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L’augmentation de la population humaine serait à l’origine de la disparition de la mégafaune de Madagascar : étude

  • Les espèces animales de grande taille, appelées mégafaune, ont disparu de Madagascar il y a environ un millénaire.
  • On pense que les humains auraient largement contribué à leur disparition.
  • Une nouvelle étude montre qu’une explosion de la population suivie du passage d’un style de vie chasseur-cueilleur à celui d’éleveur-berger fut un élément déterminant.
  • Une augmentation de la population a entraîné une pression de chasse accrue sur les différentes espèces et une dégradation de leurs habitats, ce qui a mené en fin de compte à leur extinction.

Il y a un peu plus de 1 000 ans, Madagascar abritait des animaux fabuleux comme les æpyornis ou oiseaux-éléphants, le fossa géant ou le lémurien subfossile. Contrairement à leurs cousins actuels, ces animaux étaient gigantesques, plus grands que l’humain de taille moyenne. Puis, en quelques centaines d’années (entre 700 et 1000 ans après J.-C), ces énormes animaux, appelés mégafaune, disparurent.

Les scientifiques ont tenté de comprendre la raison de leur disparition et le rôle que les hommes y ont joué, si tant est qu’il y en ait. Aujourd’hui, de nouvelles études indiquent que les humains ont effectivement contribué à leur disparition, mais d’une certaine façon non encore explorée par les théories actuelles.

Madagascar, appelé parfois « le huitième continent », est la quatrième plus grande île du monde et la plus ancienne, formée il y a environ 86 millions d’année lorsqu’un énorme fragment de masse continentale, qui fait le double de l’Arizona, s’est détaché du sous-continent indien. Pendant des millions d’années, l’île a favorisé le développement d’un nombre élevé d’espèces végétales et animales uniques au monde.

Le fossa actuel est beaucoup plus petit que le géant fossa qui vivait sur l’île il y a environ 1 000 ans. Photo de Rhett A. Butler.

Les humains seraient apparus beaucoup plus tard. Bien que la date de leur apparition reste toujours sujette à controverses, de nouveaux éléments montrent que leur présence sur l’île remonte à environ 10 000 ans. Leur arrivée sonnait le glas des espèces de grande taille, mais la façon dont ils interagissaient avec ces animaux font encore l’objet d’études scientifiques.

« Pour comprendre l’extinction (selon notre théorie), savoir s’il y’avait de la présence humaine ou même si les humains chassaient animaux sauvages de grande taille ou non, mais quels autres types d’activités réalisaient-ils ?, a fait savoir dans un courriel adressé à Mongabay, Laurie Godfrey, paléontologue à l’Université de Massachussetts Amherst et coauteure d’un récent article publié dans le Journal of Human Evolution.

Les auteurs soutiennent que le facteur déterminant a été la taille de la population. Ils ont pu réunir des preuves montrant que la rapide disparition de la mégafaune à Madagascar coïncide avec l’augmentation spectaculaire de la population sur l’île.

Leurs travaux de recherche avaient pour but de répondre aux questions suivantes : Quand les animaux ont-ils disparu ? Que faisaient les humains à l’époque ? Comment étaient les conditions climatiques ?

Pour répondre à ces questions, les chercheurs ont effectué la datation au carbone 14 d’espèces vivantes et disparues sur les mêmes sites et ont étudié les os de ces animaux afin de déceler des marques de tuerie causées par des outils humains. Ils ont également examiné les spéléothèmes, des dépôts minéraux en forme de pointes que l’on trouve généralement dans les cavités naturelles souterraines et qui sont réalisés par l’écoulement de l’eau. Les signaux chimiques conservés dans ces formations particulières enregistrent des changements dans les régimes pluviométriques et même dans les types de végétation. Des données génétiques humaines ont également fourni des informations aux scientifiques sur l’arrivée des humains sur l’île et aussi sur la taille de la population.

Graduate student and research team member Peterson Faina with stalactites and stalagmites (a kind of speleothem) in a cave in Madagascar. Image courtesy of Laurie Godfrey
Peterson Faina, étudiant diplômé et membre de l’équipe de recherche posant dans une cave à Madagascar remplie de stalactites et de stalagmites (une sorte de spéléothème). Image fournie par Laurie Godfrey.

Les éléments réunis attestent que la croissance spectaculaire de la population a été favorisée par le changement du style de vie des humains de l’époque, qui sont passés de chasseurs-cueilleurs à éleveurs-bergers. Un afflux d’immigrants provenant d’Indonésie à cette époque, ont accéléré la croissance de la population. Cependant, ces nouveaux agriculteurs ne se sont pas limités à produire leurs denrées alimentaires et à apprivoiser les animaux ; ils continuaient à chasser les animaux qui peuplaient l’île pour augmenter leur nourriture.

Les auteurs concluent dans l’article que l’augmentation de la population et la pression accrue sur ces animaux géants ont joué un rôle considérable dans la disparition de ces derniers.

Ce qui est surprenant, c’est que l’élevage des animaux domestiques pourrait avoir accentué la pression de chasse sur les animaux sauvages au lieu de la réduire.

A life restoration of Hadropithecus stenognathus, an extinct species of lemur, based on fossil evidence. H. stenognathus is thought to have weighed between 27 and 35 kilograms (60 and 77 pounds), more than three times the size of the largest living species of lemur, the indri (Indri indri). Image by Smokeybjb via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).
Reconstitution de l’Hadropithecus stenognathus, une espèce éteinte de lémuriens d’après les ossements découverts. On dit qu’elle aurait une masse corporelle de 27 à 30 kg (60 à 77 livres), soit plus de trois fois la taille de la plus grande espèce vivante de lémuriens : l’indri (Indri indri). Image de Smokeybjb via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).

Bien que les chercheurs estiment toutefois que la chasse serait plutôt à l’origine de l’extinction massive de ces animaux qui peuplaient l’île, ils ne pensent pas qu’elle en soit la seule cause. Le nouveau mode de vie des humains a participé à la destruction de leurs habits et a précipité l’extinction des animaux sauvages.

Les chercheurs sont opposés à la théorie généralement admise que la sécheresse aurait causé leur disparition. « Nous disposons de preuves qui montrent que l’extinction rapide des animaux géants qui peuplaient Madagascar n’a pas coïncidé avec un quelconque changement de climat. Aucune sécheresse n’a été à l’origine de leur disparition ! affirme Godfrey.

De nos jours, cette nouvelle conception a des incidences sur les efforts en matière de conservation, notamment le fait que les humains ont cohabité avec des animaux de très grande taille pendant des milliers d’années sans causer des conséquences dramatiques.

« Cela signifie que l’extinction de la mégafaune ne serait pas causée en partie par la présence des humains, ce qui suggère que ceux-ci peuvent entreprendre des activités qui ne causeront pas une extinction d’une espèce. », ajoute Godfrey.

Comparaison entre la taille d’un œuf d’oiseau-éléphant, d’autruche et de poule. Image de Rhett A. Butler.

Malavika Vyawahare est une journaliste environnementale et reporter à Madagascar attachée au journal Mongabay.

Citations

Godfrey, L. R., Scroxton, N., Crowley, B. E., Burns, S. J., Sutherland, M. R., Pérez, V. R., … & Ranivoharimanana, L. (2019). A new interpretation of Madagascar’s megafaunal decline: The “Subsistence Shift Hypothesis.” Journal of Human Evolution130, 126-140.

Article original: https://news.mongabay.com/2019/04/human-population-boom-led-to-madagascars-megafauna-extinction-study/

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