de la région considèrent les couloirs de développement comme un moyen d’aider la population locale à sortir de la pauvreté et de s’ouvrir économiquement et commercialement aux pays voisins. Mais selon l’étude, un peu plus de 10 % des chimpanzés vivant toujours dans la région auraient leurs habitats à moins de 25 km (16 miles) des quatre projets de couloirs de développement.

Pour relier la capitale guinéenne, Conakry, au port libérien de Buchanan, l’un de ces couloirs passerait à travers les forêts couvrant ces deux pays. Certaines de ces forêts abritent de larges populations de chimpanzés, ce qui suscite donc de nombreuses craintes, car le développement de l’activité économique entraine aussi une augmentation des besoins en viande de brousse et dégrade les habitats des animaux. Les chercheurs espèrent que l’étude aidera les politiciens à réduire l’impact du développement des infrastructures sur la sous-espèce.

« Ce que nous pouvons faire maintenant, c’est identifier si ces couloirs traversent des zones hautement habitées par les chimpanzés. Il s’agit en fait de trouver un équilibre entre l’utilisation des terres et la conservation des animaux », déclare Heinicke. « On pourrait, par exemple, dévier les plans des routes de manière à ce qu’elles ne traversent pas ces zones », poursuit-elle

CITATION

Heinicke, S., Mundry, R., Boesch, C., Amarasekaran, B., Barrie, A., Brncic, T., . . . Kühl, H. S. (2019). Advancing conservation planning for western chimpanzees using IUCN SSC A.P.E.S. — the case of a taxon-specific database. Environmental Research Letters. doi:10.1088/1748-9326/ab1379

Image de bannière : Chimpanzés d’Afrique de l’Ouest au sanctuaire de Tacugama, près de Freetown, en Sierra Léone. Photo de BigMikeSndTech, sous-licence CC 2.0

 

Ashoka Mukpo est journaliste indépendant, expert en politiques de développement international, droits de l’homme et questions environnementales. Son travail a été présenté à Al-Jazeera, Vice News, The Nation, The Guardian, et autres médias. Suivez-le sur Twitter : @unkyoka.

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Article original: https://news.mongabay.com/2019/05/western-chimp-numbers-revised-up-to-53000-but-development-threats-loom/

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