Nouvelles de l'environnement

Débat sur la culture intensive du palmier à huile au Gabon

  • Près de 88 pour cent du Gabon est couvert de forêts, mais les ONG craignent que le développement des plantations menace cette ressource viable.
  • Les communautés locales accusent SOTRADER, un partenariat public-privé entre le gouvernement et la multinationale Olam, d'accaparement de terres.
  • En septembre, le gouvernement du Gabon a signé un accord permettant de gérer durablement ses forêts à haut stock de carbone ; ses défenseurs disent que le projet respecte l’environnement et les engagements sociaux communautaires.

Près de 88 pour cent du Gabon est couvert de forêts. Comme le pays cherche à diversifier son économie, y compris le développement de l’agriculture et des plantations commerciales, peut-il continuer de protéger cette importante ressource des communautés locales et de la bioversité? La culture intensive du palmier à huile par la multinationale Olam inquiète de nombreuses ONG qui ont lancé une mobilisation en direction des autorités gouvernementales pour les sensibiliser sur les risques pour les populations et l’environnement.

En 2015, dans le cadre du programme dénommé GRAINE (Gabonaise des réalisations Agricoles et des Initiatives des nationaux Engagés), les autorités gabonaises ont noué un partenariat public-privé avec la firme Olam Palm Gabon pour le développement d’une concession de 58.500 hectares. L’entreprise, connue sous le nom de Société gabonaise de transformation agricole et développement durable (SOTRADER) s’établit à Ndendé dans la province de la Ngounié pour l’exploitation du palmier à huile.

Les populations y vivant, notamment celles des villages Ferra et Nanga qui constatent la précarité dans laquelle elles vivent, avaient dans un premier temps salué le projet. Mais elles accusent maintenant la société de mener une politique contre-productive. Ces populations veulent continuer à jouir de leurs droits d’usage coutumiers pour leurs activités de production et de cueillette, et à assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire des communautés.

À cela s’ajoute la colère des jeunes desdits regroupements de villages mécontents qui dénoncent la précarité des emplois créés par cette société. « Le salaire moyen de l’ouvrier agricole, oscillant entre 100 et 150 000 francs CFA par mois, est difficilement atteint même en travaillant à plein temps alors que la firme, elle, voit son chiffre d’affaires galoper de manière exponentielle selon les rapports de sa direction générale », témoigne Mouity Kombila Dimitri, employé d’Olam dans le département de la Dola, joint par téléphone par Mongabay.

Ladislas Ndembet, président de l’ONG Muyissi Environnement, qui observe au quotidien le comportement de la multinationale, y voit d’énormes risques pour la nature, les espèces humaines, la faune et la flore. C’est pourquoi il avance qu’« il est dans l’intérêt de tous que les pouvoirs publics qui ont cédé plusieurs milliers d’hectares à Olam revoient leur politique d’attribution des terres. Cela leur éviterait d’être sifflés comme vient de l’être à Mouila lors de sa tournée interprovinciale le directeur de cabinet du président de la République, Brice Laccruche Alihanga, que les populations n’ont pas voulu entendre dresser des lauriers à Olam qu’elles accusent d’appauvrir les sols et de mener une politique contre-productive. »

À l’occasion de la Journée contre les monocultures d’arbres, une coalition d’habitants des zones impactées et de groupes de la société civile à travers l’Afrique de l’Ouest, de l’Est et de l’Afrique Centrale a lancé une pétition contre l’expansion des plantations et l’accaparement des terres.

La rivière Ngounié à Mouila, Gabon.
La rivière Ngounié à Mouila, Gabon. Image: Vincent Vaquin/Flickr (CC-3.0)

Défenseurs du projet

Mais Olam a aussi ses partisans dans la société civile gabonaise. Hervé Omva, président d’Initiatives Développement Recherches Conseils Africa (IDRC Africa), une ONG spécialisée dans le soutien aux groupes locaux pour la protection de la biodiversité et l’augmentation de la valeur des produits forestiers non ligneux, n’est pas d’accord. Interrogé sur l’expansion des plantations d’Olam, il présente l’action d’Olam comme une de celles qui se font dans le pays en respect de l’environnement, des engagements sociaux communautaires de base et surtout en matière de création d’emplois durables. « Je suis pour le développement durable des plantations de palmiers à huile certifiés RSPO. Depuis son installation dans cette région, le travail d’Olam est à féliciter en termes de respect de l’environnement, des engagements sociaux communautaires de base et surtout en matière de création d’emplois durables », plaide Hervé Omva.

