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Les arguments en faveur du rôle prépondérant des forêts dans la lutte contre le changement climatique

  • Les auteurs d’un nouveau rapport affirment qu’investir en faveur des forêts pour atténuer le changement climatique est tout aussi important que de s’occuper des émissions provenant du secteur de l’énergie.
  • Bien que l’on reconnaisse qu’elles puissent contribuer à ralentir le réchauffement de la planète, les forêts ne sont généralement pas considérées comme une solution permanente au changement climatique.
  • Les auteurs de ce rapport prétendent que les clauses de l’accord de Paris approuvées à la Conférence de l’ONU sur le climat en Pologne, ont pour objectif de rendre les pays responsables pour toutes modifications de leurs forêts de tel sorte que puisse être comptabilisé tout « revirement ».

La plupart des scientifiques et experts sont d’accord sur le fait que les forêts sont essentielles à la stabilisation du climat mondial, et l’accord de Paris sur le climat de 2015 reconnait le besoin de « conserver et d’améliorer » leur potentiel de séquestration du carbone. Mais trois ans après l’accord, les forêts et leur capacité en tant que régulateurs d’émission ne sont toujours pas reconnues au même titre que le secteur de l’énergie.

Ceci est partiellement dû au fait que les forêts ne sont pas considérées comme une solution permanente, a déclaré Donna Lee, une consultante indépendante sur le changement climatique et l’utilisation des terres.

“On craint de voir les forêts partir en fumée en quelques années, si nous investissons dedans », a écrit Lee dans un email à Mongabay. « Nous oublions que les forêts ont existé sur notre planète depuis des millénaires. »

La forêt équatoriale de Bornéo, en Indonésie. Image de John C. Cannon / Mongabay.

Dans un rapport publié en novembre par l’Alliance sur le climat et l’utilisation des terres (Climate and Land Use Alliance), basée à San Francisco, Lee et ses collègues soutiennent que les dirigeants mondiaux devraient exploiter le potentiel des forêts pour lutter contre le changement climatique. En effet, les preuves s’accumulent, notamment avec un rapport de 2018 de l’Alliance CLARA (Climate, Land, Ambition and Rights Alliance) qui suggère qu’on ne pourra pas tenir l’engagement pris lors de l’accord de Paris de maintenir la hausse des températures mondiales en dessous de 1,5 degré Celsius, à moins que les forêts existantes soient maintenues et que l’on autorise la restauration des zones dégradées.

« Je pense vraiment que les « solutions naturelles pour le climat » tendent à être sous-estimées et sous-financées », a-t-elle déclaré. « Des rapports récents suggèrent que même si des « options naturelles », en particulier les forêts, peuvent représenter jusqu’à 30% de la solution à court terme, ces dernières ne reçoivent qu’environ 2% des fonds alloués pour l’atténuation du climat. »

Les forêts séquestrent 1,3 fois plus de carbone que ce que représentent les ressources énergétiques inexploitées dans le monde, a écrit Lee et ses co-auteurs. Ils affirment également que des revirements (c’est-à-dire les changements du statut permanent de puits ou source de carbone après comptabilisation) sont possibles dans le secteur de l’énergie, de la même façon qu’ils le sont pour les forêts.

Un village établit en bordure de forêt au Cameroun. Image par John C. Cannon / Mongabay.

« Ils peuvent se produire dans n’importe quel secteur », a déclaré Lee. Par exemple, un pays peut s’écarter d’une stratégie énergétique lourdement dépendante de l’énergie nucléaire en raison du risque d’accidents. Le basculement vers de nouvelles sources d’énergie changerait alors la quantité de carbone que le pays serait responsable de relâcher dans l’atmosphère.

En ce qui concerne les forêts, on craint que les émissions de gaz à effet de serre comptabilisés dans les contributions déterminées par les pays au niveau national, dépendent des forêts existantes, ce qui pourrait alors entraîner un déboisement rapide. Lee a toutefois déclaré qu’il y aura moins de risques de passer à côté de ces changements s’il on tient les pays responsables en vertu de la clause « une fois comptabilisé, plus de sortie » (once in, always in) de l’accord de Paris, approuvée à la Conférence des Nations Unies pour le climat de 2018 en Pologne.

« Aujourd’hui, les pays sont responsables pour toutes les forêts et pour une longue période », a déclaré Lee. « C’est un point essentiel du nouvel accord ».

Souvent, a déclaré Lee, les forêts ne sont considérées que comme un dépôt statique de carbone ou comme une source d’émission lorsqu’elles sont déboisées ou dégradés. Mais en se concentrant sur cette partie de l’équation, on ne tient pas compte de tout leur potentiel pour ralentir le réchauffement de la planète, dit-elle.

Un affluent de l’Amazone coupe à travers la forêt équatoriale au Pérou. Image par John C. Cannon / Mongabay.

« Ce qui est merveilleux concernant les terres et les forêts, c’est qu’ils retirent également [le dioxyde de carbone] de l’atmosphère », a déclaré Lee. En plus, à long terme, le reboisement des zones défrichées et la réhabilitation des forêts dégradées pourraient renforcer le rôle du secteur foncier.

« Malgré tout, ce n’est pas facile », a-t-elle ajouté. « Et je ne pense pas que ce soit nécessairement bon marché. » Mais elle fait remarquer que les forêts ne sont pas chères comparées à la plupart des « technologies de captage du carbone ». De plus, elle et ses collèges écrivent que les puits de carbone, parmi lesquelles les forêts sont les plus importantes, représentent à l’heure actuelle l’unique solution pour absorber l’immense quantité de carbone relâchée par les humains dans l’atmosphère.

« Si on les ignore, les forêts existantes deviendront notre héros méconnu », a déclaré Lee.

Image de la bannière représente l’Amazone au Pérou par Rhett A. Butler / Mongabay.

Citation 

Federici, S., Lee, D. and Herold, M. (2017). Forest Mitigation: A Permanent Contribution to the Paris Agreement.

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