- La Réserve Forestière d’Omo au Nigéria offre un habitat précieux pour les animaux, comme les éléphants de forêt, et fournit en eau potable la ville de Lagos.
- Mais la Réserve a été gravement déboisée, perdant plus de 7 % de sa couverture forestière au cours de ces 20 dernières années. Les données satellitaires montrent que 2019 pourrait être une année particulièrement mauvaise pour la forêt primaire restant dans la Réserve.
- La principale cause de déforestation d’Omo est la culture du cacao. La Réserve a attiré des milliers de petits agriculteurs à la recherche de sols fertiles et d’un répit contre la pauvreté. Ces petits agriculteurs vivent illégalement dans la Réserve et le gouvernement hésite à les expulser, du fait que cela perturberait leurs moyens de subsistance et nécessiterait un financement important.
- À la place, on s’emploie à empêcher un grand nombre d’agriculteurs d’envahir la forêt d’Omo. C’est l’objectif des gardes forestiers qui patrouillent les forêts restantes d’Omo, à la recherche d’empreintes et à l’écoute des tronçonneuses et des coups de feu. Bien qu’ils aient réussi à empêcher certains empiétements, la Réserve est trop grande pour que l’équipe, relativement petite, puisse surveiller efficacement la totalité de la forêt.
LAGOS, Nigéria – Emmanuel Olabode se tient debout devant l’incendie dans le camp Eri dans la Réserve Forestière d’Omo, dans l’état d’Ogun au sud-ouest du Nigéria. Les langues de flammes scintillent sous les vagues du vent, projetant des ombres sur son treillis et les branches des arbustes voisins.
Les chants des oiseaux nocturnes s’élèvent alors que l’obscurité s’épaissit, se mêlant aux voix des gardes forestiers qui partagent leurs rencontres avec des agriculteurs et des chasseurs. Olabode s’assoit tranquillement sur un banc de rondins sur le pont, encadré de bois et de zinc rouillé ; il écoute, prend des notes et rit.
L’un des gardes forestiers déclare « si les agriculteurs ne commencent pas à aller en prison, la forêt n’existera peut-être plus, car certains de ces agriculteurs sont têtus. ». Les gardes forestiers rient, certains approuvent d’un signe de tête et d’autres émettent des objections.
« Les agriculteurs ont l’argent pour soudoyer les juges et la police » réplique un autre garde, avant d’ajouter « Les personnes qui peuvent récolter des millions ne passent pas un jour en prison. »
Olabode gère l’Initiative sur les éléphants de forêt (Forest Elephant Initiative), un programme mené par la Fondation nigériane pour la conservation (Nigeria Conservation Foundation), avec le Wild Planet Trust et le Ministère de la Forêt d’Ogun, pour aider à protéger la population décroissante d’éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) dans le pays. L’équipe – composée de 12 gardes forestiers, tous en poste depuis à peine un an – travaille avec Olabode pour repousser les chasseurs et les agriculteurs qui empiètent sur ce qui reste de l’une des plus importantes aires de forêt tropicale du Nigéria.
Bien que les 132 000 hectares (326 000 acres) de la forêt d’Omo aient bénéficié d’une protection officielle, dont en son sein une parcelle de 640 hectares (1 580 acres) désignée « Réserve naturelle intégrale », la Réserve est soumise à une forte pression des agriculteurs, des chasseurs et des bûcherons.
Selon les données satellitaires de l’Université du Maryland (UMD), entre 2001 et 2018, la Réserve d’Omo a perdu plus de 7 % de sa couverture forestière. Jusqu’à présent, en 2019, l’UMD a enregistré plus de 2 000 alertes à la déforestation, dont la plupart ont eu lieu en mai et juin.
« Si les efforts ne sont pas intensifiés et durables, il n’y aura peut-être plus de forêt d’Omo dans les dix prochaines années » déclare Onoja Joseph, directrice du programme technique à la Fondation nigériane pour la conservation. « Et c’est effrayant d’imaginer les déséquilibres écologiques que [cela pourrait entraîner] non seulement dans les communautés locales mais aussi à Lagos. »
La forêt d’Omo fait office de bassin versant majeur pour les rivières qui fournissent en eau potable la ville de Lagos – l’une des plus grandes villes commerçantes d’Afrique, où se concentre plus de 20 millions d’habitants. En tant que l’une des plus grandes étendues de forêt primaire restante dans la région, Omo est également essentiel dans la sauvegarde du fragile équilibre écologique du sud-ouest du Nigéria.
Les chercheurs craignent depuis longtemps qu’il reste peu, voire plus aucun, éléphants de forêt dans la Réserve. Mais, au début de l’année dernière, lorsqu’un troupeau a fait irruption sur la route Lagos-Ore-Benin qui traverse Omo, il est devenu évident que de nombreux éléphants habitaient encore dans la Réserve. De nombreux témoins oculaires ont indiqué aux gardes forestiers qu’ils avaient compté plus de 60 éléphants.
« Outre le chiffre 60 répété à mainte reprise par de nombreux témoins oculaires et villageois, nous en trouvons encore [plus] ici dans la forêt. Je pense que nous pouvons dire qu’il y a près de 80 éléphants ici, si ce n’est plus », affirme Olabode.