Nouvelles de l'environnement

Le plan ambitieux pour rétablir la population du fougueux bovin nain

  • Bien que ce soit une espèce en danger de disparition, la population de tamaraus s’est stabilisée et a augmenté durant les deux dernières décennies.
  • Les défenseurs de l’environnement et les populations autochtones planifient maintenant d’utiliser la population existante pour repeupler les autres populations à travers l’île de Mindoro.
  • Les défenseurs de l’environnement disent que rien de tout cela n’aurait été possible sans le soutien actif des groupes tribaux indigènes de Mindoro, qui prennent les devants pour rétablir la population de tamaraus.

Ne vous faites pas avoir par les apparences. L’animal sur la photo ci-dessus, un bovin nain connu sous le nom de tamarau (Bubalus mindorensis) et originaire de l’île de Mindoro aux Philippines, peut paraître mignon. Il peut même ressembler à un animal que l’on voudrait toucher, caresser ou nourrir à la main dans un parc animalier. Mais ce petit buffle vous fera la misère.

« Les communautés locales et les guides n’ont aucune envie de s’en approcher » a raconté Barney Long, directeur principal de la conservation des espèces au Global Wildlife Conservation (GWC), qui travaille avec le groupe local D’Aboville Foundation pour la conservation du tamarau. « Tout le monde dit que c’est un animal dangereux et qu’il vous attaquerait si vous vous en approchiez trop. Pensez au buffle d’eau en Asie, qui a été rendu le plus docile possible grâce à la génétique et à l’élevage. Le tamarau est l’exact contraire de cela. »

Long a dit que lors de visites dans des zones où vivent des tamaraus, les populations locales évitent les forêts et les herbes hautes et préfèrent rester sur les terrains où l’herbe est courte, « car il est possible de voir suffisamment loin devant soi. »

Un tamarau dans le parc national des Monts Iglit-Baco. Ce parc est un bastion pour cette espèce en danger critique d’extinction dont la population varie entre 400 et 500 individus à l’heure actuelle. Photo de Barney Long.

« Les tamaraus n’ont pas l’intention d’attaquer les hommes, mais ils se défendront très certainement s’ils en ressentent le besoin » a déclaré James Slade, l’agent de prévention du crime contre les espèces sauvages de GWC, qui a participé à de nombreuses patrouilles avec des gardes forestiers locaux.

Les défenseurs de l’environnement, la population locale et les groupes autochtones se sont récemment mis d’accord sur un plan aussi téméraire que le tamarau lui-même. L’objectif est de reconstituer le noyau central de la population de cette espèce en danger critique d’extinction tout en repeuplant quelques zones de l’île avec des tamaraus.

Avec ce plan, ces acteurs espèrent qu’un jour le tamarau va à nouveau parcourir les montagnes de Mindoro d’un côte à l’autre, en maintenant les humains à l’écart des herbes hautes.

Le retour des bovins

June Pineda-David est la coordinatrice de projet du programme de conservation des tamaraus (Tamaraw Conservation Program – TCP), un projet spécial dirigé par le Département de l’environnement et des ressources naturelles (DENR) du gouvernement philippin. De ce fait, elle est activement impliquée dans tous les aspects qui concernent le tamarau : elle donne des informations sur le tamarau dans les écoles locales, elle s’assure que les gardes forestiers ont l’équipement nécessaire s’ils se retrouvent face à un tamarau, et elle travaille avec les communautés autochtones à l’intérieur du parc.

Elle explique que de voir un tamarau sauvage pour la première fois en 1995 a été une expérience qui lui a changé la vie.

« Le tamarau est notre trésor, notre fierté, notre patrimoine » a-t-elle déclaré à propos des valeurs de son pays d’origine.

Une statue du tamarau sur Mindoro, son île d’origine. Cette espèce est devenue une soruce de fierté pour les Philippines. Photo de Barney Long.

Le tamarau n’est pas la plus petite espèce de bovins sauvages au monde. Cet honneur revient à l’anoa des montagnes (Bubalus quarlesi), originaire des Célèbes, une île indonésienne. Mais Long décrit le tamarau comme mesurant à peu près « la moitié de la taille » d’un buffle d’eau (Bubalus bubalis), connu sous le nom de carabao aux Philippines. Il pèse entre 180 et 300 kilogrammes (400 à 660 livres) et mesure environ 100 centimètres (40 pouces) au garrot. Il a de belles cornes en forme de V qui s’inclinent vers le haut et, comme beaucoup d’espèces naines, il a des membres plutôt courts et un corps trapu.

Bien qu’il soit considéré comme une espèce naine, le tamarau reste le plus grand animal sauvage terrestre des Philippines.

En 2000, l’IUCN a estimé que la population de tamaraus comprenait entre 30 et 200 individus. En plus de considérer le tamarau comme un animal sur le point de disparaître, les défenseurs de l’environnement n’avaient qu’une vague idée du nombre de tamaraus qui existaient encore. Aujourd’hui, la population globale s’élève à environ 500 individus à trois endroits confirmés, mais la majorité d’entre eux se trouvent au parc national des Monts Iglit-Baco.

