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Suivi du recul des forêts tropicales des puits de carbone à la source

  • De meilleures cartes des stocks de carbone, ainsi qu’une meilleure compréhension de la façon dont les forêts tropicales réagissent au changement climatique, sont nécessaires pour relever le défi de maintenir la température mondiale en dessous de 2 degrés Celsius (3,6 degrés Fahrenheit), selon le scientifique Edward Mitchard de l’Université d’Édimbourg.
  • À présent, les forêts tropicales absorbent presque la même quantité de carbone que celle qui est libérée lorsqu’elles sont défrichées ou dégradées.
  • Cependant, les changements climatiques, davantage à l’origine de sécheresses et d'incendies entraînant la perte d'arbres tropicaux, pourraient modifier l'équilibre, faisant des forêts tropicales une source nette de carbone atmosphérique.

Les scientifiques qui cherchent les outils nécessaires pour lutter contre le changement climatique doivent mieux comprendre à la fois l’interaction actuelle entre le carbone et les forêts tropicales et comment ces forêts réagiront à la hausse des températures.

C’est l’une des conclusions d’une récente étude du scientifique Edward Mitchard, de l’Université d’Édimbourg, publiée le 25 juillet dans la revue Nature.

« Prédire comment les forêts tropicales affecteront le climat est un défi complexe – nous ne savons pas comment le climat affectera les forêts, ni si les pays respecteront leurs engagements en matière de leur sauvegarde », a déclaré M. Mitchard dans un communiqué. « Chose inquiétante, la recherche indique que les forêts pourraient bientôt cesser de lutter contre le réchauffement et devenir une source majeure de gaz à effet de serre. »

Un arc-en-ciel au-dessus d’une forêt à Trinidad. Image par Edward Mitchard/Université d’Édimbourg.

L’accord de Paris sur le climat de 2015 repose sur l’espoir que l’homme puisse limiter l’augmentation de la température mondiale à moins de 2 degrés Celsius (3,6 degrés Fahrenheit) grâce à une stratégie à plusieurs volets qui comprend l’arrêt de la déforestation et de la dégradation sous les tropiques. La ceinture de forêts équatoriales d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est reçoit généralement des crédits pour siphonner entre 25 et 33 % des émissions mondiales de carbone chaque année.

Mais à ce niveau, les scientifiques pensent aussi que la perte et la destruction continues des forêts entraînent probablement la libération dans l’atmosphère d’environ autant de carbone qu’elles en absorbent. Présentement, ils ne savent pas exactement combien de temps cet équilibre durera, ce qui fait craindre que nous n’atteignions un point de basculement.

« Si l’on considère toutes les sources de preuves, il semble probable qu’à mesure que la taille du puits forestier intact diminue, les forêts tropicales sont en train de passer d’une source approximativement neutre à une source nette de carbone, » écrit Mitchard.

« Avec l’accélération probable de la disparition des forêts et du changement climatique au cours du XXI eme siècle, les forêts tropicales devraient libérer toujours plus de carbone, ce qui rendra très difficile la limitation du réchauffement climatique à moins de[2 C] au-dessus des niveaux préindustriels », a-t-il déclaré.

Un arbre avec des racines de soutien à Trinidad. Image par Edward Mitchard/Université d’Édimbourg.

Une part du défi consiste à prédire l’impact qu’aura le changement climatique sur les forêts tropicales. D’une part, des niveaux plus élevés de dioxyde de carbone dans l’atmosphère pourraient permettre aux arbres de pousser plus gros et plus vite, et l’ensemble approprié de politiques en place qui limitent la déforestation et favorisent la repousse des forêts pourrait faire basculer l’équilibre vers les forêts tropicales comme puits net de carbone.

D’autre part, le réchauffement des températures favorise également les pointes dans la respiration libérant du carbone par les plantes et le sol, ainsi que dans les incendies et la sécheresse qui détruisent les arbres. Si le besoin de plus de terres pour l’agriculture et l’élevage du bétail pour nourrir une population humaine en augmentation, pour les matériaux de construction et pour les mines continue de causer la déforestation, alors il est probable qu’à l’avenir les forêts émettent plus de gaz qu’elles n’en retirent.

Mitchard invite à faire des expériences à long terme dans lesquelles les scientifiques font monter la température sur de grandes parcelles de forêts et mesurent les réponses.

Selon lui, des cartes plus détaillées des stocks de carbone aideraient également à se concentrer sur les mouvements nuancés du carbone. Même si les cartes satellites ont aidé les chercheurs à veillé sur la déforestation, les tourbières ne sont pas aussi bien cartographiées. Cela s’explique en partie par la difficulté de mesurer les énormes quantités de carbone qu’ils stockent. D’après les scientifiques, bien qu’elles ne couvrent qu’environ 5 % de la superficie des forêts tropicales, les tourbières détiennent jusqu’à 65 % du carbone total que produisent les arbres tropicaux.

Une forêt de tourbe à Kalimantan, Bornéo en Indonésie. Image par Sergiobaffoni (CC BY 3.0), via Wikimedia Commons.

Déjà, a dit M. Mitchard, de nombreux pays tropicaux s’emploient à renforcer leurs efforts de surveillance dans le cadre d’« une stratégie visant à réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts et le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et de l’amélioration des stocks de carbone forestier dans les pays en développement ». REDD+, comme on l’appelle, favorise des paiements à ces pays (généralement des pays plus riches et plus développés) pour maintenir les stocks de carbone détenus dans leurs forêts. Des cartes plus précises appuieront davantage les objectifs de cette approche.

Les modèles de prévision de l’avenir du climat doivent également tenir compte de la demande continue cause de la déforestation. Certains pays, comme le Brésil, ont fait des progrès pour s’attaquer à ces facteurs, mais le pays offre également une mise en garde au sujet des changements possibles dans les politiques et les prix des produits agricoles.

En 2012, le pays avait réduit son taux de déforestation de 76 % par rapport à 1990. Les dirigeants brésiliens ont été salués pour avoir ramené la part de la plus grande forêt tropicale humide du monde qui revient au pays du bord de la destruction grâce à des politiques ciblées, aidées par la chute des prix des produits de base, pour maintenir les forêts debout. Mais l’introduction récente de politiques favorables au développement a remis les taux de déforestation — et les émissions de carbone — du Brésil sur une trajectoire ascendante..

Une forêt tropicale à Trinidad. Image par Edward Mitchard/Université d’Edimbourg.

Cette tendance inquiète des scientifiques comme le climatologue Antonio Donato Nobre, de l’Institut national de recherche amazonienne du Brésil, qui s’inquiète des changements à venir dans la forêt amazonienne, des changements qui pourraient finalement se produire sur la scène mondiale.

« Nous commençons à observer d’importantes émissions de carbone dues au dépérissement des forêts lié au climat », a déclaré M. Nobre à Mongabay en 2017. « Ainsi, d’un précieux puits net de carbone, l’océan vert de l’Amazonie pourrait très bientôt devenir une source de carbone cauchemardesque. »

Image de la bannière d’un arbre de contrefort à Trinidad par Edward Mitchard/Université d’Édimbourg.

Citation

Mitchard, E. T. A. (2018). The tropical forest carbon cycle and climate change. Nature, 559(7715), 527–534.

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