- Les activistes et les communautés concernées dans l’État de Cross River (Nigéria), continuent de protester contre le projet de construction d’une autoroute passant à travers des terres agricoles et des forêts qui abritent des espèces menacées telles que le gorille de Cross River.
- L’autorité fédérale a ordonné une série de mesures pour minimiser l’impact du projet, mais deux ans plus tard, il reste difficile de savoir si les promoteurs s’y sont conformés, alors même que les travaux reprennent.
- Les écologistes mettent en garde contre une « boîte de Pandore » de problèmes engendrés par la construction de l’autoroute, incluant la déforestation illégale, le braconnage, l’expropriation des terres, le changement du microclimat, l’érosion, l’appauvrissement de la biodiversité et l’empiètement sur des zones protégées.
- Ils appellent le gouvernement à chercher des alternatives à la nouvelle autoroute, incluant l’investissement dans la modernisation du réseau routier actuel.
OKUNI, Nigéria – Les bulldozers sont retournés dans les forêts de l’État de Cross River, dans le sud-est du Nigéria, en janvier. Leurs lames en acier ont repris la destruction de la forêt tropicale, de plantations de caoutchouc et de cacao, ainsi que d’habitations et de fermes pour faire place à l’autoroute à six voies, dépossédant ainsi des milliers de villageois et menaçant des habitats précieux pour les espèces en danger le long du parcours.
Le tracé initial, proposé en 2015 par Ben Ayade, gouverneur de l’État de Cross River, aurait coupé à travers plus de 100 km (60 miles) de forêt intacte. La moitié de cette distance devait traverser un parc national qui abrite le gorille de Cross River (Gorilla gorilla diehli), en danger critique d’extinction. La proposition revendiquait une étonnante zone tampon de 20 km de chaque côté de la route.
Les écologistes, les ONG et les communautés locales ont farouchement résisté au projet en lançant une série de contestations judiciaires et de nombreuses pétitions aux autorités gouvernementales et nationales.
Les études relatives à l’impact environnemental du projet ont été rejetées trois fois par le ministère fédéral nigérian de l’Environnement pour ne pas avoir satisfait aux normes requises. Les études ont été jugées globalement insuffisantes (absence de données de base, de spécifications techniques et mesures de protections environnementales nécessaires), et les communautés affectées n’auraient pas été consultées de manière adéquate.
En juillet 2017, le ministère a mandaté le gouvernement fédéral pour réduire la zone tampon de 70 mètres (230 pieds), et rediriger la route à l’écart des limites du parc national et des forêts communautaires, parmi des dizaines d’autres conditions. Il a également demandé des plans concrets pour le relogement et le rétablissement des moyens de subsistance des villageois affectés, ainsi que la limitation des impacts négatifs potentiels sur la biodiversité.
Le respect de ces exigences aurait dû être communiqué à des fins d’examen public avant que les travaux ne reprennent cette année.
Si d’aventure ce travail a été fait, il n’a pas été rendu public, bien que la trajectoire de la route ait supposément été changée afin d’éviter de passer au cœur du parc national de Cross River.
L’administration du gouverneur Ayade n’a pas non plus précisé la provenance du financement pour ce projet. En février, l’administration Ayade a écrit à l’Assemblée nationale pour demander l’approbation d’un prêt conséquent de 648,87 milliards de nairas (1,8 milliards de dollars) afin de financer la nouvelle autoroute.
Plus de 1 500 espèces végétales se trouvent dans le parc, parmi lesquelles 77 sont menacées. Outre le gorille de Cross River, dont moins de 300 individus se trouveraient encore dans la nature, la région abrite également des éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis), des pangolins, des faux-gavial d’Afrique (Mecistops cataphractus) et des primates, dont le chimpanzé du Nigéria-Cameroun (Pan troglodytes ellioti), le drill (Mandrillus leucophaeus), et le colobe roux du Cameroun (Piliocolobus preussi), qui peut être trouvé uniquement dans la section Oban du parc et en face de la frontière, dans le parc national camerounais de Korup.