Ce que les écologistes ont réussi à faire ces vingt dernières années, c’est de sécuriser et même d’augmenter la population dans le parc. Cette population, alors qu’elle reste menacée, est aujourd’hui préservée d’un risque d’extinction totale et a également la possibilité d’accroître davantage le nombre de ses individus.

Aujourd’hui, le parc est activement surveillé. Les écologistes travaillent en étroite collaboration avec les tribus autochtones afin de protéger ensemble le tamarau. De plus, les gardes forestiers effectuent des patrouilles régulières dans le parc.

« [Les gardes forestiers] prennent note de tout ce qu’ils trouvent et le signalent au quartier général où ils peuvent planifier une opération avec les autorités nationales si besoin. Ils offrent une présence constante et vraiment nécessaire à l’intérieur de la zone protégée » a déclaré Slade.

Un garde forestier en pleine patrouille dans le parc national des Monts Iglit-Baco. Les gardes forestiers ont joué un rôle déterminant dans la réduction des menaces qui pèsent sur cette espèce grâce à leur travail avec les groupes tribaux et en informant le public. Photo de Barney Long.

Simultanément, les tamaraus sont devenus de vraies célébrités aux Philippines, bien que cet animal ne vive que sur l’île de Mindoro. Le tamarau est actuellement en lice pour recevoir une reconnaissance officielle comme étant un animal national des Philippines (ce titre est détenu de manière non officielle par le carabao, bien que cet animal ne soit pas originaire des Philippines). Une camionnette populaire parmi les Philippins porte son nom et il possède sa propre réputation notoire. Le gouvernement philippin n’est pas seulement activement impliqué ; il le fait avec enthousiasme.

Cela signifie que le tamarau est maintenant dans une position enviable, car parmi les trois espèces de bovins sauvages en danger critique d’extinction, il est celui qu’il a les meilleures chances de survie à long terme, d’après James Burton, président du groupe de spécialistes du bétail sauvage d’Asie de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’IUCN.

Les deux autres espèces sont le kouprey (Bos sauveli), originaire du sud-est du continent asiatique et considéré comme potentiellement disparu, car il n’a pas été vu en plus de trente ans, et le soala (Pseudoryx nghetinhensis), le plus grand mammifère terrestre récemment découvert sur Terre, qui se trouve uniquement au Vietnam et au Laos et qui fait partie des espèces les plus menacées.

Toutefois, le tamarau ne peut pas encore s’aventurer hors des herbes hautes. Il est encore menacé de braconnage par les riches Philippins et pas les tribus autochtones et il pourrait être attrapé par des pièges placés pour les porcs sauvages.

Il est également menacé par la perte de son habitat naturel. En effet, l’arrivée d’espèces végétales invasives pourrait anéantir son habitat et, ce qui est plus inquiétant encore, ce sont les potentielles maladies qui pourraient les accompagner, car la grande majorité des tamaraus est concentrée en un seul endroit. La peste bovine, qui pourrait être transmise par le bétail domestique, est particulièrement préoccupante.

« Ce que nous devons faire, c’est de nous assurer qu’il y a une biosécurité entre les bovins dans les fermes et les tamaraus sauvages car, à leur emplacement actuel ils ne présentent pas forcément de risque, mais les éleveurs de bétail se rapprochent de plus en plus » a déclaré Long.

Un plan pour bâtir sur le succès

En décembre dernier, étant donné que le nombre de tamaraus était généralement stable dans le parc national des Monts Iglit-Baco, les acteurs se sont réunis pour discuter du futur de ce nain fougueux.

Long a dit que lors d’une réunion datant de vingt ans plus tôt, un plan détaillé avait émergé sur la manière de sauver le tamarau de ce qui semblait être une extinction imminente.

« Et ce qui devait être fait dans le parc national des Monts Iglit-Baco a été fait, et la population de tamaraus est passée de 200 à 400 voire 500 individus » a-t-il déclaré. « [Mais,] rien n’a été fait sur les autres zones de l’île et les individus ont soit disparus, soit leur nombre a décliné rapidement. Ce que cela démontre, c’est que nous savons ce qui doit être fait et nous avons prouvé que cela pouvait être un succès. »

Des gardes forestiers patrouillent sur le magnifique site du parc national des Monts Iglit-Baco. Photo d’Emmanuel Schutz / Daboville Foundation.

La clef est de maintenant prendre graine du succès qui a eu lieu à Iglit-Baco et le transférer à d’autres zones où le tamarau pourrait être présent actuellement.

La réunion de décembre s’est achevée avec un plan ambitieux sur trente ans pour soutenir et remettre des populations sauvages en dehors des Monts Iglit-Baco, ce qui, potentiellement, créerait une population large et diversifiée.

Le premier but est d’accroître la population présente dans le parc national des Monts Iglit-Baco pour qu’il atteigne un nombre stable de plus de 500 animaux. Long déclare qu’à ce moment-là, les défenseurs de l’environnement pensent qu’ils pourront prendre des individus de cette population principale et les déplacer dans des zones où le nombre d’individus est moins important, comme à Auryan Malati, où seuls une douzaine d’animaux sont présents, et vers la rivière Amnay, où se trouvent entre 65 et 100 animaux, bien que cela ne fût pas vérifié.

