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Sur l’île Maurice, l’abattage met en danger la chauve-souris frugivore, proche de l’extinction

  • Le gouvernement mauricien a récemment présenté un plan visant à abattre 20 % de la population de roussettes noires de l’île Maurice.
  • Ces dernières années, l’abattage a entrainé l’extermination de dizaines de milliers de chauves-souris et l’Union international pour la conversation de la nature (UICN) classe à présent cette espèce, vivant uniquement sur l’île Maurice et peut-être dans quelques îles voisines, dans la catégorie des espèces en danger.
  • Une récente étude a révélé que, si les chauves-souris (ainsi que les oiseaux) font des ravages dans les vergers des producteurs, poser des filets sur les arbres lorsque les fruits murissent peut radicalement limiter les dégâts causés par ces animaux.

Ces dernières années, l’abattage des chauves-souris frugivores pour protéger les cultures sur l’île Maurice a amené cette espèce au bord de l’extinction. Aujourd’hui, le gouvernement mauricien prévoit d’y avoir de nouveau recours.

Pour les scientifiques, le problème est que le fait de tuer les chauves-souris pourrait ne pas accroître les récoltes. Jusqu’à présent, les producteurs et le gouvernement agissaient selon l’hypothèse, basée sur peu de preuves, qu’une chauve-souris endémique appelée la roussette noire mauricienne (Pteropus niger) était pour beaucoup responsable des pertes de récoltes.

Les roussettes noires mauriciennes (Pteropus niger) sont maintenant classées dans les espèces en danger par l’UICN. Photo de Simon J. Tonge via Wikimedia Commons (CC BY 3.0).

Mais lorsque Gareth Jones, professeur de biologie et spécialiste des chauves-souris à l’Université de Bristol (Royaume-Uni), et ses collègues de l’île Maurice et du Royaume-Uni ont abordé scientifiquement cette question, ils ont découvert que la situation s’avérait plus complexe.

« C’est étrange qu’une espèce qui joue un rôle écologique crucial et qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde doive être abattue massivement en l’absence de preuves fiables sur les dégâts qu’elle cause et sur l’efficacité d’un tel abattage » déclare M. Jones dans un communiqué.

L’abattage décidé par le gouvernement a décimé près de 40 000 chauves-souris en 2015 et 2016, soit probablement près de 40 % de la population. En tenant compte des autres menaces auxquelles les chauves-souris font face, comme la perte d’habitat et le braconnage, l’UICN a classé cette espèce dans la catégorie en danger en 2018.

D’après une pétition lancée en octobre dernier par l’ONG Rainforest Rescue, le gouvernement mauricien, une nation insulaire de l’océan Indien dans l’hémisphère sud, avait annoncé vouloir tuer près de 20 % – environ 13 000 chauves-souris – de la population restante. Les producteurs de mangues et de litchis indiquent que les chauves-souris ont causé la perte de récoltes équivalente à environ 5 millions de dollars en une année et nombre de ces producteurs ne voient que la baisse du nombre de chauves-souris comme solution.

Une vue de l’île Maurice. Photo de Clément Larher via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).

Mais, d’après M. Jones et ses confrères, des solutions existent. Pendant plusieurs mois en 2015 et 2016, ils ont observé les dégâts causés par les chauves-souris et les animaux non originaires de l’île Maurice dans plusieurs vergers de litchis et de manguiers.

Ils ont découvert que les chauves-souris (ainsi que les oiseaux) étaient responsables des dégâts causés dans un quart des arbres, mais que cela variait grandement selon les vergers. Les plus grands arbres attiraient davantage les chauves-souris tandis que les oiseaux préféraient les plus petits.

L’équipe de chercheurs a également mesuré l’impact des filets déposés sur le sommet des arbres fruitiers pour éviter que les animaux n’aillent s’y ravitailler. Quand les filets étaient assez larges et correctement placés, ils ont permis de diminuer jusqu’à 23 % des dégâts causés par les chauves-souris. Les chercheurs ont souligné que les filets étaient une solution particulièrement rentable car le gouvernement rembourse 50 à 75 % de leur coût.

Les chercheurs ont publié leurs conclusions le 9 novembre 2018 dans le journal Oryx.

« Abattre davantage n’est clairement pas nécessaire et heureusement le rôle écologique crucial joué par ces animaux à la fois remarquables et en danger peut être encouragé et amélioré à l’avenir », déclare dans un communiqué Ryszard Oleksy, spécialiste des chauves-souris et auteur à la tête de cette étude en partenariat avec Ecosystem Restoration Alliance – Indian Ocean (l’Alliance pour la restauration de l’écosystème – océan Indien) sur l’île Maurice.

Les roussettes mauriciennes et autres chauves-souris jouent un rôle écologique crucial en tant que distributeurs de graines et pollinisateurs. Photo © Jacques de Speville.

Les chauves-souris pollinisent les plantes et distribuent les graines des fruits sauvages qu’elles mangent, ce qui aide à régénérer les forêts de l’île Maurice dont la superficie diminue.

Outre les filets, l’équipe de chercheurs indique que cueillir des fruits plus tôt pourrait éviter les pertes, les chauves-souris préférant généralement les litchis et les mangues trop mûrs. Les producteurs peuvent également tailler davantage leurs arbres afin de les rendre moins attractifs.

Avec ces différents moyens non mortels pour gérer les chauves-souris, les auteurs de l’étude soulignent que les projets actuels du gouvernement visant à réduire le nombre de chauves-souris de près de 20 % ne sont pas nécessaires.

« Nous espérons que ces conclusions aident à fournir les preuves qu’il faut plus d’interventions efficaces pour la protection des cultures fruitières. » déclare M. Jones.

Image de bannière d’une roussette mauricienne © Jacques de Speville. 

Citation

Oleksy, R. Z., Ayady, C. L., Tatayah, V., Jones, C., Froidevaux, J. S., Racey, P. A., & Jones, G. The impact of the Endangered Mauritian flying fox Pteropus niger on commercial fruit farms and the efficacy of mitigation. Oryx, 1-8.

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