- Sur la demande de Greenpeace, les autorités belges ont bloqué une cargaison de bois tropical provenant du Gabon.
- En vertu de la législation européenne sur le bois, les entreprises européennes sont tenues de mener une diligence raisonnée sur la provenance du bois qu’elles importent.
- En l’espèce, Greenpeace affirme que ce préalable n’a pas été respecté, puisque le bois provient d’une société forestière chinoise suspectée d’exploitation illégale de bois au Gabon.
Le 8 juillet, l’expert en Forêts chez Greenpeace, Philippe Verbelen, effectuait un contrôle de routine dans le port belge d’Anvers lorsqu’il a aperçu un nom familier marqué sur une cargaison de bois : Wan Chuan Timber SARL (WCTS). Cette entreprise s’est fait épingler et a été condamnée, à maintes reprises, à une amende pour cause d’infractions graves au Gabon.
Verbelen a alerté les douaniers du port, qui ont immédiatement saisi ladite cargaison de Padouk, un bois tropical. Le gouvernement belge enquête en ce moment sur la Compagnie de Bois Anvers, l’entreprise basée à Anvers qui a importé cette cargaison, pour voir si la législation européenne sur le bois (RBUE) n’a pas été violée.
La cargaison en question provenait du Gabon, un pays connu pour sa biodiversité. Sa forêt tropicale qui couvre 85 % du pays, possède une immense diversité d’espèces. En mai dernier, l’ancien vice-président gabonais Pierre Moussavou et le ministre des Forêts et de l’Environnement ont été limogés à la suite d’un scandale de trafic de bois qui a secoué le pays.
« Le Gabon est un pays où le niveau de corruption, lié au secteur de l’exploitation forestière, est très élevé », a déclaré M. Verbelen. « Les entreprises européennes de bois doivent, à l’évidence, identifier les entreprises opérant au Gabon et celles avec lesquelles il serait très risqué de faire des affaires.
La WCTS, l’entreprise qui a exporté le bois, est une société forestière chinoise qui exerce ses activités au Gabon. Verbelen a reconnu son nom grâce à une enquête secrète menée par l’Agence américaine d’enquête environnementale (en anglais EIA), une ONG basée à Washington, D.C. L’EIA est tombée sur la WCTS en 2016, alors qu’elle enquêtait sur des activités d’exploitation forestière illégales au Gabon.
« Nous nous renseignions sur l’identité des vrais délinquants, ces gens ou ces entreprises qui enfreignaient toutes les règles sans aucun respect et, à chaque fois, tous les doigts se pointaient sur la WCTS », a déclaré Lisa Handy, la directrice de l’EIA.
En 2016 et 2017, les enquêteurs de l’EIA se sont fait passer pour des marchands de bois et ont rencontré le directeur général adjoint de la WCTS, Chen Wixing. Ils ont filmé en caméra cachée un certain nombre de rencontres avec Chen et avec d’autres employés de la WCTS.
« Son modèle économique repose essentiellement sur la surexploitation structurelle, la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et, pour l’essentiel, la corruption », a affirmé Handy.
Selon elle, la WCTS exploitait entre deux et trois fois son quota prévu par la loi. Lorsque l’EIA s’est entretenue avec Chen en 2016, Handy soutient que la WCTS abattait déjà des arbres dans des zones qu’elle n’était pas censée atteindre avant 2030.
Dans la série de vidéos publiées par l’EIA en mai dernier, Chen décrit comment la société éludait l’impôt grâce au transfert de prix et par quel moyen elle contrôlait une multitude de petites entreprises pour faire transiter ses exportations et, éviter ainsi d’éveiller les soupçons des autorités gabonaises.
La WCTS fait maintenant l’objet d’une enquête au Gabon depuis que l’EIA a publié son rapport.
En vue de respecter son engagement de réduire l’exploitation illégale des forêts, l’Union européenne a mis en place en 2013 le RBUE, une législation visant à bannir l’importation illégale de bois sur le marché européen.
Désormais, les entreprises européennes importatrices de bois ont l’obligation de s’assurer de l’origine licite de leurs approvisionnements via un système de diligence raisonnée.
Les documents d’orientation rédigés par la Commission européenne et destinés à aider les commerçants de bois dans l’interprétation de la condition du RBUE, « dans les cas où le risque de corruption n’est pas négligeable, même les documents officiels émis par les autorités ne peuvent être considérés comme fiables. » C’est sur cette base que Greenpeace estime que la Compagnie du Bois Anvers n’a pas conduit une diligence raisonnée.
Dans une déclaration en réponse aux questions de Mongabay, la Compagnie du Bois Anvers a déclaré : « Nous avons bien sûr été choqués par la série de vidéos que l’EIA a publiée le 22 mai 2019. Nous avons immédiatement suspendu nos relations avec la WCTS en attendant la conclusion des enquêtes. »
Elle s’est toutefois refusée à tout autre commentaire jusqu’à ce que l’enquête arrive à son terme.
Depuis 2017, on accuse publiquement la WCTS de pratiques illégales. Durant cette année, les autorités gabonaises avaient mené une enquête et condamné l’entreprise à une amende. Elle fait également l’objet d’une plainte de la part de l’ONG gabonaise Conservation Justice, qui s’est constituée en partie civile. M. Verbelen estime que la disponibilité de cette information signifie que la Compagnie du Bois Anvers a clairement manqué à son obligation de mener une diligence raisonnée.
« Si vous êtes un négociant en bois belge, il existe énormément de signes qui montrent que le risque de tomber sur du bois illégal en faisant des affaires avec cette entreprise est élevé » affirme-t-il. « La Compagnie du Bois Anvers doit faire l’objet d’une enquête et, à notre avis, subir des sanctions. »
La Compagnie du Bois Anvers et Greenpeace attendent présentement l’issue de l’enquête menée par le gouvernement belge.
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Image de bannière: bois exporté par Wan Chuan Timber SARL présentement bloqué au port d’Anvers (Belgique). Image fournie par Philippe Verbelen (Greenpeace)
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/07/gabonese-timber-linked-to-illegal-logging-seized-in-antwerp/