Après cela, la partie vraiment intéressante va commencer : remettre des tamaraus dans des zones où l’on pense qu’il n’existe plus.

Long a déclaré : « Il y a du potentiel pour recréer de petites populations et pour essayer d’obtenir quatre ou cinq sous-populations à travers l’île durant ces prochaines décennies. »

Il a ajouté que les défenseurs de l’environnement ont déjà quelques zones supplémentaires en tête.

La population indigène est la clef

Tout cela n’aurait pas eu lieu sans la population indigène de Mindoro.

« La population autochtone de Mindoro pense qu’elle coexiste avec les tamaraus depuis toujours » a annoncé Pineda-David. « Leurs aînés leur ont appris que les tamaraus font partie intégrante de leur culture et de leurs traditions, ce qui inclut également que le tamarau fait partie de leur régime alimentaire. Ils croient que si cette espèce disparaît, la leur s’achèvera aussi. »

Long dit que le plan pour remettre des individus sauvages dans la nature a vraiment été initié par la population autochtone de l’île.

Une femelle tamarau et son petit dans le parc national des Monts Iglit-Baco. Photo d’Emmanuel Schutz / D’ABOVILLE Foundation.

« Durant cet atelier, les dirigeants [indigènes] ont pris la parole pour dire que les tamaraus et eux-mêmes ne faisaient qu’un » a-t-il ajouté.

Lorsque la conversation s’est tournée vers le fait que les tamaraus étaient en train de disparaître de certaines zones, Long a déclaré que ce sont les groupes tribaux qui ont pris les devants. La tribu Tawbuid, qui vit dans les Monts Iglit-baco, a fait savoir qu’elle voulait rendre le tamarau aux tribus qui l’avaient perdu.

« C’est à ce moment-là que l’atelier a vraiment pris de l’élan sur la manière dont nous pourrions faire revivre le tamarau sur l’entier de l’île » a dit Long. « Les Tawbuid pourraient devenir le foyer spirituel du tamarau et ce sont eux qui redonneraient des tamaraus à d’autres groupes ancestraux sur l’île. »

Dans le cadre d’un partenariat avec les Tawbuid et d’autres groupes, Long dit que les défenseurs de l’environnement soutiennent les efforts des populations indigènes pour que ces derniers obtiennent finalement un domaine ancestral et des droits territoriaux au sein des Monts Iglit-Baco.

« [Les Tawbuid] n’aiment pas le parc, car il les empêche d’obtenir un domaine ancestral. Ces deux choses ne sont pas en compétition » a-t-il dit. « Nous avons travaillé avec le parc pour développer et obtenir un nouveau plan de gestion. »

La chasse traditionnelle du tamarau par les groupes indigènes est une autre question.

Un groupe de tamaraus photographié par une caméra dans la région d’Aruyan Malati, à Mindoro. La population à cet endroit est estimée à seulement une douzaine d’individus. Photo de WWF-Philippines and D’Aboville Foundation.

Long dit que ce genre de chasse, pratiquée ainsi pendant des centaines d’années, mais qui est désormais illégale, était probablement viable dans le temps, lorsque la population de bovins était bien plus importante.

« Nous voulons être capables de travailler avec les populations indigènes afin de contrôler leur méthode de chasse traditionnelle, pas forcément pour les en empêcher, mais pour nous assurer que cette méthode est viable » a-t-il annoncé. « Ca va être un équilibre et une conversation à avoir dans le futur. »

Nouvelle surprise

En mi-juin, le bovin fougueux de Mindoro a à nouveau surpris les défenseurs de l’environnement..

Une expédition à la réserve faunique du Mont Calavite (Mount Calavite Wildlife Sanctuary), situé à l’extrémité ouest de l’île, a permis de repérer un jeune mâle tamarau. Cela a été la première fois qu’un animal a été repéré là-bas en 27 ans, ce qui augmente le nombre de locations où se trouve le tamarau à quatre.

Cela signifie que la réserve faunique du Mont Calavite n’est pas une zone où l’on pourrait ramener des tamaraus sauvages, mais il est possible de reconstruire ce qui est déjà en place.

A une époque d’extinction massive et de vaste déclin écologique, le tamarau montre ce qui peut arriver lorsque les gens mettent leurs efforts en commun.

Pineda-David dit que « les partenariats et la collaboration » ont été indispensables pour repousser avec succès l’extinction et pour trouver un moyen d’aller de l’avant pour l’étoile montante de l’île, le tamarau fougueux.

 

Image de bannière: un tamarau photographié par une caméra installée au centre de l’habitat des tamaraus dans le parc national des Monts Iglit-Baco. Photo du WWF-Philippines et du Programme de conservation des tamaraus. 

Article original: https://news.mongabay.com/2019/07/the-ambitious-plan-to-recover-and-rewild-the-feisty-dwarf-cow/

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