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Une recherche scientifique a mis en évidence l’utilité des mille-pattes pour apaiser les démangeaisons des lémuriens

  • Les scientifiques ont observé que les lémuriens à front roux de Madagascar mordaient les mille-pattes et ensuite s'enduisaient des sécrétions produites.
  • La publication de ces recherches conduites par une équipe de chercheurs a été accompagnée de la théorie suivante : les lémuriens utiliseraient les sécrétions de mille-pattes pour traiter les infections causées par des vers.
  • L'auteur principal de l'étude a observé que les lémuriens avaleraient parfois le mille-pattes, dans le but peut-être de ralentir la croissance des parasites présents dans leurs intestins

Ces démangeaisons incommodantes causées par ces parasites ont pu être le facteur déterminant de la découverte d’un remède naturel par les lémuriens de Madagascar.

Le 30 juillet dernier, la publication de nouvelles recherches dans le journal Primates laissent entendre que les lémuriens à front roux (Eulemur rufifrons) enduisent les parties de leurs corps avec les sécrétions de mille-pattes, un procédé que l’on appelle “auto-onction”.

Louise Peckre, primatologue à l’Institut de Leibniz de Recherche des Primates, située à Gottingen en Allemagne et un des auteurs principales de cette étude a déclaré : “L’auto-onction “accompagnée par l’ingestion des sécrétions de ce millipède pourrait être une manière de s’auto-soigner pour les lémuriens à front roux.

Un lémurien à front roux dans la forêt de Kirindy photographiée par Louise Peckre/Institut de Leibniz de Recherche des Primates.

En 2016, Peckre a assisté à une invasion soudaine de mille-pattes dans la forêt de Kirindy située au centre de Madagascar, en plein milieu de ses observations sur les lémuriens à front roux, une espèce quasi menacée selon UICN (Union Internationale pour la Conservation de l’Environnement). La forêt de Kirindy est sèche la plus grande partie de l’année, mais en été, lors de la saison des pluies dans l’hémisphère du Sud, il y fait très chaud et humide. Cette première grosse pluie de la saison a probablement déclenché l’apparition de ces myriapodes.

Immédiatement après cet évènement, Peckre a observé que six lémuriens appartenant à deux groupes différents auraient apparemment tiré partie de cette aubaine. Un lémurien aurait attrapé un mille-pattes et l’aurait déchiqueté de toute part, produisant une substance orange en le mâchouillant avec sa salive. Ce dernier aurait frotté ensuite sa fourrure et ses parties intimes notamment son anus; il aurait mordu à nouveau le mille-pattes et aurait répété cette séquence, alternant la patte avec laquelle il le tenait. Ensuite, le lémurien aurait avalé le mille-pattes mais pas systématiquement.

Les chercheurs pensent que “l’auto-ointement” pratiqué par d’autres animaux pourrait s’apparenter à une forme de communication. Mais si c’est le cas, les auteurs rapportent aussi que les autres membres du groupe proches de ce dernier, dont l’un des lémuriens s’auto-soignait, n’auraient pas beaucoup prêté attention à ce manège. Il n’est pas apparu non plus que le mille-pattes soit une source de nourriture très appréciée.

Les œufs d’un oxyure, un ver nématode de la famille des Oxyruridés. Les parasites qui contaminent les lémuriens à front roux font aussi partie de la famille des Oxyruridés. Images par DPDx, PHIL (domaine publique) via Wikimedia Commons.

Les observations de Peckre ont mis en évidence que les lémuriens qui se servaient de mille-pattes souffraient de maux qu’ils essayaient de traiter.

Peckre a dit : “au cours des observations de ce frottement, nous avons été surprise de remarquer des zones à vif, sans fourrure sur le bas du dos de ces nombreux animaux. Elle a ajouté que ces dernières sont reconnues comme étant les parties postérieures utilisées pour s’asseoir et soumises à un grattage excessif.

Peckre a dit : “Ces zones dénudées indiqueraient la présence d’infections causées par les oxyruridés, une famille de vers présente dans la population des lémuriens à l’époque de l’étude.”

Ces vers qui peuvent causer des démangeaisons anales chez les humains appartiennent à la famille des oxyruridés.

Des lémuriens à front roux. Image par Jialian Gao (CC BY-SA 4.0), via Wikimedia Commons.

Peckre et ses collègues ont pour hypothèse que l’application externe de sécrétions de mille-pattes pourrait être à la fois un traitement pour soulager l’infection en cours et à la fois un remède pour en prévenir d’autres. Les mille-pattes secrètent des composants chimiques, qui les rendent moins alléchants comme proie, notamment le benzoquinone dont l’odeur éloigne les moustiques et tue les bactéries.

Une autre étude rapporte que le benzoquinone pourrait ralentir la croissance des parasites intestinaux ce qui expliquerait pourquoi les lémuriens avaleraient parfois le mille-pattes après s’être soignés avec.

Image de bannière d’un lémurien à front rouge par John Surrey (CC BY-SA 4.0), via Wikimedia Commons

Citation

Peckre, L. R., Defolie, C., Kappeler, P. M., & Fichtel, C. (2018). Potential self-medication using millipede secretions in red-fronted lemurs: combining anointment and ingestion for a joint action against gastrointestinal parasites? Primates, 1-12.

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