Dans un communiqué de presse, l’ONG Croissance Saine Environnement rejette également les allégations contre le projet. « Il est important de rappeler que la concession incriminée (SOTRADER Ndendé) dans ladite pétition a fait l’objet d’un développement 100 % en conformité avec le principe de Zéro-Déforestation, aucune forêt n’a été touchée dans la concession. De plus, aucun développement n’a pu avoir lieu sans le consentement et l’approbation des communautés (à travers un CLIP), y compris celles de Nanga et Ferra, qui ont participé activement au processus de protection de leurs terres ancestrales. »

En plus, selon Croissance Saine Environnement, des milliers d’hectares ont été mis en conservation en conséquence au projet d’Olam. L’ONG pointe vers des contrats sociaux qui ont été conclus avec les communautés au sud. « Au-delà même de ces engagements, le groupe OLAM a développé de nombreuses activités supplémentaires, notamment pour garantir une amélioration des conditions de vie des populations via la mise en place d’activités génératrices de revenus. »

Yvon Martial Nzantsi Miyagou, le coordonnateur du ROSCEVAC Ngounié et membre actif de Croissance Saine Environnement, dit à Mongabay que l’intervention de son ONG repose sur une étude de région effectuée en partenariat avec l’Institut National Supérieur d’Agronomie et de Biotechnologies sur plusieurs sites d’Olam.

Marc Ona Essangui, secrétaire administratif de Brainforest, engagé avec acharnement dans la lutte pour la préservation de l’environnement, ne comprend pas ces interventions.
« Muyissi Environnement est une ONG libre qui dénonce une situation sur les activités d’Olam dans la Ngounié sans même attendre la réaction de l’entreprise ; c’est Croissance Saine Environnement qui se repend dans les journaux », s’insurge-t-il.

Ona et son ONG, qui a gagné le prix Goldman en 2009 en reconnaissance de son travail contre la déforestation, sont signataires de la pétition aux côtés de Muyissi Environnement.

Ndembet, qui dit pourtant ne pas être foncièrement opposé aux activités d’Olam pouvant dans une moindre mesure créer de la richesse, sédentariser les populations et leur apporter un mieux-être, s’insurge cependant contre l’ambition du gouvernement de faire du Gabon le premier producteur africain d’huile de palme dans un avenir très proche. « Ma crainte est motivée par le fait qu’Olam ne puisse pas tenir ses engagements vis-à-vis des communautés villageoises pour lesquelles les terres exploitées revêtent un caractère vital », fait-il remarquer. « La multinationale a établi des contrats sociaux n’ayant aucun sens sans valeur juridique, ce qui ressemble plutôt à un marché de dupes visant l’enrichissement d’Olam au détriment des populations rurales » déclare-t-il.

Depuis le début des années 2000, le gouvernement du Gabon a créé 13 parcs nationaux, dont l’un classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. En septembre, le Gabon a signé un accord afin de gérer durablement ses forêts à haut stock de carbone. L’accord récompensera le pays avec un montant allant jusqu’à 150 millions de dollars en paiements, basés sur les résultats pour la protection des zones à haute valeur de conservation et le maintien de son vaste couvert forestier.

Le Gabon héberge près de 60% des éléphants de forêt subsistant en Afrique.
Le Gabon héberge près de 60% des éléphants de forêt subsistant en Afrique. Image: Ngangorica/Wikicommons (CC-SA-4.0)

Image de bannière: Forêt tropicale, Gabon. Axel Rouvin/Flickr (CC-2.0)

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